Roger Frison-Roche fait partie de ces hommes qui ont maintenu vivante, à travers de nombreux romans et récits prenant pour cadre la montagne ou la nature désertique, la tradition de l’enthousiasme dans l’effort, de la victoire sur soi, de la communion avec l’universel dans une nature âpre et somptueuse.Né à Paris le 10 février 1906 de parents d’origine savoyarde, il se rend à 17 ans à Chamonix pour y exercer 2 talents : l’alpinisme et l’écriture dans des revues spécialisées sur la montagne. Il sort major de la promotion 1930 des guides de haute montagne. L’esprit d’aventure et l’engagement physique le mènent en Afrique du Nord. Installé à Alger, où il sera journaliste à La Dépêche algérienne puis à L’Écho d’Alger, il écrit Premier de cordée (1941) à des milliers de kilomètres des Alpes qu’il connaît à « un mètre près ».
Le ton est immédiatement trouvé : le livre, qui parut d’abord en feuilleton obtint un succès considérable. Le titre dit tout : le guide en tête de la cordée a la pleine responsabilité de ceux qui suivent. La mystique du chef n’est pas loin. Le héros peut succomber à la faiblesse – en l’occurrence le vertige –, mais sa volonté lui permettra de la surmonter. Il y a là comme un écho assourdi des morales de la volonté, auxquelles Frison-Roche donnera néanmoins un accent résolument français, comme pour faire du Mont-Blanc, ce « seigneur et maître », un sommet (et un héros) français (Mont-Blanc aux 7 vallées, 1959).
On est proche de l’univers scout, tellement important en France jusque dans les années 1950 comme principe d’encadrement de la jeunesse. Courage moral et physique, sens de l’honneur, discipline sans soumission, idéal de joie, de vie et de pureté.
Pendant les années 1940, il est correspondant de guerre en Afrique du Nord. Revenu en France prisonnier des Allemands, il s’évade pour rejoindre le maquis de Savoie. Tous ses livres porteront ensuite la trace de son expérience de montagnard et d’explorateur : La Grande Crevasse, Retour à la montagne, La Piste oubliée, Peuples chasseurs de l’Arctique, etc. Il les illustre parfois des photographies de Pierre Tairraz (Vanoise…), et Louis Daquin signera un de ses meilleurs films en tournant en 1943 Premier de cordée.
Il n’est pas l’homme des grandes villes, et pas davantage celui d’un monde pastoral ou agricole. Les êtres qui retiennent son attention sont d’exception, comme cette Aurélie Picard devenue princesse saharienne (Djebel Amour, 1978), ou René Caillié, l’explorateur français qui le premier pénétra à Tombouctou en 1828 (L’Esclave de Dieu). Quand il écrit à 70 ans son autobiographie (Le Versant du soleil), il révèle l’homme qu’il est : celui d’une époque d’avant le tourisme et de l’exploit sportif sponsorisé, celui d’une éthique de l’effort patient, du corps intrépide, de l’humilité orgueilleuse qui offrent à l’homme les sommets d’où, sereinement, il peut contempler la beauté du monde.
Il nous quitte 17 décembre 1999 à Chamonix-Mont-Blanc où il est enterré.