Cette période de trêve de Noël (symbole de paix, ne l’oublions pas) s’est avérée riche sur les questions de défense : mise à jour du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale par une commission du sénat, sixième rapport sur la RGPP et position du candidat Hollande sur la dissuasion nucléaire. Je finirai par un mouvement d’humeur.
Au sujet du rapport du Sénat « Quelles évolutions du contexte stratégique depuis 2008 »
J’ai remarqué ce rapport d’information des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, intitulé « Quelles évolutions du contexte stratégique depuis 2008 » déposé le 16 décembre. Il y est utilement rappelé la chronologie du Livre blanc auquel ce rapport souhaite contribuer : mandat donné au secrétariat de la défense et de la sécurité nationale le 29 juillet, production d’un document interministériel « d’orientation stratégique » au parlement finalement en janvier 2012 pour une mise à jour au second semestre 2012. Cette mise à jour du Livre blanc sera le socle de la loi de programmation militaire qui couvrira la période 2013-2018. Le dynamisme est à souligner.
Ce rapport est organisé en trois parties : des observations issues des travaux, le compte rendu des débats et les cinq entretiens retenus (directeur de la DAS, un représentant de l’IHEDN, le secrétaire général du SGDSN, le ministère des affaires étrangères et … Hubert Védrine, ancien ministre, surprenant malgré toute sa compétence).
La commission rappelle très justement que l’Europe désarme et que le reste du monde se réarme comme la communauté militaire l’évoque depuis longtemps. L’augmentation des dépenses militaires mondiales de 2001 à 2010 a été de 50% mais seulement de 4% pour l’Europe occidentale. Ce rapport se veut aussi le soutien des traités de Lancaster House avec les Britanniques, souligne la clarification des rapports militaires de la France avec les Etats africain en s’appuyant sur les deux seules plateformes du Gabon et de Djibouti mais estime qu’il faut revoir ces déploiements, aborde l’engagement en Afghanistan en dénonçant le rôle du Pakistan dans l’instabilité sans proposer de politique après le désengagement des forces, attire enfin l’attention sur les relations que nous devrions avoir avec l’Algérie… dernier Etat n’étant pas entré en révolution en Afrique du Nord.
Sur les alliances, le rapport constate « l’hibernation de l’Europe de la défense » et appelle à nouveau pour un Livre blanc européen de la défense… dont je constate que les autres Etats ne veulent pas mais est-ce bien pertinent au nom de notre souveraineté et de nos intérêts nationaux. Le rapport remarque le renforcement de la France dans l’OTAN grâce sa réintégration dans l’alliance ce ci me semblant remettre en cause quelques affirmations en cette période préélectorale. Il rappelle cependant que les Etats-Unis diminuant leur effort de défense seront de plus en plus exigeants sur le partage du fardeau par les Européens
Bien d’autres sujets sont abordés mais celui que je retiens concerne la cyberdéfense et les commentaires sur l’état de la défense britannique. Le rapport souligne que l’acquisition de moyens offensifs doit être « une priorité de notre défense ». Ce sujet fait en effet débat au sein de la défense et finit à mon avis par inhiber la réflexion et donc l’action. Il est vrai que les conséquences d’actions offensives sont difficiles à estimer mais la possibilité de leur emploi peut être dissuasive, à ce niveau, au même titre qu’une arme nucléaire.
Sur la défense britannique, JM Bockel rappelle que le France aura réduit d’ici 2015 de 8% son budget de la défense … avec notamment le retrait de son porte avion. Cela justifie tout à fait la relance britannique d’une coopération avec la France. Restera donc à terme la France avec son seul porte-avion et la nécessité d’en disposer d’un second pour la permanence en mer. Les opérations en Libye ont bien montré l’utilité d’un second porte-avion et il serait bon que nos candidats aient une position commune sur cette acquisition qui donnera aussi des heures de travail à nos chantiers navals.
La question est effectivement de savoir si la France peut seule assurer cette capacité de projection que nos politiques habilleront en capacité européenne… sans réelle contrepartie. Son financement partagé dans le cadre de son emploi au sein d’une coalition serait sans doute à étudier par anticipation.
De la RGPP
Un autre document a été mis en ligne le 16 décembre 2011 : le 6e rapport sur la RGPP.
A la lecture de ce rapport, je constate que tout va bien pour la réforme au sein de la défense. « Porteuse d’importants changements structurels et fonctionnels, la réforme avance au rythme prévu avec pour impératif d’assurer de manière constante, à tout instant, l’efficacité opérationnelle des armées ». La Libye a sans doute montré la pertinence des choix mais surtout la cohésion de la communauté de défense en temps de crise. Ce rapport constate donc qu’au cours de ses trois premières années (2008 – 2011), la réforme a porté ses fruits dans plusieurs domaines (il n’est pas évoqué les domaines plus négatifs s’il y en a eu) :
1) une gouvernance du ministère améliorée en évoquant le projet Balard (en même temps le Canard enchaîné fait douter des conditions du marché passé) en précisant que l’impact budgétaire net direct de ce projet sera nul ;
2) l’administration centrale et ses services déconcentrés qui ont été rationalisés avec notamment la création de 110 centres de recrutement communs aux trois armées (terre, air, mer) tout en préservant l’autonomie et l’identité de chacune des armées.
3) Les soutiens mutualisés pour un meilleur service aux forces avec la création des 60 bases de défense. La réforme permet de confier la responsabilité du soutien commun et du fonctionnement administratif de l’ensemble des entités du ministère de la défense à un chef unique sur un ressort géographique donné. Le rapport spécifie que … la majorité des unités est satisfaite.
4) Des implantations du ministère de la défense restructurées et des capacités militaires adaptées qui auront conduit à la suppression de 17 800 postes dans les trois armées Terre, Air et Marine, y compris outre-mer (54 981 postes supprimés en huit ans) : au total, 1,2 Md€ d’économies cumulées ont ainsi pu être dégagées.
5) J’y lis aussi la recherche d’une meilleure efficience du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques et terrestres de la défense, une modernisation du service des essences des armées qui s’appuie sur un dispositif resserré et modernisé … avec six fermetures en 2011 et de 4 centres supplémentaires en 2012, la réorganisation du service de santé des armées avec 55 centres médicaux créés en janvier 2011 et intégrés aux bases de défense et déclinés si besoin en antennes médicales.
6) Enfin la création du service interarmées des munitions (SIMU) a permis d’améliorer l’efficacité du soutien aux opérations en mutualisant les moyens des trois armées sur toute la chaîne de gestion des munitions
Pour « l’humour », je relève qu’ « Après le raccordement réussi du service de santé des armées (SSA) en avril 2011, le système d’information RH de l’armée de Terre et du service des essences des armées (SEA) a été raccordé au calculateur de paie ministériel LOUVOIS » ! Bien, bien… les personnels ayant subi quelque désagrément avec la solde apprécieront.
En 2011 enfin, il faut remarquer avec satisfaction que le ministère de la Défense a poursuivi le déploiement de l’outil de recensement citoyen en ligne proposé sur mon.service-public.fr afin de faciliter les démarches des usagers. Un jeune sur trois peut effectuer ses démarches de recensement militaire en ligne avec un objectif d’ici fin 2012 d’atteindre 50% des jeunes.
Troisième point, le candidat PS Hollande a donné un entretien le 21 décembre dans le Nouvel Obs.
Est-ce une réponse sur sa différence à ses alliés rouge-vert d’Europe-Ecologie ? En effet, il exprime son profond et total soutien à la dissuasion nucléaire qui protège la France dans un contexte international qui voit de nouvelles puissances cherchant à acquérir l’arme nucléaire. « La dissuasion nucléaire est indissociable de notre statut de grande puissance, comme l’est aussi notre participation au Conseil de sécurité des Nations unies, avec un droit de veto auquel je n’entends pas renoncer ».
Il entend aussi maintenir les deux composantes nucléaires ce qui satisfera marins et aviateurs. Il tient compte cependant de la fin des investissements nécessaires à cette capacité et prend acte de son existence. Il précise enfin que « nous disposons donc de moyens proportionnés et suffisants, que j’entends maintenir ».
Jean Guisnel sur le site du Point rappelle le budget consacré en 2012 à la dissuasion nucléaire au sein du budget d’équipement militaire soit 2,6 milliards, 15,8% des 16,5 milliards d’euros prévus. N’est-ce pas trop au détriment des autres équipements ? N’est-il pas opportun de faire un audit sur ce budget pour voir s’il est suffisant ou excessif ? Enfin, cette position sur la dissuasion nucléaire du candidat PS à la présidence à la veille de Noël laisse penser que cet exercice obligé n’a pas vocation à susciter un quelconque débat mais cela est juste mon avis.
Un mouvement d’humeur pour finir
Concernant le nucléaire, j’attire enfin l’attention sur une fiche de lecture parue dans le Monde du 17 décembre qui ne peut être laissée sans réagir. L’ouvrage intitulé « Des hommes sous les bombes atomiques » raconte soixante ans d’histoire du nucléaire militaire. Le commentaire du chroniqueur David Larousserie n’est pas acceptable. A partir d’une citation du livre « « Maintenant nous sommes tous des salauds ».
Le constat cru résume la tache originelle du nucléaire. Il a été lâché par Ken Bainbridge juste après l’explosion de la première d’entre elles, surnommée « Gadget », le 16 juillet 1945 dans le désert du Nouveau-Mexique », il conclut sa critique sur le livre par « Cela suffit néanmoins à donner au lecteur l’envie d’utiliser aussi les mots de Bainbridge pour les militaires et l’administration ». Cette « appréciation désobligeante » n’est pas digne d’un chroniqueur du Monde même faite avec une apparente subtilité ! La paix que ces S. lui ont assurée depuis 1945 lui permet d’écrire aujourd’hui en toute liberté.