À l’invitation de l’Association des Femmes arabes de la presse et de la communication, dirigée par Dr Zeina el- Tibi et avec le parrainage des sénateurs François Grosdidier et Joëlle Garriaud-Maylam, une conférence a été organisée au Sénat le 29 novembre pour la parution du livre L’État des Frères musulmans, l’avenir de l’organisation internationale d’Abdelrahim Ali, dont la traduction en français a été publiée chez L’Harmattan. Député au parlement égyptien, Abdelrahim Ali est le directeur du Centre des études du Moyen-Orient (CEMO) et le rédacteur en chef du quotidien égyptien Al Bawaba.
Dr Zeina el Tibi a prononcé une allocution introductive. Après avoir remercié les sénateurs Grosdidier et Garriaud-Maylam et salué les parlementaires présents, elle a rappelé que dans son ouvrage, Abdelrahim Ali démontre, à partir des textes et des déclarations de la Confrérie, les liens entre les Frères musulmans et le terrorisme. Elle a affirmé « Il faut être clair et dire une fois des plus que la Confrérie, pas plus que les autres mouvements extrémistes, ne représentent évidemment pas l’Islam. Les Frères musulmans, les groupes extrémistes, les prétendus républiques islamiques et leurs affiliés ne font que se servir de l’Islam. Ils ont pris la religion en otage pour un projet politico-religieux qui est essentiellement politique. Le devoir des musulmans est de libérer l’Islam et de démonter sans cesse que les extrémistes sont des déviants, des imposteurs et des charlatans criminels qui donnent une image abjecte et, bien entendue, fausse de la religion. De fait, ils nourrissent l’islamophobie et le choc des civilisations. C’est pourquoi il faut se féliciter du travail d’hommes comme Abdelrahim Ali qui viennent dévoiler les mensonges »
Le soutien des sénateurs
La sénatrice Catherine Morin-Desailly, présidente de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication et présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Égypte, a affirmé être là pour soutenir l’action de l’association des femmes de la presse arabe présidée par Mme El Tibi, qui fait un travail remarquable, et pour soutenir les efforts de M. Abdelrahim Ali contre le fanatisme, Elle a déclaré que le terrorisme nait d’un obscurantisme. Elle a souligné que « le livre de M. Abdelrahim Ali est très important car il donne un éclairage capital. Ces derniers jours nous sommes très affectés par ce qui s’est passé dans le Sinaï et nous présentons nos condoléances au peuple égyptien. Après l’attaque contre la communauté copte et aujourd’hui cette nouvelle violence contre des croyants musulmans, il faut combattre ensemble tous les obscurantistes et faire en sorte que le dialogue entre les religions s’instaure véritablement »
Le sénateur François Grosdidier a rappelé qu’Abdelrahim Ali aborde « d’une façon critique la conception ambiguë qui est celle des Frères musulmans de l’État islamique, de la cause de la démocratie et de l’usage de la violence ». Selon le sénateur Grosdidier « Ici au Sénat il est important de tenir une rencontre sur le dévoiement politique de l’Islam à des fins totalitaire et théocratiques, à la fois en rupture avec l’évolution du monde arabe et la construction des démocraties européennes. C’est un défi qui nous est lancé, il s’agit d’éclairer un univers qui pour beaucoup d’Européens est peu connu. Il faut combattre le terrorisme militairement, mais aussi l’idéologie islamiste sur le plan intellectuel et politique afin d’éviter l’islamophobie qui peut que se renforcer du fait de l’extrémisme. C’est un défi commun qui exige une coopération accrue, des informations précises. C’est l’objet de notre rencontre au Sénat aujourd’hui ».
Le rôle des Frères musulmans
Abdelrahim Ali a considéré, lors de sa conférence au Sénat français, que l’attaque contre la Mosquée al-Raouda dans le Sinaï (plus de 300 morts) est « l’un des crimes les plus odieux jamais commis en Égypte ». Selon Abdelrahim Ali, la vague du terrorisme qui a frappé la région du Sinaï fait partie des conséquences de la destitution des Frères Musulmans du pouvoir, montrant ainsi la face cachée d’une organisation qui avait pour projet d’établir un califat islamique par tous les moyens y compris par la voie de la violence : « ils ont réussi à récupérer le terrain politique après la révolution du 25 janvier, mais la rue égyptienne a vite grondé de colère quand on s’est rendu compte que Morsi avait pour projet d’abolir la constitution, balayant ainsi les promesses et les acquis de la révolution du 25 janvier » a-t-il expliqué. Ainsi le déploiement des groupes terroristes au Sinaï et les tentatives de déstabiliser le pays notamment sur le plan sécuritaire font que les Frères Musulmans sont pointés du doigt puisque tous ces événements surviennent depuis leur départ du pouvoir.
Pour Abdelrahim Ali il est temps de conjuguer les efforts entre pays arabes et européens afin d’éradiquer la menace terroriste, « une coopération qui a tardé à venir certes mais nous saurons rattraper nos failles dans le domaine de la lutte antiterroriste en échangeant les renseignements sur les activités des mouvements islamistes et de notre part nous continuerons à les démasquer, pour que le monde voit enfin leur vrai visage » dit-il. Il révèle par ailleurs que plusieurs services de renseignement européens s’apprêtent à mettre en place début 2018 ; des programmes de renseignement fournis par les pays arabes sur les mouvements islamistes et leurs actions ; « une première étape qui permettra enfin de traquer les organisations des Frères Musulmans qui agissaient jusque-là en toute liberté en Europe. »
Soutenir les leaders musulmans modérés
Des commentaires et des questions de nombreux participants ont permis de préciser les idées exposées lors de la rencontre qui s’est terminée par une réception au salon René Coty du Sénat.
Selon le professeur Charles Saint-Prot, directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris, le sujet de l’extrémisme politico-religieux est d’une grande actualité « compte tenu du sanglant attentat qui a récemment été commis dans le Sinaï, en Égypte, et de tout ce qui se passe en Égypte et ailleurs. Il importe de souligner une fois encore est que le combat des terroristes et des extrémistes n’est pas un combat religieux mais un combat révolutionnaire et politique. C’est le cas des héritiers de la pensée de l’activiste Sayyid Qutb, des divers groupes terroristes, de la prétendue république islamique d’Iran qui est une caricature d’État musulman, Il est indispensable de soutenir tous les musulmans qui veulent défendre le vrai visage de l’islam, celui de la modération.
C’est ce que fait M Abdelrahim Aloi, c’est ce que fait le grand Imam d’al Azhar. Je pense qu’il est indispensable de citer l’action du Roi du Maroc qui est véritablement le chef de file de l’islam malikite aussi bien au Maghreb qu’en Afrique subsaharienne.
Le travail du Roi Mohammed VI est considérable : il faut citer l’institut de formation des imams qui accueille des centaines d’imams africains, la fondation des oulémas africains de Fez et toutes les actions du Roi qui, en sa qualité de Commandeur des croyants, ne laisse aucune place aux extrémistes. « Il faut soutenir mes leaders musulmans modérés et tous ceux qui dans le monde musulman combattent pour faire triompher la bonne compréhension de l’Islam contre les extrémistes ».
Source : Journal AL AYAM de décembre 2017