C’est un monument de la Résistance qui s’est éteint. Adolfo Kaminsky est mort le 9 janvier 2023 à Paris à l’âge de 97 ans. Son activité de faussaire pendant la Seconde Guerre mondiale a permis à des milliers de juifs d’échapper à la déportation et ses funestes conséquences grâce à de faux-papiers.
Autant que son activité, « Le Faussaire de Paris » aura incarné un héroïsme clandestin, moins tonitruant que les sabotages maquisards. « Les gens se battaient. Moi, j’étais planqué dans un laboratoire », soufflait-il derrière sa barbe blanche de patriarche, dans un long entretien disponible sur l’Ina. Pourtant, la vie de cet enfant de Buenos aires, né de parents juifs russes en 1925, raconte le contraire.
Traquée par les pogroms tsaristes, la famille Kaminsky se réfugie d’abord en Argentine avant de s’installer à Paris en 1932. Un répit de courte durée. Le 22 octobre 1943, les Kaminsky sont arrêtés par les Allemands. Après un passage à la prison de la Maladrerie à Caen, ils sont ensuite transférés au camp d’internement de Drancy (Seine-Saint-Denis), plaque tournante de la déportation antisémite.
« Il y avait des enfants, des femmes, des vieillards… On savait très bien où allaient ces gens-là. Il y avait l’humour juif qui disait : ‘Ils partent pour Pitchipoï [un trou perdu, NDLR]’ », racontait-il. Sur intervention du consulat d’Argentine, la famille parvient à quitter le camp en 1944 « avec des kilos de lettres » confiées par les internés de Drancy.
De retour à Paris, Adolfo Kaminsky s’engage dans la Résistance, à seulement 18 ans. Repéré pour son talent dans l’art des colorants et de l’imprimerie, il intègre un laboratoire clandestin. Sous le pseudonyme de Julien Keller, il fabriquera méticuleusement des milliers de documents, sauvant de nombreux juifs de l’horreur. « Il y a toujours une angoisse. La moindre erreur de ma part, c’était condamner quelqu’un à mort », commentait-il.
Un jour de cette année 1944, Adolfo échappe de peu à l’arrestation. Le faussaire est contrôlé par les autorités, alors qu’il transporte cinquante cartes d’identité, son encre et ses tampons dans son sac. Aux policiers, le jeune homme demande innocemment : « Vous voulez voir mon casse-croûte ? ». Les policiers le laissent repartir.
« Je savais que toutes les polices étaient sur les traces du Faussaire de Paris. Aucun d’entre eux n’auraient pu soupçonner à l’époque que le faussaire n’était qu’un gamin », s’amusait-il dans un documentaire du New York Times.
Après la Libération, Adolfo n’abandonne pas son activité de faussaire. Un temps engagé dans les services secrets français, il claque finalement la porte par opposition à la politique coloniale française. Par la suite, ses productions iront au FLN en Algérie ou encore aux réseaux de libération de Guinée-Bissau, toujours gratuitement. Discrètement, Adolfo Kaminsky gagnait sa vie comme photographe.
IN MEMORIAM – Adolfo KAMINSKY, résistant (décédé le 9 janvier 2023)
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