vendredi 17 janvier 2025

Affaire Mahé, des peines justes

Soyons satisfaits des sentences clémentes qui ont frappé nos camarades concernés directement par l’affaire Mahé, cet Ivoirien exécuté le 13 mai 2005 en République de Côte d’Ivoire.

La cour d’assise de Paris a statué ce 7 décembre, sept ans après la dénonciation des faits le 18 octobre 2005 par l’institution militaire (voir l’article du Monde du 20 octobre 2005). Sans trop y croire, je m’en étais ouvert à un camarade, l’affaire Mahé étant un important sujet de discussion parmi nous. J’espérais ce sursis qui me semblait justifié. Ces sept ans pour un jugement ont brisé la vie de ces hommes. Ils ont assez payé.

Il ne s’agissait pas de blanchir un acte inacceptable. En revanche, la justice a pris en considération la spécificité d’une opération militaire. Elle a remis à sa juste place le soldat sur le terrain entre la mission à remplir, sa conscience, la décision à prendre souvent dans l’incertitude et le stress, les circonstances exceptionnelles dans lesquelles il peut être impliqué. Aucun des soldats accusés n’était fier de son acte. Le colonel Burgaud a reconnu sa responsabilité et c’est tout à son honneur. Malgré les fortes peines demandées (pouvait-il en être autrement), ces condamnations avec sursis et cet acquittement sont justes.

Ils positionnent différemment le débat sur la judiciarisation des conflits. En effet, l’affaire Mahé est le premier dossier militaire traité par la justice civile depuis la disparition du tribunal aux armées, le 1er janvier 2012. Le jugement rendu montre qu’il existe une spécificité militaire, sinon du métier militaire. Le procès a montré les difficultés aujourd’hui rencontrées par nos soldats sur des opération qualifiées souvent de « complexes ». Elles le seront de plus en plus.

Si on se réfère au jugement rendu et la compréhension de la justice à l’égard de la situation exceptionnelle d’une opération militaire, la décision attendue du ministre de la défense sur l’embuscade d’Uzbin concernant la demande judiciaire pour obtenir la communication de documents « confidentiel défense » (Cf. Le Point) pourrait prendre une autre dimension. S’il suit l’avis négatif de la commission consultative du secret de la défense nationale, un arrêt à la course à la judiciarisation des opérations militaires pourrait être utilement porté.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
ARTICLES CONNEXES

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Merci de nous soutenir !

Dernières notes

COMMENTAIRES RÉCENTS

ARCHIVES TB