dimanche 21 juillet 2024

Missions intérieures : Anticiper (2)

Cette semaine a vu une audition du CEMA sur les missions intérieures .

Agression de Nice et antisémitisme

N’oublions pas en premier lieu l’agression contre nos soldats à Nice en début de semaine (Cf. Le Figaro, « Attentat à Nice du 3 février 2015 »), avec ce questionnement sur les ordres donnés à nos soldats. Certes, ils ont fait preuve d’un grand sang-froid, en maitrisant à mains nues semble-t-il le djihadiste puisque les armes n’ont pas été utilisées. Le FAMAS d’ailleurs est-il bien une arme appropriée ? Les armes de poing n’auraient-elles pas été plus adaptées au moins pour une partie de l’équipe de protection ?

Je réagirai aussi à cette tentative de récupération de la communauté juive de Nice sur l’objectif de l’agression. C’était bien les soldats qui étaient visés et non la communauté juive. La récupération de cet événement n’était pas une bonne idée. Elle était plutôt maladroite sinon contre-productive pour ceux qui ont entendu ces déclarations. Les menaces sur la communauté juive sont réelles comme l’attaque djihadiste l’a montré à Copenhague ce samedi mais la cible est avant tout notre société occidentale.

Quant à la mission des forces armées sur le territoire national, n’est-il pas temps aussi de se pencher sur la durée de la mission ? Dans son audition parlementaire (Cf. Audition du CEMA, 3 février 2015), le CEMA déclarait que la mission, en accord avec le président de la République, devait durer un mois, c’est-à-dire jusqu’au 15 février, car il n’était pas en mesure d’assurer la relève pour des unités pourtant déjà sur le terrain un mois d’affilée. Or ce vendredi 13, le ministre de la défense déclarait que la mission durerait tant que le besoin s’en ferait sentir.

Engagement sur le territoire national et condition militaire

Il est temps sans doute d’approcher aujourd’hui le coût de l’opération Sentinelle, prudemment non quantifiée ni quantifiable (surprenant d’ailleurs). Quelles seront les compensations accordées aux militaires déployés 24h/24, avec quel régime indemnitaire ? Ces questions ne sont pas abordées en général chez les militaires. Ils assurent la mission, ils en sont fiers. Il est certain (et chacun en est convaincu) qu’ils ne demanderont rien.

Cependant au nom de l’équité avec les forces de police, cela devra être abordé. Le coût comparé en homme/ jour, les horaires sur le terrain et leur compensation, devront être étudiés. Ces questions seront sans doute ignorées mais c’est le rôle des chefs militaires de les poser aujourd’hui. S’ils ne le font pas ou s’ils ne sont pas entendus, les associations professionnelles militaires qui seront imposées aux forces armées sauront le rappeler dans quelques mois au titre de la « condition militaire » dans des circonstances analogues.

Des effectifs trop peu nombreux au sein des Armées

Sur le plan opérationnel, le CEMA a rappelé son inquiétude devant la durée de l’opération Sentinelle. Avec ses 10 500 hommes mais seulement 321 réservistes, les armées assurent la protection de 800 postes sensibles non relevables sans conséquences aujourd’hui pour les autres missions mais « Si nous n’y prenons pas garde, nous ne pourrions bientôt ne plus être capables de remplir ces missions, tout en se posant la question suite aux crises actuelles des limites de la civilianisation et de l’externalisation ».

D’autres points qui ne sont pas anodins ont été évoqués. Il a exprimé son inquiétude devant la désertification militaire. Il a souligné avec justesse le rôle social de l’officier dans la construction de la nation. Une réforme de la réserve militaire est devenue une nécessité mais c’est un vieux serpent de mer.

Ces missions intérieures rappellent le rôle des armées dans la protection de la population française. Elles ont subi depuis le début de l’opération 370 incidents (Cf. Zone militaire). La publicité qui apparaissait depuis plusieurs mois discrètement sur le recrutement pour l’armée de terre de 10 000 hommes (quelle entreprise recrute autant aujourd’hui ?) avait pour slogan la protection de la population française. Prémonition qui s’affiche maintenant clairement sur les chaines de télévision dans la campagne de recrutement.

Les soldats sont l‘incarnation de l’Etat dans la protection qu’il procure à ses citoyens.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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