vendredi 11 octobre 2024

DIÊN BIÊN PHU : Journal de marche du 6 mai 1954

Nuit du 5 au 6 mai

Sur HUGUETTE 2 et 3, les Viets sont contrés par le Bataillon de Marche Etranger Parachutiste : 160 spectres se dressent pour un ultime baroud.

18 h 25

Mouvement signalé sur la face Est du CR pris à partie par l’artillerie.

Harcèlement de la position avec une consommation de 100 obus de 105 mm, 100 de 120 mm, 100 de 75 mm et de très nombreux 81 mm.

DCA : légère activité au cours de la nuit inactive au cours des parachutages de l’après-midi.

19 h 30

Décollage des C-119 pour le ravitaillement.

20 h 00

Activité moyenne batterie DCA 37 mm Ouest et en particulier 37/37. Activité moyenne 12.7 mm à l’Est. Neutralisation de notre artillerie par tirs directs de 57 mm et 75 mm SR. Origine DOMINIQUE 4 et Nord DOMINIQUE 3. Activité de batteries VM en YF et XF et une position au Nord Est non précisée.

21 h 30

Un B-26 du Tunisie s’envole pour bombarder différents points avec 12 bombes de 250 livres VT.

21 h 38

1 282 blessés à évacuer : 479 couchés, 803 assis.

22 h 00

Harcèlement nourri des positions. Largage de C-119 en cours.

Bilan de la journée :

  • ISABELLE : 7 blessés.
  • Diên Biên Phu : 14 tués, 48 blessés ; tous par harcèlement. 2 déserteurs au 1/4e RTM.

22 h 14

Le C-119 n° 184 du GT 2/64 Anjou piloté par le capitaine AUMONT, en sixième position est touché par la DCA, un obus arrache le gouvernail de direction droite et bloque la timonerie. Le moteur droit est atteint par un projectile qui enlève un volet de capot moteur, bloque les autres et déclenche une fuite d’huile. Il parvient à regagner Haiphong.

00 h 00

Mouvements suspects à l’Est d’ELIANE et vers HUGUETTE 4.

Les largages de six C-119 semblent corrects jusqu’ici.

01 h 00

De jeunes paras se préparent à Gia Lam et Bach Maï. 118 hommes embarquent dans six Dakota. Le NX du Sénégal – capitaine ROUGIER – en dernière position.

SHD : photographie aérienne de la situation au 6 mai 1954.

02 h 00

Largage des C-119 terminé.

Le plus gros parachutage de ravitaillement depuis le 1er mai.

Les pilotes civils ont repris les missions (25 C-119 et 25 C-47). 196 tonnes larguées.

Le ravitaillement tombe en grande partie en dehors du périmètre.

8 C-119 : largages bons, 1 non observé. Largage de personnel en cours.

Poursuite du harcèlement.

Entre 02 h 43 et 03 h 50

Cat Bi : 5 C-119 décollent pour ravitaillement en munitions. 3 arrivent à parachuter correctement.

03 h 45

Le Dakota NX du capitaine ROUGIER en attente au nord d’ISABELLE. Le premier stick est prêt.

L’avion descend en spirale sans radio dans le noir vers les lumières de la DZ. Le largage débute sous les tirs et le vacarme.

Les missions Banjo parachutent le capitaine DE BAZIN DE BESONS, suivi de son PC, d’une partie de la CCB et de quelques éléments de la 4e compagnie du capitaine TREILLOU. LANGLAIS les envoie aussitôt sur ELIANE 4, en appui de la 2e compagnie du II/1er R.C.P.

04 h 00

Accalmie. POUGET fait un tour sur ELIANE 2 où il restait 35 hommes.

1 500 morts Viets pourrissent autour d’ELIANE 2. Le capitaine COUTANT est parti.


Capitaine ROUGIER : dernière mission de parachutage le 6 mai.

51e mission sur Diên Biên Phu. Largage de jeunes parachutistes.

DCA : violence considérable, équivalente à Stalingrad.

DZ de la taille d’un terrain de tennis ; max 40 à 50 m.

Sur 4 appareils, 2 font demi-tour avec leurs paras.

Plusieurs passages nécessaires car temps de largage de quelques secondes.

Reste 9 paras à larguer. L’avion est encadré par la DCA et reçoit l’ordre d’arrêter le largage. « Ne repassez pas, vous allez vous faire descendre », ordonne Torri Rouge à la radio.

L’avion reprend de l’altitude puis quitte la zone dangereuse. À l’aube, retour à Gia Lam.

04 h 12

Début du parachutage des hommes les C-47 tournent en rond puis piquent et larguent 4 ou 5 hommes et reprennent de l’altitude  des hommes de toutes les Cies du 1er BPC. 94 hommes du 1er BPC, la compagnie de commandement et une fraction de la 4e compagnie (capitaine TREILLOU) ont sauté avec le chef de bataillon.

Un seul blessé, le capitaine Guy BAZIN DE BESONS, commandant le bataillon. À peine au sol, un obus ennemi lui fracasse la cuisse. Le capitaine Jean POUGET le remplace.

Assez vive réaction de la DCA.

05 h 20

Fin du largage. 94 hommes ont été largués par 9 Dakota. Ce sont les derniers hommes largués. Les Dakota MS (6 sauts) et NX (9 sauts) sont les derniers à larguer des hommes.

Jeudi 6 mai

06 h 00

Poursuite du harcèlement. Météo Bonne.

La 1re Cie repart au complet. Le lever du jour ne permet plus de larguer.

En 4 nuits, 383 parachutistes ont été largués sur les 876 dont 155 Vietnamiens sur 383.

Effectif du 1er BPC largué : 402 dont 160 Vietnamiens.

Le Génie pose un nouveau plancher sur le pont Bailey et recouvre aussi le pont de bois.

Les C-119 prennent de l’altitude et larguent chez l’ennemi.

La 3e Cie du 1er BPC a été parachutée.

Les chars sont envoyés sur la face Est assurant la protection d’ELIANE 4, 10 et 12.

Tous les abris et blockhaus d’ELIANE 3 sont occupés par environ 300 blessés.

74 hommes du 1er BPC sont parachutés de nuit.

L’artillerie française n’a plus que deux heures de feu intensif.

Tentative Viet sur ELIANE 3 est repoussée par le 6e BPC.

Le Viet Minh aménage les positions conquises ELIANE 1 et DOMINIQUE 3.

Une attaque plus sérieuse contre HUGUETTE 3 et HUGUETTE 5 est contenue par le BEP. Deux contre-attaques pour nettoyer les tranchées sont nécessaires.

Le Viet Minh a tenté plusieurs coups de main contre les blockhaus d’ELIANE 2.

SHD : Photographie aérienne – avancées ennemies le 6 mai 1954.

Une grande offensive se prépare sur les photos des tranchées à partir de DOMINIQUE 3 vers les Eliane.

Des tranchées grignotent le sud de ELIANE 2 depuis le Mont Chauve.

Fin du perçage de la galerie de mine sous ELIANE 2 à 47 m de long.

Au matin essai des lance-roquettes H6.

Au matin

La sortie Albatros semble possible et la moins mauvaise solution. L’observation aérienne, les dernières photos de l’EROM 80, larguées sur le PC GONO, montrent une seule tranchée viet en travers de l’itinéraire sud.

GIAP et son état-major.

10 h 00

Intensification du harcèlement en particulier sur ELIANE 4, 10, et 12.


Pouget sur ELIANE 1 finit le tour du point d’appui.

La position est forte mais il manque au moins une Cie pour la tenir solidement. Les 200 hommes du 1er BPC laissent entre eux des points faibles. 


Bombardement d’avions sur DOMINIQUE 1 et 2 et tirs roquettes sur ELIANE 1.

La pluie s’est arrêtée.

Les chars reviennent sur leur position pour se préparer à la sortie.

Jamais autant d’avions sur Diên Biên Phu :

  • 47 B-26,
  • 18 Corsair,
  • 26 Bearcat,
  • 16 Helldiver,
  • 5 Privateer, arrivent à museler la DCA.

Condor s’approche et l’on attend les discussion et le cessez-le-feu de Genève.

Prévision de la grande attaque connue par le Renseignement (2e Bureau).

Le capitaine HERVOUËT, les 2 bras cassés, demande à être déplâtré.


Renseignements : aucune opération d’infanterie dans la journée du 5 et la nuit du 5 au 6. Faute de munitions, nous avons dû restreindre l’activité de notre artillerie.

L’artillerie et les mortiers, mais surtout les canons de 75 SR de l’adversaire, nous ont causé des pertes augmentées du fait que les parois des tranchées et abris ont perdus toute solidité à la suite des pluies. L’ennemi a continué inlassablement à aménager le terrain, principalement sur DOMINIQUE 3 autour des ELIANE et au Sud de ELIANE 2.

9 C-47 se sont présentés ; 8 ont largué. 94 hommes seulement sont arrivés au sol ; chaque avion ayant dû faire 3 ou 4 passages. Il semble que le faible rendement soit dû à une sortie trop lente des parachutistes.

Ravitaillement : La moyenne des largages a été bonnes au cours de la nuit dernière. Mais au cours de la journée d’hier, les largages à haute altitude ont profité en majorité aux VM. Les erreurs commises ont parfois dépassé le kilomètre. Les ouvertures retardées fonctionnent avec toujours autant d’irrégularité. Les colis sont donc très dispersés et il est rare qu’une cargaison touche terre en totalité sur le CR.

La DCA ne s’est pas manifestée au cours de la journée. Elle a été plus active que jamais au cours d’une partie de la nuit.

Conclusion : Le resserrement du dispositif VM se poursuit rapidement. Il se manifeste surtout par la mise en place d’une DCA diminuant peu a peu le rendement de notre ravitaillement par air, et la mise en place d’armes à tir tendu, très bien protégées, sur les positions dominant le CR principal, a très courte distance.

Tout mouvement devient donc difficile, en particulier la récupération du ravitaillement largué, la liaison avec certains PA devient impossible de jour par temps clair.

Je demande l’intervention de la chasse à la bombe sur DOMINIQUE 1 et 2 et aux roquettes à charge creuses sur ELIANE 1.


LANGLAIS : Je sors de l’abri accompagné de BIGEARD. Il fait exceptionnellement beau, l’artillerie Viet s’est tue Nous décidons d’un commun accord d’aller faire un tour chez le commandant BRÉCHIGNAC sur ELIANE 4. Je prends en passant à mon abri, dont le toit fond doucement en ruisselets de boue sur mes belles tentures tricolores de parachutes, une bouteille de cognac miraculeusement arrivée la veille ; et tous deux nous montons vers ELIANE 4 par les belles tranchées modèle 14-18, creusées quinze jours auparavant par le 6e BPC.

Les chars reviennent à leurs positions. Le DOUAUMONT, proche d’Epervier et à une dizaine de mètres des pièces d’artillerie, est régulièrement l’objet de tirs d’artilleries qui arrosent intensivement.

11 h 30 à 12 h 00

14 B-26 se relaient pour assurer la protection de 12 C-119 en parachutage de ravitaillement.

Une formation composée de 3 appareils du Gascogne mitraille une batterie de 37 mm (la 24/37) et la partie Ouest d’ISABELLE qui grouille de Vietminh. Suivi d’une formation de 3 B-26 Martini Rose qui largue 34 bombes de 250 livres VT à l’Ouest de la piste d’aviation sur l’objectif 37/37 et exécutent 15 passes de straffing pour couvrir les transports. 

LANGLAIS (1909-1986).

LANGLAIS : Une formation de Packet arrive du Sud. Les avions volent hors de portée de la DCA et larguent leur cargaison de vivres et de munitions à 3 000 mètres avec des parachutes à ouverture retardée. Mais à cette altitude, il n’est pas facile de mettre au but dans une DZ réduite à un kilomètre carré. Nous nous arrêtons un moment pour les observer : le premier avion largue à la verticale du PC ; les colis s’éparpillent en une multitude de points noirs, tombent en chute libre durant trente secondes et c’est le crépitement semblable aux rafales de DCA du système pyrotechnique qui libère les voilures. Les deuxième et troisième avions larguent dans les mêmes conditions. Nous suivons des yeux, angoissés, la descente des parachutes ; les premiers et les deuxièmes largages sont bons ; le troisième chez l’ennemi C’est la proportion normale admise ; d’ailleurs le problème du ramassage qui ne peut se faire que de nuit et à dos par les combattants exténués, est aussi critique que celui de la précision des largages.

Dès la fin du dernier largage de 6 tonnes des C-119, deux Privateer (enseignes de vaisseau BOULIER et MONTGUILON) en provenance de Vientiane au Laos bombardent une batterie de DCA située au Nord-Ouest.

6,27 tonnes de munitions d’infanterie sont parachutées. 46,26 tonnes de projectiles d’artillerie (comprenant l’approvisionnement des mortiers de 120). Les munitions sont parachutées déjà armées pour des coups prêt à l’emploi.

5 C-119 font demi-tour sans avoir largué.

Le C-119 n° 155 largue hors de la DZ.

Au total, sur la journée du 6 mai, 60 avions ont décollé, 10 avions ont fait demi-tour et 50 ont largué.

11 h 35

Trois B-26 du Gascogne – indicatif « Cinzano Rouge » – bombardent DOMINIQUE 1 à la 500 livres puis sur ordre de Torri Rouge mitraillent l’Est de ELIANE 1.

Aussitôt 2 B-26 « Cinzano Blanc » enchaînent le bombardement de FRANÇOISE.

11 h 40

Renseignements – Document Vietminh : Nos projets actuels consistent à laisser un élément continuer l’encerclement et le combat à Diên Biên Phu, et en même temps à préparer 2 à 3 régiments mobiles prêts à faire face à toutes circonstances.

12 h 00

Mission photo RB26 couleur noir – capitaine GESLIN – HV526 – 4 050 m – photos de la cuvette couverte de cratères de tranchées et de nombreuses corolles de parachutes.


Poursuite du harcèlement. Au cours de la nuit 50 pertes par harcèlement sur face Est du CR principal. Une attaque VM est possible depuis plusieurs jours. Les travaux VM se rapprochent de ELIANE 2 et 3. Parachutages C119 meilleurs que le 5 mai.

LANGLAIS : Après vingt minutes de marche, nous arrivons au PC du commandant BRÉCHIGNAC. C’est une espèce de grotte creusée dans les pentes ouest de la colline ELIANE 4. BRÉCHIGNAC et BOTELLA dirigent la défense des ELIANE depuis une sape d’ELIANE 4.

Fin de matinée

La 4e Cie du 1er BPC du capitaine TREILLOU (qui avait été parachuté avec la cheville plâtrée) reçoit l’ordre de monter sur ELIANE 4

Situation des unités le 6 mai 1954.

 

  • Extrême nord : le chef de bataillon TOURRET, avec les survivants du 8e choc Epervier, tient DOMINIQUE 4 et le PA sans nom du fossé d’écoulement.
  • Au nord-ouest : le chef de bataillon GUIRAUD avec 160 hommes du bataillon de marche parachutiste de la Légion ; les derniers lambeaux des HUGUETTE 2 et 3.
  • A l’Ouest : le chef de bataillon NICOLAS teint Lily 1 et 2 avec des légionnaires et ses tirailleurs marocains.
  • Au Sud-Ouest : le chef de bataillon CLÉMENÇON garde CLAUDINE.
  • Au Sud : le capitaine aviateur CHARNOD et le capitaine DULUAT tiennent  JUNON et le CR Hôpital avec la quadruple de 12.7 du lieutenant REDON qui arrose également le flanc sur des Champs Elysées d’ELIANE 2, avec le détachement de l’armée de l’Air de la petite Cie Thaïs Blancs de l’ancienne unité de DULUAT et du reste de la 1/13e DBLE du chef de bataillon COUTANT.

Mission de défense d’ELIANE en cas de catastrophe ainsi que 602 blessés dans les abris de Junon à proximité du cimetière.

Sur ELIANE :

  • ELIANE 4 : BRÉCHIGNAC et BOTELE des restes du 5e BPVN et du 2/1 RCP sont regroupés face à l’Est. Deux Cies du 1er BPC, la Cie de commandement la 4e sont face au Sud-Est, la section « mortiers » du Bawouan, installée au sommet d’ELIANE 4 et composée alors d’une dizaine de paras vietnamiens.
  • ELIANE 2 : Le 1er BPC du capitaine POUGET (la 3e Cie et la 2e Cie du capitaine EDME) tient le Sud.
  • ELIANE 3 : Les légionnaires du 1/13 DBLE et une section du I/4 RTM renforcé par le reste des légionnaires de JUNON.
  • Au total sur ELIANE Haut, 750 paras sans possibilité de renfort avec peu d’appuis feux et de munitions.
  • ELIANE Bas :  Entre collines et rivière, le point d’appui ELIANE 3 est tenu par deux grosses sections de parachutistes du 6e BPC. Les restes des 1re et 2e compagnies : LE PAGE s’accroche sur les rives de la Nam Youm, TRAPP le long de la RP41. Le point d’appui est aménagé comme un hérisson indépendant. Au centre, l’antenne chirurgicale secondaire où s’entassent quelques 300 blessés des unités parachutistes de la Légion ; autour, les mortiers de 81 des bataillons paras, regroupés aux ordres du lieutenant Jacques ALLAIRE. Et pour boucler la périphérie, des boyaux où s’entassent pêle-mêle légionnaires de la 13e DBLE, blessés en état de marcher, Thaïs, Algériens, voire des PIM qui ont pris une place au combat.
  • ELIANE 11 et 12 : Le chef de bataillon CHENEL a des éléments du Génie, des Thaïs du BT2 et à des tirailleurs algériens.

Le noyau central est réduit à 135 hectares contre 480 hectares avant la bataille.

Dans la partie sud du réduit central, le point d’appui JUNON entre le PC du général DE CASTRIES et la rivière, occupé par les Thaïs Blancs du capitaine DULUAT, qui enserrent les mitrailleuses quadruples du lieutenant Redon, qui ont pris de flanc les Champs Elysées.

Deux points d’appui assurent la couverture nord : à droite de la piste d’aviation, Epervier où s’accroche les parachutistes vietnamien du capitaine Alain BIZARD, renforcés par des demi-sections du 8e Choc, et à gauche, HUGUETTE 2 et 3, sous les ordres du commandant GUIRAUD, avec une vingtaine de légionnaires parachutistes, moins de 50 Marocains et moins de 50 légionnaires du I/2e REI.

13 h 57

Il reste 5 386 combattants valides.

  • CR Diên Biên Phu : 1 282 blessés dont 479 couchés.
  • ISABELLE : 162 blessés dont 62 couchés.
  • TOTAL : 1 444

Effectif valide + blessés à évacuer 9 888 (Combattants valables infanterie + ABC : 5 386).

4e batterie : il reste 4 canons en état sur 4.

III/10 RAC : il reste 1 canon en état de tir.

Dans l’après-midi les guetteurs d’ELIANE 2 signalent l’arrivée par les tranchées de l’Est, de forts effectifs ennemis.

Appui aérien : 108 missions feu.

Appui direct : 3 Privateer, 28 B-26, 30 chasseurs dont 10 de la Marine.

14 h 00

Poursuite du harcèlement sur l’ensemble du CR en particulier sur la face Est. Attaque VM possible depuis plusieurs jours. Les Travaux VM se sont rapprochés de ELIANE 2 et 3.


Aviation du 5 mai 14 h 00 au 6 mai 14 h 00.

  • 58 sorties combat dont 7 lucioles.
  • 21 sorties sur la RP41 (Tuan Giao).
  • 4 sorties sur la RP 13.

15 h 00

L’ordre d’attaque pour le soir, transmis aux régiments vietminh, y soulève un enthousiasme extraordinaire.

Des lignes du corps expéditionnaire, on voit à la jumelle, les hommes harangués par les commissaires politiques lève leurs casques et danse. On les entendrait presque chanter.


Le capitaine TREILLOU avec le lieutenant DUPIRE sont au PC du capitaine BAZIN DE BESONS sur ELIANE 4 pour renforcer les éléments valides du 2/1 RCP. Mission : prendre en charge le PA le plus en avant sur la face Nord-Est. Forte agitation chez les Viets.

La position est défendable, mais il faudrait du temps pour remettre en état les blockhaus et déblayer les tranchées envahies par la boue. DUPIRE, à peine installé, signale être pris a partie par mortiers. Les départs des canons sans recul atteignent la section. Demande de tir d’artillerie mais contre-batterie Viet de 105, mortiers lourds « orgues de Staline ».

15 h 15

Décollage de Cat Bi du C-119 n° 149 piloté par deux Américains de la CAT (James Bernard McGOVERN Jr et Wallace Abbot BUFORD) avec 4 largueurs dont le sous-lieutenant ARLAUX dont c’est la première mission. Chargement de 6 tonnes de munitions. 200 coups complets de 105 mm sur une série de 6 C-119 de la CAT qui décollent à la même heure.

McGOVERN (1922-1954). Ses restes ont été découverts dans une tombe anonyme dans le nord du Laos en 2002. Ils ont été identifiés en septembre 2006 par des experts en laboratoire du commandement POW/MIA de l’armée américaine. Il a été enterré au cimetière national d’Arlington le 24 mai 2007. Le 24 février 2005, l’ambassadeur de France Jean-David Levitte a décerné à titre posthume la Légion d’honneur à McGovern, Buford et aux pilotes survivants du CAT au nom de la France pour leurs actions à Diên Biên Phu.

James McGOVERN Jr, ancien de la 14e Air Force, dont l’imposant gabarit (117 kg) lui a valu le surnom de Earthquake McGoon.

Arrivant pour un ravitaillement sur ISABELLE est touché par un violent tir de DCA.

Passage en deuxième position. Deux obus de 37 mm l’atteigne simultanément. Les largueurs désanglent et balancent la charge. Le moteur gauche gravement endommagé ; le réservoir fuit et la poutre droite est déchirée. Ils arrivent à s’éloigner en prenant de l’altitude vers l’Est, vers le Delta.

C-119 n° 185 : largage accidentel de 192 coups complets de mortiers de 81 mm.

Le leader de la formation pilote Steve KUSAK et Al POPE les guident pendant 40 minutes pour tenter un atterrissage d’urgence sur une piste de secours près de Muong Het au Laos proche.

Le dernier vol de McGOVERN et BUFORD

Wallace BUFORD (1925-1954). Wallace « Wally » Buford d’Ogden, Utah, avait un record de vol remarquable, ayant piloté des bombardiers B-24 Liberator pendant la Seconde Guerre mondiale et des C-119 pendant la guerre de Corée. Buford a reçu deux Distinguished Flying Cross et la Purple Heart. Alors qu’il étudiait pour obtenir un diplôme d’ingénieur en 1953, il a vu un avis d’emploi indiquant que le gouvernement US recherchait des pilotes de C-119 expérimentés. Un an plus tard, il rejoint une vingtaine d’autres pilotes américains du CAT, assurant le soutien aérien des forces françaises en Indochine.

Dans l’après-midi du 6 mai 1954, six CAT C-119 ont quitté la base aérienne de Cat Bi pour Diên Biên Phu. L’un d’eux piloté par McGOVERN et BUFORD transportait des munitions dont les parachutistes avaient désespérément besoin dans un campement nommé Isabelle, la dernière des cinq bases de tir de la vallée encore aux mains des Français. Le premier avion du convoi CAT (Civil Air Transport) a largué sa charge en toute sécurité, mais alors que McGOVERN s’approchait de la zone de largage, le moteur bâbord a été endommagé par un obus antiaérien de 37 mm. Peu de temps après, un deuxième impact a endommagé le stabilisateur horizontal, compromettant gravement sa capacité à maintenir son vol.

Guidés par les pilotes de l’avion de tête, McGOVERN et BUFORD ont lutté pendant 40 minutes pour maintenir leur avion en l’air sur un seul moteur, suffisamment longtemps pour tenter un atterrissage d’urgence sur une piste d’atterrissage isolée à 75 milles au sud-ouest du Laos. Cependant, à quelques centaines de mètres de la piste d’atterrissage, le bout d’une aile a heurté un arbre. Le chariot de l’avion a roulé, s’est brisé en deux et a brûlé. McGOVERN et BUFORD sont morts dans l’accident avec deux parachutistes français. Un parachutiste malais et un officier français, le sous-lieutenant Jean ARLAUX, ont été blessés et capturés par des soldats laotiens. Le parachutiste malais est décédé des suites de ses blessures, laissant ARLAUX comme seul survivant.

Les vols CAT, connus sous le nom d’Opération Squaw I et d’Opération Squaw II, impliquaient une douzaine d’avions cargo Fairchild C-119 repeints aux couleurs de l’armée de l’Air française. Pendant le siège de Diên Biên Phu, 37 pilotes du CAT ont effectué 682 missions depuis la base aérienne de Cat Bi près de Haiphong entre le 13 mars et le 6 mai 1954.

Source : CIA

16 h 00

Premiers indices d’attaque décelés sur toute la face Est et sur les CLAUDINE à la suite de la chute de HUGUETTE 4 (Lily 3)

Début du bombardement sur ELIANE 2. Une batterie de mortiers de 120 mm tire de derrière le Mont Chauve.  


ISABELLE : Violent bombardement sur les positions d’artillerie. Les tirs détruisent coup sur coup 3 pièces de 105 mm.

Poursuite du harcèlement sur l’ensemble de la position avec une particulière intensité sur ELIANE 2 et 3 et sur les positions de batteries.


Contre-batterie systématique de nos positions des camps retranchés Nord et ISABELLE par 105 et 120 et armes SR. Harcèlement général au 120 mm. Tir de destruction sur blockhaus par armes SR. Tirs précis, faible consommation positions actives de zone SF et YF. Pièces Nord-Est non précisées. Position XH, 2 pièces de 105 a découvert mise en place de contre batterie, résultat non apparent. DCA légère recrudescence d’activité. Positions des 37 mm : 35/37, 36/37, 37/37, 25/37, 21/37. Durant le parachutage 7/37, 8/37. Position 9/37 active lors d’attaque sur objectif a proximité de GABRIELLE. Positions de 12.7 mm au Nord Est du camp retranché au Nord et Ouest de GABRIELLE.

16 h 40

Prévision de largage dans la nuit 133 hommes par 7 C-47. Le parachutage suivra le largage du matériel.

16 h 45

Il pleut.

Les chars DOUAUMONT et SMOLENSK effectuent les réglages des mitrailleuses pour le combat de nuit sur Epervier et sur les collines.

Le DOUAUMONT, dont le canon est très difficile à utiliser, ne garde que 10 coups de 75. Les autres sont transférés sur les autres chars.

17 h 00

Énorme salve d’artillerie qui souffle tout et d’un seul coup le hurlement des lance-roquettes chinois de 6 tubes ravagent le camp.

Les tirs de préparation s’abattent sur ELIANE 2.

Les canons sans recul ennemis réussissent un grand nombre de coups d’embrasure sur les créneaux de la face Sud-Ouest.

Les dépôts flambent les caisses de munitions abandonnées explosent.

La pluie qui s’était interrompue durant la journée recommence à noyer la vallée, elle s’insinue dans les tranchées diluant la boue noirâtre en traînées claires.

Sur CLAUDINE 5 les trois quarts des abris sont éboulés ou retournés.

17 h 30

Violents tirs de préparations sur ELIANE 4 et 2 avant l’assaut.

Pascal PECCAVET
Pascal PECCAVET
Ancien pilote d'hélicoptère sur Gazelle au sein de l’aviation Légère de l’armée de Terre (ALAT) pendant 18 ans cumulant 2 500 heures de vol. Ancien combattant de la guerre du Golfe et de la Somalie. Attaché Principal d’Administration d’État dans l’Éducation nationale. Adjoint gestionnaire d’un établissement scolaire. Commissaire aux Armées de Réserve (en attente d'affectation). Membre de l’Union Nationale des Combattants de Saint-Paul-lès-Dax (Landes). Historien chercheur pour l'ECPAD. Historien "War Studies". Spécialiste de la guerre d’Indochine. A rejoint l'équipe rédactionnelle de THEATRUM BELLI en janvier 2024.
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