Certaines professions ne s’exercent que par vocation. Elles impliquent un engagement total et des renoncements. Le prêtre fait le deuil des plaisirs de la chair, même quand une paroissienne joliment décolletée lui confesse de ces choses qui éveillent le désir. Certains chutent. Ce sont des exceptions, mais ils font du mal à leur église, aux saints pasteurs qui poursuivent leur ministère dans les épreuves quotidiennes, aux paroissiens qui leur donnent leur confiance. Ils salissent ce pourquoi ils ont œuvré jusqu’alors.
Il en va de même du soldat. Il ne renonce pas aux caresses et aux baisers mais aux délices du militantisme partisan. Il ne s’engage pas qu’à donner sa vie si nécessaire, mais à servir la nation, toute la nation ; donc à subordonner ses croyances intimes à l’impératif de la neutralité publique.
La malheureuse affaire des tribunes de généraux du printemps dernier a fait beaucoup de mal. Quelques aventuriers ont réussi à entraîner des chefs respectés dans une affaire sans issue. Nous avons vu avec tristesse les rangs se diviser et la méfiance du pouvoir politique s’éveiller.
Il semblait au moins que la leçon avait porté. La tribune des « Militaires avec Zemmour » dans Valeurs Actuelles montre qu’il n’en est rien. Le texte en soi ne présente pas d’intérêt. Il montre que l’auteur a lu le Prince Eric dans sa jeunesse et qu’il a oublié de mûrir. Ce ne serait pas bien méchant s’il ne s’arrogeait le droit de soutenir publiquement une personnalité politique, quelle qu’elle soit, au nom d’un corps constitué qui ne lui a rien demandé.
Individuellement, tout citoyen est libre de penser et de voter librement. Mais la vertu du soldat tient au respect de son devoir de réserve. Il est au cœur du pacte de confiance entre la nation et son armée. L’enfreindre, c’est se renier soi-même et trahir à la fois nos concitoyens et la masse immense des soldats professionnels fidèles à tout ce qu’implique leur engagement.
Un militaire, retraité ou non, qui prétend parler au nom de l’armée dans le domaine politique, c’est comme un prêtre lubrique qui voudrait porter la parole des clercs. C’est grotesque et indécent. Il est grand temps que cela cesse.