Au Moyen Âge, les prélats pouvaient tout à fait prendre part aux combats, non pas seulement sur le plan spirituel, qu’ils menaient déjà de par leur fonction, mais bel et bien sur de véritables champs de bataille. Il en fut ainsi de Philippe de Dreux l’un des plus célèbres.
Il naît en l’an 1158 de l’union de Robert de Dreux et d’Agnès de Baudement. Son père était également l’un des fils du roi de France Louis VI le Gros. Malheureusement, nous ne savons rien sur son enfance. En revanche, les sources sont beaucoup plus prolixes sur sa vie d’adulte.
Ainsi en l’an 1176, à 28 ans il fut élu évêque de Beauvais. A cette époque, il est également le neveu du roi Louis VIII et cousin du futur Philippe Auguste. Homme très pieux, il part en Terre sainte la même année et revient deux ans plus tard pour se faire sacrer.
Les débuts de sa carrière militaire en Terre Sainte :

C’est peut-être lors de ce premier voyage à Jérusalem qu’il rencontre les croisés et décide de se battre contre les musulmans. Philippe de Dreux a la particularité d’être à la fois l’évêque de Beauvais et également un combattant aguerri. Selon lui la loi canonique qui interdit au prêtre de verser le sang n’est pas incompatible avec le fait de combattre contre les infidèles ou pour son roi. Pour cela, il renonce aux armes tranchantes et à l’épée. Il utilise seulement une masse d’armes pour assommer ses ennemis et ne pas les tuer.
En 1190, il participe à la troisième croisade, que l’on appelle également la croisade des rois. Ce sont ainsi le roi de France Philippe Auguste, le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion et l’empereur du Saint-Empire romain germanique Frédéric Barberousse qui font appel à leurs vassaux pour récupérer Jérusalem aux mains de Saladin.
Les impériaux partent de Ratisbonne avec une armée qui selon certains avoisinerait les 100 000 hommes. Ils traversent la Hongrie, puis ils se dirigent vers Byzance pour enfin se retrouver en Cilicie, au sud de la Turquie actuelle. Malheureusement, l’empereur assoiffé se jette dans le fleuve Saleph et se noie. Sa mort tragique entraine la dispersion de ses forces.
Par conséquent, la réussite de la croisade ne repose plus que sur les forces franco-anglaises dont notre évêque fait partie. Celui-ci recherche l’affrontement avec l’ennemi. Il combat d’abord lors du siège de Saint Jean d’Acre qui dure depuis deux ans lorsque les hommes de la troisième croisade portent secours aux assiégeants.
Il donne de sa personne et il est même fait prisonnier. Lorsque la ville est finalement prise au mois de juillet grâce à l’aide des troupes du roi de France et d’Angleterre il est vraisemblablement libéré. Au mois d’août Philippe Auguste rembarque et retourne à son royaume contrairement à Philippe de Dreux qui continue le combat auprès de Richard Cœur de Lion.
Quelques temps plus tard il se trouve à la bataille d’Arsouf où 20 000 chrétiens dont des templiers et des hospitaliers combattent 20 000 musulmans.
Après une série d’attaques menées par les troupes de Saladin, les deux armées se rencontrent dans la plaine d’Arsouf, entre Jaffa et Césarée, au matin du 7 septembre 1191. Les forces de Richard résistent aux charges de la cavalerie sarrasine qui tentent de détruire la cohésion de l’armée croisée, jusqu’à ce que le roi rallie ses forces pour lancer une contre-attaque victorieuse. Philippe de Dreux peut se féliciter d’avoir participé à cette grande victoire. À l’issue de la troisième croisade, les chrétiens conservent Saint-Jean-D’acre et reprennent le contrôle du littoral, ce qui permet aux États latins d’Orient, au bord de l’anéantissement en 1189, de survivre encore un siècle.
Le combat continue en France :
Philippe de Dreux peut ainsi retourner dans son évêché à Beauvais. Mais son aventure ne s’arrête pas là. En 1196, Lorsque Richard Cœur de Lion porte la guerre au sein du royaume de France, le prélat guerrier reprend du service. L’année suivante, l’évêque se porte au secours de la ville de Gerberoy assiégée par les Anglais. Il est accompagné également de son archidiacre qui combat aussi. Malheureusement pour eux, la bataille tourne à leur désavantage, les deux hommes sont capturés par l’ennemi.
Richard est assez rude envers ses prisonniers. Le pape Célestin III s’en émeut et écrit au roi d’Angleterre pour demander la liberté de ce prélat, qu’il nomme son fils spirituel. En réponse Richard Cœur de Lion lui fit envoyer la côte d’armes de l’évêque couverte du sang de ses hommes. À la vue de ce sanglant artefact le pape ne fit plus d’instance en sa faveur.
Notre prélat ne retrouva la liberté qu’en 1202, trois ans après la mort de Richard Cœur de Lion, et au prix d’une lourde rançon. Il avait ainsi passé plus de cinq ans en captivité. Mais sa foi et sa détermination sont restées intactes.
En 1210 il se croisa à nouveau mais contre les Albigeois cette fois ci. Il participe aux premiers combats, malheureusement nous n’en savons pas plus sur cet épisode de sa vie.
Bouvines, la consécration :
Son plus haut fait d’armes reste à venir. En 1214, il est présent au côté de Philippe Auguste pour préparer une bataille qui s’avère décisive pour le royaume de France. Ainsi à Bouvines, près de 16 000 Français se préparent à affronter une coalition de plus de 24 000 hommes composés du Saint Empire Romain Germanique, de l’Angleterre et de la Flandre. Si le roi de France perd cette bataille s’en est finit de son royaume.
Le Capétien peut compter sur Philippe de Dreux qui est présent, équipé de son armure, de sa masse et bien sûr de sa mitre d’évêque. Lorsque le combat commence la mêlée est confuse, la bataille indécise, exceptée sur l’aile gauche française où l’évêque de Beauvais brise l’élan des troupes anglaises en désarçonnant avec un coup de masse Guillaume de Longue-Épée comte de Salisbury.
Au centre l’empereur germanique est désarçonné par un chevalier français. Au même moment Philippe Auguste est à la merci des impériaux et ne doit son salut qu’à l’intervention in extremis de ses chevaliers qui abandonnent l’empereur et agitent l’oriflamme pour rassurer les combattants français.
Par la suite une faille apparaît sur l’aile gauche des coalisés, ce qui facilite une percée de l’aile droite française, qui, à revers, surprend Ferrand le comte de Flandres. Les chevaliers chargent vigoureusement et au bout de quelques heures, Ferrand se rend. Sa capture consacre la déroute du flanc gauche d’Otton. Puis c’est la débandade.
Finalement, les Français remportent une grande victoire et le royaume est sauvé. Philippe de Dreux entre dans la légende en faisant prisonnier Guillaume de Longue Epée.
Après la bataille, il prend une retraite militaire bien mérité mais il continue à prêcher au sein de son évêché. Sentant la mort arriver, il fait un testament le 2 novembre 1217 où il lègue tous ses biens à son église et à plusieurs autres. Il mourut deux jours après et fut enterré dans sa cathédrale de Beauvais, à gauche du grand autel, sous une tombe de cuivre émaillé à l’âge de 59 ans.
Ainsi, Philippe de Dreux a marqué son temps et l’histoire par sa foi indéfectible et son courage exemplaire, incarnant une figure paradoxale d’évêque et de guerrier prêt à brandir sa masse d’armes, pour défendre le royaume de France et sa foi.

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Sources :
Géraud Hercule. Le comte-évêque.. In: Bibliothèque de l’école des chartes. 1844, tome 5. pp. 8-36.






