Semaine où beaucoup de choses se sont dites ou faites suscitant quelques réflexions sur ce thème de la perception de la société militaire par la société civile.
La méconnaissance des us et coutumes militaires
Je ferai quelques remarques sur la méconnaissance persistante de la communauté médiatique mais pas uniquement sur comment appeler correctement une autorité militaire. J’ai été surpris en effet de constater que bien souvent les généraux interviewés n’étaient pas appelés par leur grade mais par « Monsieur ». La politesse pourtant préconise d’appeler un général, « mon général » si on a fait son service (bien sûr de plus en rare) ou « général » dans le cas contraire.
Une société vit aussi à travers le respect porté par les mots employés pour interpeller quelqu’un, comme on dit « docteur » quand on s’adresse à un médecin, « maître » à un avocat, mais tout ceci se perd dans cette recherche moderne de l’égalité verbale de chacun malgré ses titres ou sa fonction. Pourquoi d’ailleurs ne pas appeler le président de la République par son prénom ou son diminutif éventuel ?
Cette attitude est due à la fois à la méconnaissance des règles de civilité, de « bonne éducation » et à l’habitude de niveler chacun dans notre société « moderne ». Que pas une tête ne dépasse de par sa fonction ! Je le vois avec mes étudiants mais eux ne savent pas et m’appellent « monsieur ». Cela ne me dérange mais en terme de construction de l’esprit d’une société, cela n’est-il pas dérangeant dans la construction des repères ? Il faut cependant attirer leur attention sur ces règles de bienséance.
Je le vois aussi dans mes activités professionnelles où assez souvent le personnel militaire d’active oublie le grade de la personne avec qui il prend contact comme si le fait d’être dans le privé nous retire notre grade alors qu’il nous « appartient » et est aussi un témoignage de ce que nous avons été ou sommes parfois ?
Cette absence de connaissance du monde militaire s’’exprime aussi dans le langage courant notamment journalistique. Commentant ce sous-marin argentin en détresse cette semaine, que ce soit par un journaliste sur RTL ou sur France info, nous avions des « passagers » disparus. Marins ? équipage ? Des mots, semble-t-il, tout aussi disparus de la langue française. Cela rappelle ces « victimes » évoqués par un ancien président de la République qui évoquait les soldats morts au combat dans une embuscade en Afghanistan en 2008.
Des questions militaires au quotidien
Cette semaine, j’ai entendu un Premier ministre aux affaires qualifié Christophe Castaner de général à la tête du parti LREM suite à son élection presque bonapartiste et cela sans faire ses classes. Cela ne manque pas d’ironie ! J’espère qu’il ne va pas avoir le blues du « poète revendicatif » et qu’il ne sera pas humilié comme le général de Villiers l’a été par le chef des armées.
Cela me permet d’évoquer cette prise en compte partielle du coût des OPEX annoncée cette semaine qui a été imposée aux autres ministères. Ce coût des OPEX complètement imputé aux armées avait conduit au départ du général de Villiers. Tout cela pour en arriver là. Comme je l’exprimais dans mon billet du 23 juillet : « quel gâchis ! » (Cf. Mon billet du 23 juillet 2017)
Les questions militaires ont aussi été évoquées à de nombreuses occasions comme l’émission « Envoyé spécial » du jeudi 16 novembre sur l’opération Sentinelle. Bonne émission, j’ai été néanmoins abasourdi d’entendre en caméra caché un sous-officier chargé du recrutement critiquant négativement et à outrance l’opération Sentinelle au lieu de simplement évoquer la dureté de la mission. Le général Desportes a heureusement été convaincant dans cette émission.
Persuader, éloquence et TeDX
J’ai découvert sur la chaîne « Planète » ce documentaire très intéressant en deux parties sur « L’école de guerre, l’école des chefs » … parce qu’il y a une école pour cela et un concours. Réalisée à partir de la vie de la promotion 2016-2017 « Général Gallois » (Cf. Général Gallois), un des quatre théoriciens de l’apocalypse (ou de la dissuasion nucléaire), il était intéressant de montrer qu’au sein des armées, rien n’est jamais acquis et que la remise en question est permanente. Le maître-mot de cette année de formation complémentaire de l’élite militaire était « Persuader ». Tout un programme.
J’y ai bien sûr retrouvé des « têtes connues » et notamment cette stagiaire, lieutenant-colonel cependant, qui a beaucoup œuvré en parallèle pour le TeDX du CELSA (Cf. Mon billet du 18 juin 2017, « Etre présent dans la cité ») tout en m’incitant à assister à ce concours d’éloquence superbe réalisé par les officiers de l’Ecole de guerre ce 29 juin. L’amphi était comble en grande partie avec des civils et peu de militaires. Il est vrai que la vie de l’officier est surtout une découverte pour la société civile, notamment par cette rencontre de l’officier-pilote d’hélicoptère avec la mort qu’il doit donner à l’ennemi. Car aujourd’hui, nous faisons la guerre.
Cette semaine justement, le quotidien Le Monde évoquait ce retour des frontières, les qualifiant de Viles (Cf. Le Monde du 18 novembre, supplément « idées »). Nous sommes encore dans le déni des frontières qui, pourtant, assurent notre protection, protègent notre identité et donnent un cadre à ce que nous sommes. C’était d’ailleurs l’objet de mon intervention de 15 minutes lors du TeDx du CELSA accueilli par Google France le 27 juin 2017. Oui, les frontières sont nécessaires (Cf. TedX Celsa du 27 juin 2017. Les frontières sont-elles nécessaires ?) et cette vidéo peut servir à un débat utile. Elle contribue à clarifier ce débat contestant les frontières qui aurait pour effet négatif de nous dénier à terme le droit d’exister.