Entre le Second Empire et la veille de la Grande Guerre, l’artillerie française connaît une véritable révolution technologique sans précédent dans son histoire millénaire. Christophe Pommier, dans cet ouvrage publié avec le soutien de la Direction de la Mémoire, de la Culture et des Archives du ministère des Armées, retrace avec précision les innovations qui ont transformé cette arme, la faisant passer d’une technologie héritée du Moyen Âge à une machine de guerre moderne et redoutable.
Au milieu du XIXe siècle, l’artillerie européenne présente encore des caractéristiques techniques médiévales. Les canons sont fabriqués en bronze, métal utilisé depuis le XVe siècle. Leurs âmes (l’intérieur du tube) sont lisses, sans rayures. Le chargement s’effectue par la bouche, imposant aux servants de s’exposer devant le canon. Les affûts, essentiellement en bois, sont rigides et ne compensent pas le recul. Les projectiles sont des boulets sphériques pleins dont la technologie remonte aux années 1470.
En 1914, soixante années plus tard, tout a changé. Les tubes sont en acier, leurs âmes sont rayées (ce qui imprime une rotation stabilisatrice au projectile), le chargement s’effectue par la culasse (l’arrière du canon). Les affûts métalliques intègrent des systèmes sophistiqués de compensation du recul permettant le tir rapide. La poudre noire a cédé la place aux poudres sans fumée, les boulets sphériques aux obus cylindro-ogivaux explosifs d’une puissance destructrice sans commune mesure avec leurs prédécesseurs. Cette mutation technique s’accompagne de bouleversements organisationnels, industriels et doctrinaux dont les effets se feront cruellement sentir lors du premier conflit mondial.
L’auteur démontre comment les défaites militaires, les rivalités industrielles, le secret défense et les personnalités marquantes ont façonné le destin de l’artillerie française. De l’échec cuisant de 1870 face aux Prussiens à l’adoption du légendaire canon de 75 mm, en passant par la crise de l’obus-torpille, cet ouvrage constitue une référence incontournable pour comprendre les enjeux techniques et stratégiques de cette période charnière.
Avec une préface du professeur Pascal Griset (Sorbonne Université), spécialiste reconnu de l’histoire de l’innovation, et s’appuyant sur une documentation archivistique de premier ordre, Christophe Pommier livre une analyse magistrale des rapports complexes entre innovation technique, organisation militaire et culture du secret au sein de l’armée française.
Cet ouvrage offre une plongée dans les coulisses techniques et stratégiques de l’armée. Les lecteurs découvriront ainsi comment les décisions prises entre 1852 et 1914 ont directement influencé le déroulement de la Grande Guerre. Référence indispensable qui comble un vide historiographique, les analyses détaillées des systèmes de Bange, du canon de 75 mm et de l’artillerie cuirassée reposent sur des archives techniques de premier ordre, notamment celles du Service historique de la Défense (SHD).
L’auteur démontre également les interactions entre technique, industrie et stratégie militaire. La circulation des innovations, le rôle des acteurs individuels et les effets du secret d’État constituent des cas d’école pour comprendre les processus d’innovation en contexte étatique. L’émergence du « complexe militaro-industriel » français est finement analysée. Les relations entre l’État et des firmes comme Schneider, la question des brevets, et l’exportation d’armements éclairent les transformations du capitalisme industriel au tournant du XXe siècle.
Un maître-ouvrage destiné à devenir une référence incontournable.
À PROPOS DE L’AUTEUR
Christophe Pommier est historien spécialisé dans l’histoire militaire contemporaine. Cet ouvrage, issu d’une recherche doctorale approfondie, s’inscrit dans les travaux récents qui renouvellent l’histoire de l’armement et des techniques militaires. Son approche croise histoire militaire, histoire des techniques et histoire de l’innovation pour proposer une analyse globale des transformations de l’artillerie française.
- Éditeur : Presses universitaires du Septentrion (en librairie à partir du 30 novembre 2025)
- Collection : War Studies (dirigée par Jonas Campion et Benjamin Deruelle)
- Format : 388 pages avec annexes, glossaire, sources et index, 30 €.






