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Le 11 décembre dernier, un taliban (entre 15 et 17 ans) s’est fait exploser au Centre culturel français de Kaboul lors d’une représentation théâtrale dénonçant les attentats suicides. Il a bien failli mettre fin à l’orchestre et à l’Institut de musique ainsi qu’à l’existence de son fondateur, le musicologue et pédagogue Ahmad Sarmast. Après des études commencées en Russie et terminées en Australie, celui-ci retourne en Afghanistan pour créer, en 2014, cet orchestre symphonique et former les jeunes Afghans à la musique classique, tout en apprenant à connaître leurs propres traditions musicales. Le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid a déclaré que la pièce de théâtre en question « désacralisait les valeurs de l’islam » et représentait « de la propagande contre le jihad ». Outre l’attaque contre le sujet de la pièce, la musique est directement visée. Cette attitude se retrouve dans les destructions d’instruments de musique perpétuées par l’Etat islamique en Irak et en Libye, soi-disant pour obéir aux règles de la charia. Or le coran n’aborde la musique que pour l’adan (l’appel à la prière) et le tajwid (la récitation des versets coraniques).
En s’en prenant aux orchestres et aux instruments de musique, les islamistes veulent démontrer que leurs valeurs obéissent aux règles les plus anciennes et les plus fidèles à l’islam des origines. Pourtant, si certains pays ont plus subi l’influence occidentale que d’autres (Turquie, Egypte, Maghreb, Pakistan…), l’islam a développé une culture musicale, savante et populaire, d’une grande richesse en suivant les spécificités nationales. Semblant vouloir même éliminer ces expressions musicales authentiques, les jihadistes diffusent des nashîds, des chansons polyphoniques de piété et de combat parfois accompagnées au synthétiseur (instrument autorisé par la charia ?). Concession à leurs principes, ces enregistrements sirupeux et envoutants contrastent singulièrement avec la brutalité de leurs comportements. En 2013, l’Etat islamique déborde de ses limites irakiennes et devient l’Etat islamique en Irak et au Levant (Daesh ou ISIS). Il créé alors la Ajnad Media Foundation pour composer et diffuser les nashîds, signe de l’importance de ce moyen de propagande. Sorte de bande sonore des jihadistes, ces chants sont en réalité des adaptations de poèmes écrits entre 1950 et 1980 visant à mobiliser de nouveaux combattants. Auto-Tune, des vidéos élaborées, internet et les plateformes de partage en ligne ont ainsi contribué à proposer une culture jihadiste capable de constituer une réponse, si ce n’est crédible du moins fonctionnelle, à la musique mondialisée d’origine anglo-saxonne. Même si les islamistes ne semblent pas être capables de distinguer la musique classique occidentale à l’audience universelle, de son avatar anglo-saxon actuel visant à supplanter les expressions musicales nationales. On pourra écouter l’hymne officieux de Daesh : Ummati qad laha fajrûn : « Ô ma Umma, l’aurore s’est levée, j’attends la victoire annoncée ;/ l’État islamique a surgi par le sang des hommes justes,/ l’État islamique a surgi par le djihâd des hommes pieux ».