Le bon goût allemand n’a pas de limite ; la démission des classes dirigeantes françaises non plus. À l’occasion de la célébration du 11 novembre, qui marque – rappelons-le – la fin de la Première Guerre mondiale par la défaite de l’Allemagne, une chaîne d’information d’État, payée par le contribuable français, a eu le manque de tact d’inviter un certain Joachim Bitterlich, pur produit de l’établissement d’Outre-Rhin, ancien conseiller du ministre des Affaires étrangères de 1983 à 1987 puis conseiller du chancelier Kohl de 1987 à 1998, avant d’être promu ambassadeur auprès de…l’OTAN.
Et voici que ce 11 novembre 2016, sur la chaîne de radio en continu du service public français, ce diplomate (!) vient préconiser tout de go une fusion des régions frontalières françaises avec les régions allemandes voisines. Une jonction, c’est-à-dire tout uniment l’Anschluss de l’Alsace et de la Lorraine ! On voit bien que c’est l’Allemagne seule qui bénéficierait de ce rapprochement qui, en revanche, réduirait le tissu national français. Décidément le rêve d’annexion est une marotte qui ressurgit périodiquement, sous des formulations diverses, quand l’Allemagne, redevenue trop forte, est de nouveau arrogante et dominatrice au point de perdre tout sens commun. Au passage, l’intéressé, qui se proclame naturellement un « européen » convaincu, démontre que le projet eurocratique, tendant à construire une Europe allemande solidement arrimée à l’atlantisme états-unien, passe par l’élimination des nations historiques, à commencer par la France dont Joachim Bitterlich déplore la frilosité en matière de perte de souveraineté. Certes, il préconise périodiquement de relancer la relation franco-allemande à laquelle il est probablement attaché sous une certaine forme, mais trop souvent la vision allemande de cette relation consiste à faire de la France une sorte de 17e Land. En tout cas, on voit bien comment l’idéologie paneuropéenne continue à s’appuyer sur l’idée de grandes régions artificielles destructrices de nations.
Quand on sait que l’intéressé est membre du Conseil d’administration de l’École nationale d’administration (ENA), créée par le général de Gaulle en octobre 1945 pour en faire une école de service public nationale, on mesure à quel point l’esprit de renoncement s’est installé chez de nombreuses « élites » qu’on n’ose plus qualifier de françaises. Dès lors, on comprend mieux l’amplitude du mouvement de protestation d’un pays réel qui reste attaché à l’identité française.
Charles Saint-Prot