Depuis des années déjà, les arbitrages budgétaires se font aux Pays-Bas en fonction de l’achat prévu de leurs nouveaux avions de chasse, un achat qui n’a pourtant pas cessé de faire débat. Jusqu’en mars dernier en tout cas, lorsque la signature du contrat pour les huit premiers appareils US a marqué, selon la ministre de la Défense, un « point de non-retour », censé clore ledit débat une fois pour toutes.
C’est dans ce contexte qu’au lendemain de la récente annonce de l’augmentation du budget de la défense néerlandais, d’un demi-milliard d’euros d’ici 2020, vint la nouvelle selon laquelle le ministère prévoit une hausse possible du prix d’achat de ses futurs Joint Strike Fighters F-35. Ce qui nécessiterait un demi-milliard additionnel.
En chiffres précis, le budget de la défense va augmenter de 565 millions d’euros*, pour améliorer, dit-on, les capacités de projection et l’aptitude à participer dans des coalitions. D’un autre côté, une éventuelle hausse du prix à l’achat des JSF néerlandais est estimée, elle, à 550 millions d’euros. D’après la ministre, les calculs actuels du budget ne tiennent pas encore compte de ces estimations, mais une fois confirmées elles « impliqueraient des mesures drastiques ».
Pour ce qui est de ces mesures drastiques, dans l’hypothèse (plausible, au regard de l’histoire du programme US) où le prix des JSF continuerait à augmenter, les décisions passées des gouvernements successifs nous en donnent une indication assez précise. Car jusqu’ici, la quasi-sanctuarisation du budget des F-35, tant contestés par ailleurs, entraîna deux évolutions distinctes.
Premièrement, le nombre des avions que les Pays-Bas peuvent se permettre d’acheter se réduit comme une peau de chagrin. Déjà avec les surcoûts précédents, les Néerlandais avaient dû revoir sérieusement à la baisse la taille de leur future flotte JSF. Comme l’a rappelé le PDG de Dassault Aviation l’année dernière, alors que les deux avions avaient été notés quasiment à égalité en 2002 « Pour le prix des 65 JSF de l’époque les Pays-Bas ne peuvent plus se payer que 37 avions – nous ça serait toujours 65 Rafale. Mais les Pays-Bas ont confirmé qu’ils achèteraient 37 F-35. Voilà. » Pour Trappier, il s’agit là, comme dans tant d’autres pays européens, d’« une vraie volonté d’acheter américain quels que soient les prix, quel que soit le besoin opérationnel ».
Et c’est sur ce dernier point que l’on arrive à la deuxième conséquence de cet attachement à l’avion US. Plutôt que de toucher au budget prévu pour l’achat des JSF, les Pays-Bas ont jusqu’ici préféré amputer des pans entiers de leurs capacités opérationnelles. Tant et si bien que, d’après un rapport de l’Assemblée parlementaire d l’OTAN, ils « devront bientôt renoncer à leur capacité d’opérer dans les eaux côtières ». Moins de navires de patrouille, moins de chars et moins de défense aérienne aussi (deux bataillons d’artillerie supprimés, ainsi que deux pelotons de défense des installations au sol et deux batteries de missile Patriot). Le tout pour s’acheter des F-35 dont les capacités dégringolent.
En plus des nombreux questionnements existants (du genre : l’avion va-t-il pouvoir décoller avec des armes à bord, voler de nuit ou atterrir s’il fait froid dehors?), un officier de l’USAF vient de confirmer, le jour même de l’annonce de la hausse du budget néerlandais, ce qu’on savait déjà : le JSF n’aura même pas la capacité de ses prédécesseurs dans des situations de combat aérien (le fameuxdogfight). La veille, c’est le logiciel gérant tout le système de logistique et de maintenance qui a été encore une fois pointé du doigt comme étant largement défaillant.
Des déboires qui, manifestement, n’en finissent pas, et qui laissent à penser qu’en matière de surcoûts il ne faut pas seulement compter avec l’augmentation des taxes à la vente et avec le renforcement relatif du dollar. En effet, les contrats avec l’Amérique ont ceci d’original qu’ils contiennent, comme l’a noté le PDG de Dassault, une petite ligne sur le prix qui s’ajuste en fonction de toutes les variables possibles et imaginables. Au plus grand bonheur de tel ou tel « partenaire international »…
Source : IVERIS
* Avec 220 millions d’euros de plus l’année prochaine et une autre rallonge de 345 millions d’ici 2020.