Cette semaine a vu une audition du CEMA sur les missions intérieures .
Agression de Nice et antisémitisme
N’oublions pas en premier lieu l’agression contre nos soldats à Nice en début de semaine (Cf. Le Figaro, « Attentat à Nice du 3 février 2015 »), avec ce questionnement sur les ordres donnés à nos soldats. Certes, ils ont fait preuve d’un grand sang-froid, en maitrisant à mains nues semble-t-il le djihadiste puisque les armes n’ont pas été utilisées. Le FAMAS d’ailleurs est-il bien une arme appropriée ? Les armes de poing n’auraient-elles pas été plus adaptées au moins pour une partie de l’équipe de protection ?
Je réagirai aussi à cette tentative de récupération de la communauté juive de Nice sur l’objectif de l’agression. C’était bien les soldats qui étaient visés et non la communauté juive. La récupération de cet événement n’était pas une bonne idée. Elle était plutôt maladroite sinon contre-productive pour ceux qui ont entendu ces déclarations. Les menaces sur la communauté juive sont réelles comme l’attaque djihadiste l’a montré à Copenhague ce samedi mais la cible est avant tout notre société occidentale.
Quant à la mission des forces armées sur le territoire national, n’est-il pas temps aussi de se pencher sur la durée de la mission ? Dans son audition parlementaire (Cf. Audition du CEMA, 3 février 2015), le CEMA déclarait que la mission, en accord avec le président de la République, devait durer un mois, c’est-à-dire jusqu’au 15 février, car il n’était pas en mesure d’assurer la relève pour des unités pourtant déjà sur le terrain un mois d’affilée. Or ce vendredi 13, le ministre de la défense déclarait que la mission durerait tant que le besoin s’en ferait sentir.
Engagement sur le territoire national et condition militaire
Il est temps sans doute d’approcher aujourd’hui le coût de l’opération Sentinelle, prudemment non quantifiée ni quantifiable (surprenant d’ailleurs). Quelles seront les compensations accordées aux militaires déployés 24h/24, avec quel régime indemnitaire ? Ces questions ne sont pas abordées en général chez les militaires. Ils assurent la mission, ils en sont fiers. Il est certain (et chacun en est convaincu) qu’ils ne demanderont rien.
Cependant au nom de l’équité avec les forces de police, cela devra être abordé. Le coût comparé en homme/ jour, les horaires sur le terrain et leur compensation, devront être étudiés. Ces questions seront sans doute ignorées mais c’est le rôle des chefs militaires de les poser aujourd’hui. S’ils ne le font pas ou s’ils ne sont pas entendus, les associations professionnelles militaires qui seront imposées aux forces armées sauront le rappeler dans quelques mois au titre de la « condition militaire » dans des circonstances analogues.
Des effectifs trop peu nombreux au sein des Armées
Sur le plan opérationnel, le CEMA a rappelé son inquiétude devant la durée de l’opération Sentinelle. Avec ses 10 500 hommes mais seulement 321 réservistes, les armées assurent la protection de 800 postes sensibles non relevables sans conséquences aujourd’hui pour les autres missions mais « Si nous n’y prenons pas garde, nous ne pourrions bientôt ne plus être capables de remplir ces missions, tout en se posant la question suite aux crises actuelles des limites de la civilianisation et de l’externalisation ».
D’autres points qui ne sont pas anodins ont été évoqués. Il a exprimé son inquiétude devant la désertification militaire. Il a souligné avec justesse le rôle social de l’officier dans la construction de la nation. Une réforme de la réserve militaire est devenue une nécessité mais c’est un vieux serpent de mer.
Ces missions intérieures rappellent le rôle des armées dans la protection de la population française. Elles ont subi depuis le début de l’opération 370 incidents (Cf. Zone militaire). La publicité qui apparaissait depuis plusieurs mois discrètement sur le recrutement pour l’armée de terre de 10 000 hommes (quelle entreprise recrute autant aujourd’hui ?) avait pour slogan la protection de la population française. Prémonition qui s’affiche maintenant clairement sur les chaines de télévision dans la campagne de recrutement.
Les soldats sont l‘incarnation de l’Etat dans la protection qu’il procure à ses citoyens.