Alors que le canon tonne dans le Donbass, les Français vaquent à leurs occupations de rentrée, cherchent un gouvernement qui dure et rêvent d’économies indolores. Quelques officiers parlent bien de guerre, mais c’est leur métier ; on ne leur en tient pas rigueur, sans vraiment les prendre au sérieux. Quand le président rappelle que le Kremlin a désigné la France comme son principal ennemi après l’Ukraine, on l’écoute à peine ; il n’est plus très populaire en fin de mandat.
Cette « Drôle de guerre », dont on parle vaguement sans la voir, ne tue que des Russes, dont on se fiche, et des Ukrainiens, qu’on plaint quand on en trouve le temps. Concerne-t-elle vraiment les Français ?
Le temps de l’insouciance
Moscou a joué un jeu malsain au Sahel, certes, qui a infligé une blessure d’orgueil aux Français et coûté des milliers de vies aux populations locales. Mais, finalement, il a permis de sortir nos forces d’une région pauvre et sans intérêt. Cerise sur le gâteau, l’échec sans appel de Wagner et de l’Africa Corps (il fallait oser reprendre le nom du corps expéditionnaire nazi en Afrique !) illustre par contraste l’excellence opérationnelle de l’armée française qui a contenu la menace terroriste avec 5 000 hommes seulement sur un territoire grand comme l’Europe pendant 10 ans. Bref, pas de quoi se fâcher.
L’instrumentalisation de nos divisions, les offensives informationnelles, les manipulations, les intoxications ? Les Français en prennent leur parti si elles affaiblissent le camp politique adverse. On ne revient pas comme ça d’un penchant bien gaulois pour la discorde civile. Et puis dans le fond, ils jugent que ça ne change pas le quotidien. Alors…
Les membres de nos services, les diplomates, les militaires mènent dans l’ombre une guerre hybride qui dépasse en intensité les pires moments de la guerre froide. La grande différence, et notre grande faiblesse, c’est que l’opinion publique y est indifférente.
Le mythe de la fin de l’histoire est encore omniprésent et avec lui, l’illusion que, finalement, les rapports de force sont une anomalie. Qu’un compromis est toujours possible. Que tout finit par s’arranger. Que le pire n’arrive jamais. Ou alors seulement pour les autres. Et, ma foi, c’est triste pour eux, mais c’est leur problème.
Nos compatriotes sont persuadés de vivre dans un espace immuable de relative sécurité et de prospérité due. Ils dansent au bord de l’abîme avec l’insouciance nationale qui fait notre charme et notre malheur.
Pourtant, cette « Drôle de guerre » dont on ne sent pas directement les effets n’est pas une bulle lointaine appelée à éclater. Elle est une vague qui gonfle. Comme celle de 1939. L’histoire ne se répète jamais de la même manière, mais ses leçons sont intemporelles. L’une d’elle est qu’ignorer une crise est le meilleur moyen de l’aggraver.
Aujourd’hui, les Français ne sont plus en sécurité.
Une guerre structurelle
En dehors des Ukrainiens, dont elles constituent une part de l’ensemble national, tout le monde se fiche des usines rouillées du Donbass. Même les Russes. Ils ont mis la main dessus de facto, à défaut de le faire de jure, depuis 2014. S’ils y tenaient, ils auraient pu les arrondir en menant quelques actions militaires ciblées. Il y aurait eu quelques protestations internationales qu’ils auraient ignorées et les choses en seraient restées là. Mais tel n’a évidemment jamais été leur objectif.
Donetsk et Kherson ne sont que des prétextes. La Russie ne fait la guerre que dans le but de remettre en cause l’ordre international et de conserver son statut de très grande puissance.
Elle n’a à dire vrai guère le choix, à moins de changer totalement ses paradigmes identitaires et stratégiques. C’est-à-dire de se concevoir comme un État-nation recherchant le bien-être et la prospérité de ses citoyens plutôt que comme un empire dont l’alternative serait l’extension ou la dislocation.
La puissante Chine interdit à la Russie toute ambition en Orient. La géographie la borne au sud, pays de montagnes et de guerriers farouches. Il reste l’Ouest. Seule l’Europe, faible, riche et populeuse, s’offre comme espace de manœuvre et d’expansion. La clef géopolitique en est l’Ukraine. Sans elle, la Russie est enfermée dans ses taïgas boréales et ses steppes glacées. Il lui faut l’Ukraine pour peser sur l’Europe de l’Est et y retrouver, par la menace militaire, au moins une partie de ses positions d’antan.
Le second impératif stratégique de Moscou est que l’Europe reste une zone géopolitique molle, sans volonté stratégique, à se partager entre zones d’influence russe et américaine. Cela implique de neutraliser le seul État continental capable de provoquer et de catalyser son réveil. La France. Puissance nucléaire, militaire et diplomatique significative, elle porte le projet gaullien d’autonomie stratégique des nations Européennes en dehors de tout bloc, de tout protectorat. C’est la raison pour laquelle elle est la première cible des Russes après l’Ukraine.
Malgré ses crises internes, le leadership stratégique français en Europe s’affirme progressivement, par nécessité, du fait du repli américain. Si Paris réussissait à convaincre ses partenaires d’assumer leur autonomie stratégique, les rapports de force actuels seraient bouleversés.
L’Europe aurait les moyens de contenir la Russie et de la réduire à son poids économique, c’est-à-dire l’équivalent de l’Espagne. En contrepartie, un partenariat fructueux permettrait une croissance partagée et favoriserait l’émergence de classes moyennes en dehors de Moscou et Saint-Pétersbourg. Le miroir aux alouettes impérialiste se briserait, annonçant le crépuscule des oligarques. Cela, ils ne le permettront pas. A aucun prix.
L’affrontement en Ukraine et la guerre hybride en Europe et en France sont indissociables. L’hostilité russe envers Paris est structurelle. Existentielle, en un sens. Elle ne prendra fin qu’avec un changement de régime à Moscou ou avec l’écrasement de l’Ukraine, qui enterrerait le projet stratégique français, entérinerait la mise sous tutelle de l’Europe orientale et l’effacement stratégique de sa partie occidentale.
Il n’est naturellement pas très agréable d’être structurellement l’ennemi d’une puissance militaire comme la Russie des oligarques. Mais nous n’y pouvons rien. Que nous voulions la guerre ou pas, que le président soit Emmanuel Macron ou un autre ne change rien à l’affaire. Il faut se battre ou se soumettre et renoncer à notre identité stratégique.
Il se dit que la Russie aurait perdu un million d’hommes en Ukraine. Morts, infirmes, blessés. A la louche. Les individus n’ont jamais compté dans l’histoire d’un pays auquel il a manqué de faire de ses sujets des citoyens pour devenir européen. Mais même une dictature n’encaisse pas de telles pertes dans une guerre d’agression pour conclure une paix blanche. Elle le fait pour renverser la table et remporter toute la mise. Il ne peut y avoir qu’un vainqueur et un vaincu.
La fin des sanctuaires nationaux
Non seulement les Européens sont dans le déni d’une guerre qui est la leur, mais ils ne semblent pas avoir envisagé les conséquences d’une révolution stratégique qui bouleverse leur sécurité collective : la possession du premier stock d’armes nucléaires au monde n’a pas assuré l’inviolabilité du territoire russe.
Les Russes l’ont certes bien cherché, mais leurs villes, leurs raffineries, leurs infrastructures et une partie de leur forces aériennes stratégiques ont été bombardées. L’armée ukrainienne est allée jusqu’à occuper l’oblast de Koursk.
Même quand on s’appelle Vladimir Poutine, qu’on a fait carrière au KGB (la Gestapo soviétique, pour rappel), rasé les montagnes en Tchétchénie, envahi le Nord de la Géorgie, fait enlever des enfants en Ukraine, laissé martyriser Boutcha, même quand on s’appelle Vladimir Poutine, disions-nous, on n’utilise pas l’arme atomique en dehors d’une menace existentielle.
Dès lors, la probabilité pour qu’un pays séparé de l’Europe par un océan et plusieurs milliers de kilomètres le fasse en sa faveur est à peu près réduite à néant. Le parapluie nucléaire américain s’est refermé, laissant l’Europe exposée aux intempéries géopolitiques.
Enfin pas tout à fait. La bombe française que ses voisins affectaient de mépriser trouve des grâces nouvelles à leurs yeux. Ils découvrent soudain que l’épaisseur stratégique du continent se trouve à l’Ile Longue et sur la base de Saint-Dizier, dans les Rafales et les sous-marins nucléaires français. Aucune force ennemie ne défilera jamais plus sur les Champs-Elysées, ni à Moscou d’ailleurs. Jamais. La dissuasion nucléaire fonctionne encore à ce niveau. On peut même juger qu’il serait risqué de prendre Varsovie ou Berlin. Paris pourrait juger alors, à juste titre, ses intérêts vitaux engagés. On est cynique au Kremlin, mais pas fou.
La mauvaise nouvelle, c’est que le recul des lignes rouges de la dissuasion nucléaire ouvre d’innombrables options militaires jusqu’alors inconcevables.
Des pluies de drones et de missiles tombent chaque nuit sur l’Ukraine et enflamment chaque jour la Russie. Un code tacite encadre pourtant ces bombardements. Les centrales nucléaires sont sanctuarisées et les pertes civiles sont maintenues sous un seuil jugé « acceptable » visant l’usure des arrières ennemis plus que leur destruction.
Ces actions présentent un inconvénient majeur. Pour nous en tout cas. Elles sont contrôlées. C’est-à-dire que, dans l’absolu, elles pourraient être étendues sur le même modèle. Où ça ? Mais à l’ouest bien entendu.
L’inconcevable ne l’est plus.
Des frappes sur la France ?
Le pire n’est jamais certain, sauf quand on refuse de s’y préparer. Les conditions n’en sont probablement pas encore réunies, mais l’hypothèse de frappes ciblées sur des pays européens, y compris la France, est désormais à étudier.
Un bombardement maîtrisé aurait pour effet de sidérer d’abord, de terroriser ensuite des populations convaincues d’être sanctuarisées.
Le choc serait immense. Il marquerait le retour de la guerre. La fin des illusions. Il constituerait une surprise stratégique dévastatrice pour l’opinion publique.
Si elle n’y était pas préparée, une telle action réveillerait un courant puissant en faveur d’une capitulation, dans l’espoir vain de prolonger le monde d’hier.
Cette vulnérabilité même constituera une tentation de plus en plus forte pour les Russes. Le seul moyen de l’éviter, si possible, est d’envisager l’hypothèse d’une frappe ennemie ; de se préparer à y faire face ; de laisser entendre que loin de nous affaiblir, elle entraînerait une riposte et un durcissement. Que le coût serait disproportionné avec les avantages attendus.
Nous sommes engagés dans une longue, très longue contestation avec la Russie. Elle comporte déjà des phases de test de plus en plus nombreuses, de plus en plus agressives, de plus en plus risquées. Des séquences d’affrontement sont désormais possibles à court et moyen terme sous différentes formes et différentes échelles. Accrochages aériens ou navals, échanges de tirs au sol, frappes ciblées destinées à désanctuariser les frontières etc.
Le réarmement matériel ne sera rien sans le réarmement moral. La guerre est un choc de volonté. Le président Macron l’a rappelé dans son discours aux armées à l’occasion du dernier 14 juillet : « Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant ». La puissance ne se résume pas à la force brute mais implique une volonté inébranlable, l’acceptation du risque et la certitude de lutter pour une cause juste.
Voulons-nous vivre dans la peur et la soumission ou nous dresser au côté des peuples libres ? La liberté a un prix. Il peut être celui du sang.
Refuser la guerre ne permet pas de l’éviter. Au contraire. Il n’est pas de pire incitation à la violence que de baisser les yeux ou de tourner les talons devant un agresseur. Plus notre résolution sera forte, plus il hésitera à se lancer dans une escalade dangereuse. Et si, dans sa folie, il choisissait la voie des armes, il faudrait être prêt à se battre avec acharnement, sans faiblesse, jusqu’à la victoire.
La guerre n’est pas drôle. Mais la défaite est pire.
Coup d’état de 2014 pour renverser un gouvernement élu démocratiquement. Mme Nulan et l’ambassadeur US à Kiev discutant au téléphone le futur gouvernement Ukrainien.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/652936/ukraine-appel-telephonique-diplomate-americaine-embarras-washington
Accords de Minsk signés par l’occident et jamais respectés afin de donnée le temps à l’Ukraine de se réarmer dixit Angela Merkel.
Poutine qui demande fin 2021 et début 2022 un accord de paix en Europe alors que l’OTAN refuse de parler avec la Russie.
Avril 2022 un accord est presque trouvé à Istanbul entre Ukrainien et Russe et c’est Boris Johnson premier ministre de sa gracieuse majesté qui va obliger les Ukrainiens à ne pas signer.
Et bien sûr ce sont les Russes qui veulent la guerre.
Notre économie ne s’est jamais remise du choc des subprimes en 2007-2008 les états sont endettés les politiques sont contestées de partout dans le monde, US, GB, Pays Bas, Nepal, Indonésie, Argentine … La barbarie refait surface.
Dans un tel contexte l’état pour préserver l’ordre social va rechercher la guerre, nous l’avons vu encore et encore au fil de la longue histoire de l’humanité.
Votre texte n’est que de la pure propagande je l’ai lu car pour justifier cette guerre qui arrive, de plus en plus de personne vont ânonner de telles inepties.
Une guerre pourquoi car ingagnable ni par les Russes ni par la France donc c’est juste pour tuer les gueux détruire les villes et annuler les dettes afin de préserver le système financier. La reconstruction permettra aussi de relancer l’économie.
Quel cynisme !!!!!