Pierre Schoendoerffer, figure majeure du cinéma français, est un cinéaste dont l’œuvre est profondément marquée par les conflits armés, la guerre, et les drames humains qui en découlent. Né en 1928 à Chamalières, ce passionné de récits d’aventures et d’explorations a marqué l’histoire du 7e art avec des films puissants et réalistes, dont le souffle épique est teinté de la brutalité des guerres modernes. Mais avant de devenir ce réalisateur reconnu, Schoendoerffer a lui-même vécu des événements tragiques qui ont façonné sa vision du monde, notamment son passage en Indochine et sa participation à la bataille embématique de Diên Biên Phu.
Un engagement en Indochine
À la fin des années 1940, à peine âgé d’une vingtaine d’années, Pierre Schoendoerffer ressent l’appel de l’aventure et de l’ailleurs. Fasciné par les récits de grands explorateurs et marqué par la Seconde Guerre mondiale, il décide de quitter la France pour l’Indochine française, une colonie alors en pleine guerre de décolonisation contre le Viet Minh.
En 1951, il s’engage en tant que cameraman dans le Service Cinématographique des Armées (SCA), une décision qui changera à jamais le cours de sa vie et de sa carrière. Schoendoerffer rejoint les troupes françaises sur le terrain, et filme au plus près des combats, dans des conditions extrêmement difficiles. Ce poste lui permet non seulement d’être au cœur de l’action, mais aussi de capter la brutalité et la réalité des affrontements, donnant un regard unique sur un conflit souvent méconnu ou oublié en France à cette époque.
Le jeune cinéaste découvre alors une guerre complexe, celle d’une France coloniale tentant de maintenir son emprise face à un mouvement indépendantiste de plus en plus fort. Il est témoin de la douleur des soldats, de la violence des combats dans les jungles denses et montagneuses, et de l’isolement des troupes françaises, souvent déconnectées de la métropole. Ces expériences en Indochine forgent chez Schoendoerffer une vision intime et sans concession de la guerre, une vision qu’il retranscrira plus tard dans ses films.
Diên Biên Phu : Le chaudron infernal
L’épisode le plus marquant de son engagement en Indochine est sans doute sa participation à la bataille de Dien Bien Phu, en 1954, l’un des événements les plus tragiques de la guerre d’Indochine et de l’histoire militaire française. Cette bataille décisive voit l’armée française encerclée par les troupes du Viet Minh dans une cuvette montagneuse, à des centaines de kilomètres des lignes de ravitaillement. Schoendoerffer, toujours caméraman pour l’armée, est envoyé sur place pour couvrir l’affrontement.
Pendant près de deux mois, du 13 mars au 7 mai 1954, il filme la bataille, capturant des images saisissantes des troupes françaises prises au piège sous un déluge de feu. Malgré le chaos et la violence qui règnent sur le terrain, Schoendoerffer continue de documenter la bataille, déterminé à raconter l’histoire de ces hommes dont le courage est éprouvé à l’extrême.
Lorsque Diên Biên Phu tombe aux mains du Viet Minh, Schoendoerffer est fait prisonnier, aux côtés de milliers de soldats français. Il entame alors une longue marche à pied jusqu’aux camps de prisonniers du Nord-Vietnam. Cette épreuve personnelle, qui le marquera à vie, renforcera sa vision de la guerre comme une tragédie humaine avant tout, où le courage, la peur et la souffrance coexistent en permanence. Il sera libéré le 24 août 1954 après les accord de Genève.
De la guerre à l’écran
De retour en France après sa libération, Pierre Schoendoerffer n’oublie jamais son expérience en Indochine. Il décide de devenir cinéaste et d’utiliser son art pour témoigner des horreurs de la guerre. Son expérience de caméraman de guerre, et plus particulièrement son passage à Diên Biên Phu, sera une source d’inspiration pour plusieurs de ses œuvres majeures.
En 1965, il réalise « La 317e Section », un film devenu culte sur la guerre d’Indochine. Ce long-métrage, récompensé à Cannes, raconte la retraite d’une unité de soldats français et laotiens dans la jungle, confrontée à l’avancée implacable des forces Viet Minh. D’une sobriété exemplaire, ce film est souvent considéré comme l’une des représentations les plus authentiques de la guerre d’Indochine, inspirée directement par ses propres expériences.
En 1992, Schoendoerffer revient sur la bataille de Diên Biên Phu avec le film éponyme, une œuvre épique et monumentale, tentant de capter l’ampleur et la tragédie de cet événement. Le film, tourné sur les lieux mêmes de la bataille, montre une reconstitution minutieuse et réaliste, dans une perspective qui cherche à honorer la mémoire des combattants de tous les camps.
Une œuvre de témoignage
Le travail de Pierre Schoendoerffer a profondément marqué le cinéma de guerre en France. Son passage en Indochine et sa participation à la bataille de Diên Biên Phu ont forgé une œuvre où le réalisme, la sobriété et la dignité des soldats sont au centre. Pour lui, la guerre n’est pas qu’un sujet de fiction ou de divertissement, mais un drame humain qu’il faut raconter avec honnêteté, respect et gravité.
Au-delà de ses films, Schoendoerffer est un témoin de l’Histoire, un homme qui a voulu, à travers sa caméra, capter l’essence même des guerres modernes, marquées par l’héroïsme autant que par la douleur. Son œuvre continue de résonner aujourd’hui, rappelant que, derrière les récits épiques et les batailles, il y a des vies humaines sacrifiées, des destins brisés et des souvenirs gravés à jamais.
La Section Anderson est un film documentaire français réalisé par Pierre Schoendoerffer, sorti en 1967. Le film a remporté l’Oscar du meilleur film documentaire en 1968.
Le 1er, la 1re division de cavalerie aérienne américaine est envoyée au Sud Vietnam. L’année suivante en septembre, Schoendoerffer les rejoint et suit pendant 6 semaines la progression des 33 soldats américains d’une section commandée par le lieutenant Joseph B. Anderson.
