Dans le cadre de la guerre de succession d’Autriche, le futur maréchal de Saxe est envoyé par Louis XV en renfort auprès de l’Electeur de Bavière. Maurice de Saxe assiège Prague lorsqu’il apprend qu’une armée autrichienne arrive sur ses arrières. Risquant d’être pris en tenaille, il ordonne tout simplement la prise immédiate de Prague sous peine d’être écrasé. A la nuit tombée, un « commando » escalade les remparts profitant d’une attaque de diversion de l’Électeur de Bavière. Le lieutenant-colonel Chevert et le sergent Jacob Pascal avec quelques grenadiers neutralisent les sentinelles et abattent le pont-levis par lequel s’engouffre la cavalerie de Maurice de Saxe. Prague restera française jusqu’en janvier 1743, date à laquelle la garnison restante se rendra aux Prussiens avec les honneurs.
Chevert au siège de Prague
En l’année 1741, Frédéric II, roi de Prusse, l’électeur de Bavière et Louis XV, roi des Français, avaient conclu un traité d’alliance contre Marie-Thérèse, impératrice d’Allemagne, reine de Hongrie et de Bohême. Déjà l’armée franco-bavaroise s’était rendue maîtresse, presque sans résistance, de la Haute-Autriche. Marie-Thérèse, femme énergique et courageuse, mesure d’un coup d’œil le danger qui la menace ; et, avec une habileté remarquable, elle fait appel au dévouement des magnats hongrois qui tirent leurs sabres du fourreau en criant : « Mourrons pour notre roi Marie-Thèrèse ! » Elle avait su gagner à sa cause et tirer parti du génie belliqueux de ces chefs magyars, si rebelles pourtant à la domination autrichienne.
Sur les instances de l’électeur, homme de médiocre valeur, l’armée franco-bavaroise prend la direction de Prague, alors qu’elle aurait dû se porter sur Vienne. Frédéric fut très irrité de ce mouvement qui contrariaient ses desseins égoïstes. Déjà nos troupes avaient atteint le Haut-Danube, prêtes à entrer en Bohême, lorsqu’elles apprirent, non sans étonnement, la défection des Prussiens. Pour prix de sa trahison, Frédéric obtint de Marie-Thérèse la Basse-Silésie et la ville de Veisse. Il s’engagea en outre à cesser toute participation à la guerre, sans tenir compte des promesses qu’il avait faites à la France et à la Bavière de ne traiter qu’avec leur consentement. Il n’eut aucun scrupule de laisser la division française seule avec l’électeur de Bavière, exposée aux attaques incessantes d’une armée considérable, commandée par l’archiduc d’Autriche. La situation était extrêmement critique.
L’armée alliée manquait de tout : vivres et fourrages. La garnison qui défendait Prague était au contraire abondamment pourvue. Les provisions de guerre et de bouche y étaient amassées en énorme quantité. 120 pièces de canon garnissaient les remparts de l’enceinte fortifiée, auxquelles nous ne pouvions opposer que 30 pièces d’artillerie.
Le commandement de nos troupes était aux mains du maréchal de Broglie et du comte Maurice de Saxe, qui avait pris du service en France. Ce dernier était un aventurier rempli de fougue et d’audace, qui ne reculait devant aucun danger. Comprenant qu’un siège méthodique de la ville était impossible, il proposa de l’attaquer par escalade et d’emporter la place, malgré l’approche de l’archiduc d’Autriche pour secourir la ville menacée par les Français. Ce projet hardi fut accueilli.
Maurice de Saxe, l’auteur du projet, en fut aussi l’exécuteur. Il s’adjoignit un homme qui n’avait de commun avec lui que le courage, le lieutenant-colonel Chevert, sorti des rangs du peuple et qui était connu par ses vertus et sa bravoure. Il avait à la guerre ce ton confiant, exalté, un peu rude mais droit, qui empoigne le soldat français.
La ville était entourée de fossés à sec. La garnison qui la défendait comptait 2 500 hommes de troupe, 1 200 bourgeois et autant d’étudiants capables de résistance.
Dans la nuit du 24 au 25 novembre 1741, Maurice de Saxe passe la Moldaw sur un pont de bateaux avec 800 hommes d’infanterie du régiment Beauce dont Chevert était le lieutenant-colonel, 4 compagnies de grenadiers, 600 dragons, 800 carabiniers et 600 chevaux. Après sept heures d’une marche pénible, grenadiers et dragons arrivent enfin épuisés de fatigue, et font halte à 23 kilomètres de la ville.
Chevert en profite pour reconnaître la place.
On décide de simuler une attaque du côté opposé pour détourner l’attention des assiégés. C’est Gassion, un descendant de l’illustre compagnon d’armes de Condé, qui est chargé de ce mouvement trompeur. Tout à coup les détonations éclatent ; c’est le signal de la fausse attaque. Nos soldats sont sur pied et plein d’entrain. Les grenadiers saisissent leurs échelles et se dirigent vers le point désigné pour l’escalade. Ils sont déjà dans le fossé, lorsque le brave Chevert les arrête et assemble les sergents de son détachement : « Mes amis, leur dit-il, vous êtes tous braves, mais il faut ici un brave à trois poils. – Le voilà », ajouta-t-il en apercevant le sergent Pascal, des grenadiers du régiment d’Alsace. « Camarade, monte le premier, je te suivrai ; quand tu seras sur le mur, le factionnaire te criera : Vardo ! Ne réponds pas ; il te lâchera son coup de fusil et te manqueras ; tu tireras et tu le tueras. » Tout se passa comme il l’avait dit. Chevert le suit et déploie sur le rempart le drapeau fleurdelisé de Beauce.
Aussitôt un enthousiasme indescriptible s’empare des assiégeants, on crie de toutes parts : « À l’assaut ! à l’assaut ! » En un clin d’œil les remparts sont franchis. Maurice de Saxe conduit lui-même ses dragons, pendant que les tambours battent la générale. L’attaque a été si impétueuse que l’ennemi, ne pouvant résister à ce torrent, est culbuté et mis en pièces. Le désordre est à son comble, l’alarme s’est répandue partout ; on entend que fusillades mêlées au bruit du canon. Les étudiants et la milice bourgeoise arrivent pour porter secours à l’infanterie autrichienne, mais subissent le même sort que leurs compatriotes et fuient en désordre.
Le gouverneur se rend avec ce qui reste de la garnison Deux heures avaient suffi pour nous rendre maître de la capitale de Bohême.
Er. Richa