samedi 14 décembre 2024

Lutter contre la déliquescence de la société par le service national universel ?

Beau dimanche d’hiver qui surprend et affole les Français. Il va faire froid … comme toujours en cette saison et la France frémit. Heureusement le froid hivernal a accompagné les jeux olympiques en Corée du sud. Qui aurait pu croire il y a quelques semaines que la trêve des jeux respectée depuis l’antiquité serait tout aussi respectée malgré les menaces de la Corée du nord. Finalement, tout s’est bien passé. Reste à voir dans les prochaines semaines si le dictateur de la Corée du nord a eu une stratégie gagnante.

Rappeler la contribution permanente des armées à la fierté nationale

Il n’en reste pas moins que la France a été à la hauteur de ces jeux. Il est bon à cet égard de rappeler le poids de la communauté militaire dans le succès français.

Comme l’a très bien fait le général Robinet (Cf. ASAF), cela peut être en revanche l’opportunité de souligner le peu d’appétit des médias pour souligner cet apport de ces jeunes militaires, athlètes de haut niveau. Il rappelle à cet égard cette préface du lieutenant Fourcade, le plus grand médaillé français des jeux olympiques d’hiver, à un ouvrage sur les troupes de montagne et dont nul ne rappelle son état militaire.

Les journalistes doivent faire preuve de respect et de discernement. Il semble en effet plus facile de rappeler qu’un tueur comme Nordahl Lelandais a été militaire, pourtant il y a longtemps et exclu de l’armée, que de mettre à l’honneur les nombreux militaires ayant participé à ces jeux olympiques.

Il est vrai que, dans un billet précédent (Cf. Mon billet du 19 novembre 2017), je m’étais déjà plaint de cette absence de respect par les journalistes par exemple en n’appelant pas par leur grade les officiers interviewés. A nouveau, il y a peu de temps sur RTL, Yves Calvi ignorait le grade de Karine Lejeune, porte-parole de la gendarmerie et lieutenant-colonel. Sans doute pour établir une égalité qui n’a pas besoin pourtant d’être affirmée. En revanche, ignorer ces règles de politesse en dit long sur une forme de dégradation de notre société et à travers ce manque de respect dans la forme porté à ceux qui incarnent l’autorité de l’Etat.

Nous en sommes d’ailleurs en partie responsables. Sur ce même billet, j’obtenais une réaction négative d’un ancien amiral « cinq étoiles », n’y voyant que l’affirmation d’un ego alors qu’il s’agit d’abord de tenir son rang. Mais ma génération a subi cette génération d’officiers soucieux de ne pas se faire remarquer, de ne pas s‘exprimer et encore moins de tenir leur rang…. Alors qu’il ne s’agit que de rappeler ni plus ni moins ce que nous sommes.

Cette dégradation de la société dénoncée par beaucoup se constate dans de nombreux d’autres domaines. Il a conduit à la recherche de solution. La dernière en date est celle du service national universel (SNU).

Se référer au rapport parlementaire sur le SNU du 14 février 2018

Un rapport de 155 pages a été remis au Premier ministre pour proposer la mise en œuvre d’un SNU rénové, souvent évoquée par des candidats aux élections présidentielles de 2017. Pourtant cela n’a pas semblé satisfaire grand monde mais peut-on éviter les oppositions en France ? A la décharge des contradicteurs, la cacophonie gouvernementale a été impressionnante. De fait, la volonté politique s’exprimera à partir du 30 avril avec la remise du rapport sur le service national commandé par Emmanuel Macron à un groupe de travail.

Pour ma part, comme je l’avais écrit dans un billet précédent (Cf. Mon billet du 19 mars 2017) tout en y étant favorable sur le principe, les difficultés me paraissaient telles que ce projet semblait irréalisable.

Ce que je remarque surtout est cette volonté d’éviter la contrainte et ne pas faire des citoyens-soldats à partir de ce service national universel. Pourtant peut-on concevoir que l’esprit de défense ne soit que virtuel et qu’il ne prépare pas à défendre son pays y compris par les armes ? Tous sont cependant convaincus qu’il faut redonner du sens au service national universel tel qu’il existe actuellement.

Les rapporteures Marianne Dubois (LR) et Emilie Guerel (LRM) prônent un parcours citoyen en trois étapes. Elles ont rappelé avec pertinence l’article L. 111-1 du code de la défense : « Les citoyens concourent à la défense et à la cohésion de la Nation. Ce devoir s’exerce notamment par l’accomplissement du service national universel. » avec néanmoins un raccourci bien osé pour tirer la conséquence de la suspension de la conscription : « malgré la mention du devoir de concourir à la défense de la Nation, le SNU n’a plus vocation à former des soldats : la défense de la Nation s’incarne avant tout par la contribution de chacun à la cohésion nationale ». Je pense qu’elles se trompent mais ceci est une autre affaire.

Le rapport est très complet et, outre plusieurs scénarios, apporte des informations intéressantes. Alors que la loi du 10 mars 2010 a intégré le service civique au service national. La réserve ne fait ainsi pas partie, en droit, du service national universel, alors même que ses membres « concourent à la défense et à la cohésion de la Nation ». Il en va de même s’agissant de la réserve civique. Tout ceci montre qu’il faut remettre d’aplomb le SNU mais aussi rétablir la cohérence de l’ensemble.

De même, le projet de service national universel pourrait se heurter à un argument de constitutionnalité en raison de son caractère obligatoire et par certains aspects à un rejet par la Cour européenne des droits de l’Homme. Cela laisse rêveur sur l’état de déliquescence de notre société qui, juridiquement, pourrait ne pas imposer dans certains cas des obligations au citoyen pour sa défense.

Le SNU, un projet cependant qui vaut la peine d’être soutenu

La solution privilégiée par les rapporteures est schématisée par un diagramme. Je n’en ai pas trouvé la trace dans la presse et cela est bien dommage. Cela aurait évité des commentaires parfois inutiles.

La question du financement reste primordiale avec un coût de fonctionnement de 2,4 à 3 milliards d’euros par an, infrastructures comprises. Il ne s’agit pas d’une dépense mais d’un investissement dans la jeunesse et dans la cohésion future de la Nation en favorisant son engagement sous des formes multiples, complémentaires mais organisées. Il n’en reste pas moins la question du contenu du service national universel avec une question pour reprendre le colonel ® Goya : « est-ce un objectif de sécurité ou bien de vivre-ensemble ? Veut-on former des militaires ou bien fabriquer des citoyens ? ». Pour ma part, je dirai qu’il s’agit de former des citoyens capables de défendre leur pays éventuellement par les armes et ce n’est ni anodin, ni « ringard ».

Pour conclure, je pense que malgré les difficultés, il est temps d’imposer progressivement ce service national universel dès lors qu’il ne néglige pas le développement de l’esprit de défense, y compris dans sa dimension militaire. Cela sera peut-être l’occasion de renforcer l’encadrement militaire comme je l’ai proposé au 20h de TF1 le 13 février dans une interview, d’ailleurs frustrante par le peu d’éléments retenus sur la question du SNU.

Dès lors qu’il y a une volonté politique (Cf. Lire dans Valeurs actuelles, « service national, enjeu national »), qu’il y a aussi un besoin de réarmer moralement notre société compte tenu d’un avenir incertain, les questions budgétaires en particulier ne devront pas être une entrave et le projet tel qu’il est présenté, sans doute amendé à compter du 30 avril, pourra avoir une influence positive sur notre société.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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