États-Unis : La technologie et le style de guerre américain, par Tewfik HAMEL

Le présent article s’intéresse aux débats américains des années 1980 à la décennie 2010 autour de la « Transformation de la Défense », censée la rendre mieux adaptée et plus efficiente, et du rôle que doivent y jouer ou non la technologie, la « Révolution dans les affaires militaires » et la politique en fonction des missions auxquelles les armées américaines doivent faire face.

Les variables d’arrière-plan — cultures nationale et militaire — s’y révèlent centrales. La tendance américaine à rechercher des victoires militaires décisives par l’utilisation écrasante de la force répond au concept d’anéantissement mis en avant par Russell Weigley (1973). Elle domine le « style (ou modèle) national de guerre », et éclaire le malaise que suscitent les « petites guerres », plus politiques par nature, et généralement longues. Les exigences de ces guerres irrégulières prennent à rebrousse-poil l’imaginaire public, froissent les dispositions dominantes au sein des corps d’officiers, et testent la patience (courte) des décideurs et de l’opinion. La préférence américaine pour les opérations conventionnelles rapides noyant l’ennemi sous un déluge de feu demeure, même si les technologies de traitement instantané de l’information sur les champs de bataille permettent de mieux le cibler et de se passer des effets de masse, donc de réduire les effectifs engagés. Elle a pourtant l’inconvénient majeur de réduire la guerre à ses aspects tactico-opérationnels, et de perdre de vue les objectifs stratégiques d’ensemble en appliquant au champ de bataille des solutions techniques et de court terme sans trop se préoccuper du problème éminemment politique de savoir à quoi ressemblera la paix qui suit la fin des opérations de guerre. Confortée par des succès initiaux mais régulièrement démentie par le cours ultérieur des événements, cette disposition qui fait figure de faille centrale rend compte de bien des déconvenues militaires américaines depuis plus d’un demi-siècle. Face à ces échecs répétés, des tentatives se sont fait jour dans les années 2000 pour acclimater des pratiques mieux adaptées à des adversaires qui refusent de jouer le jeu de la guerre classique : utilisation parcimonieuse et discriminante de la puissance de feu, sécurisation des populations locales et aide au développement, prise en compte patiente de la durée, connaissance du terrain sociopolitique et des motivations et critères de succès de l’ennemi. Mais en dépit de certains résultats prometteurs d’une telle approche, les leçons à en tirer ont été considérées comme d’application locale et transitoire plutôt comme de valeur générale — malgré la fréquence contemporaine des conflits asymétriques. On en est vite revenu à l’acquisition de plates-formes majeures visant l’anéantissement et à des pratiques opérationnelles qui confortent l’image de soi collective, privilégiant la guerre régulière et les frappes massives à distance, des corps d’officiers. L’analyse proposée par l’auteur va donc dans le sens de ceux qui, pour rendre compte du comportement des États face à la guerre, privilégient l’entrée par les cultures.

Texte publié sur TB avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Source : RES MILITARIS.

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