mardi 30 avril 2024

Offensive au Haut Karabakh : où va l’Azerbaïdjan (sur la carte) ?

Dans l’analyse du conflit qui ensanglante à nouveau le Haut Karabakh depuis deux semaines, beaucoup a été dit sur les objectifs politiques des uns et des autres, un peu moins sur les contraintes militaires opérationnelles et les objectifs probables de l’offensive azerbaïdjanaise [1]. Ce petit article se propose, en analysant quelques cartes en cours, de faire un peu de géographie et de prospective opérationnelle pour évaluer les objectifs et les options de l’offensive menée par Bakou.

La situation géopolitique est, on le sait, très complexe et souvent contre intuitive, avec des « fronts d’alliance » un peu bouleversés : l’Arménie, alliée de Moscou via l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), est à peine soutenue du bout des lèvres par le Kremlin, qui a passé près de dix jours dans un silence quasi complet. En revanche, Téhéran s’est montré beaucoup plus loquace dans son soutien à Erevan, n’hésitant pas à masser des forces blindées à sa frontière [2]. Dans l’affaire, l’Iran chiite soutient l’Arménie chrétienne contre l’Azerbaïdjan qui est un des très rares États à être également à majorité chiite. La Turquie, sunnite, joue un rôle essentiel dans le soutien à la remise en cause du statu quo par l’Azerbaïdjan : le pouvoir turc est à la fois « un membre de l’OTAN » et une « puissance en affirmation », menant des opérations tous azimuts en Libye, en Syrie, à Chypre, en mer Egée… Le président Erdogan, pour des raisons de politique intérieure et en particulier de fragilité électorale et de crise économique, est poussé à la fuite en avant nationaliste pour tenir les rênes d’un pouvoir de plus en plus contesté. Il a développé une relation très forte avec l’Azerbaïdjan turcophone (mais chiite), au point de qualifier celle-ci de « une nation en deux États » [3]. Le président turc a fourni quantité de drones aux Azerbaïdjanais, mais aussi des milliers de combattants syriens, mercenaires et/ou djihadistes [4]. Le « jeu du djihad » sunnite dans la région du Caucase est d’ailleurs un des risques indirects les plus saillants de ce conflit, qui pourrait entrainer une reprise djihadiste dans toute la région.

Comme si les choses n’étaient pas assez compliquées, Israël soutient activement l’Azerbaïdjan, notamment en raison de son hostilité à Téhéran. L’État hébreu a notamment fourni des missiles balistiques [5], des lance-roquettes avec armes à sous-munitions [6] ainsi que des drones-munitions très efficaces contre les blindés et les positions de missiles antiaériens [7].

On le voit, dans l’affaire les grilles de lecture « religieuses » des conflits sont complètement atomisées et il semble que l’on soit plutôt dans le retour des luttes de « sphères d’influence » chères au long XIXe siècle. Quant à l’Europe et notamment la France, elle se retrouve dans une position extrêmement difficile : étant plutôt « de cœur » liée à l’Arménie, notamment à travers le poids de l’histoire et de la diaspora, les Européens ont néanmoins développé des liens économiques forts avec l’Azerbaïdjan qui fournit à l’Union européenne des hydrocarbures importants dans sa stratégie de diversification des approvisionnements, pour moins dépendre des monarchies du Golfe ou de la Russie. En aparté on voit, une fois encore, à quel point la « sortie du pétrole » est pour l’Europe un impératif non seulement climatique mais aussi géopolitique : ne plus dépendre d’autrui, c’est aussi retrouver indépendance de ton et liberté de manœuvre.

Enfin, pour « couronner le tout », Washington est aux abonnés absents.

Alors que les diplomates sont à la manœuvre au sein du groupe de Minsk émanant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’offensive azerbaïdjanaise se poursuit, le fragile cessez-le-feu ayant été conclu à Moscou n’ayant pas tenu longtemps [8].

Mais où va cette offensive ?

On a un peu vite résumé l’offensive azerbaïdjanaise à une volonté de « reprendre » (ou « libérer ») le Haut Karabakh et les territoires azerbaïdjanais occupés de facto par l’Arménie depuis 1994. Mais cet objectif est sans doute moins important que celui de la création d’une continuité territoriale. En effet, il faut garder à l’esprit que l’Azerbaïdjan est un État « divisé en deux » : la province de Nakhitchevan est séparée du reste du pays par le territoire arménien (marz de Syunik). Cette division est un vieux « problème » pour l’État azerbaïdjanais, d’autant que le territoire iranien qui pourrait aider à former un « corridor » est plutôt hostile.

L’Azerbaïdjan, un pays divisé (en bleu, les territoires occupés par l’Arménie).

Sur le plan militaire, on parle beaucoup, depuis deux semaines, de l’usage massif des drones fournis par la Turquie et Israël à l’armée azerbaïdjanaise. On parle beaucoup moins de l’usage massif de l’artillerie et notamment des armes à sous-munitions [9]. L’usage des drones s’inscrit de fait dans un conflit de haute intensité entre deux États, qui mobilise l’ensemble du spectre des forces « conventionnelles ». Il s’agit là d’une situation qui s’apparente plus à celle du Donbass que de la Syrie : non pas un affrontement entre factions rivales d’une guerre civile dans le cadre d’un effondrement de l’État local, mais bien d’une vraie « guerre » mettant en œuvre des opérations combinées complexes, impliquant l’humble fantassin jusqu’au missile balistique, en passant par les forces blindées et aéroterrestres.

Or ce type de conflit, « conventionnel de haute intensité », ne répond pas aux mêmes caractéristiques que les opérations « asymétriques » qui nous ont beaucoup occupé des vingt dernières années. En particulier, il est très dépendant de la logistique (pour le carburant et les munitions, le maintien en condition opérationnelle des matériels et les rotations de personnel) et tend donc à éviter les zones trop compliquées sur le plan topographique (montagnes, forêts accidentées, marécages). Même si des « bandes armées » opèrent en terrain montagneux, l’Azerbaïdjan a choisi de faire porter son effort sur des axes « conventionnels » et cela est instructif à la fois sur les objectifs et sur les motivations de Bakou.

Situation géopolitique et axes logistiques (carte du Monde Diplomatique).

La carte ci-dessus, élaborée par le Monde Diplomatique en 2007, reste un outil très utile pour comprendre la situation sur le terrain, et notamment les zones en jeu et les axes de pénétration. Sur le plan logistique, il faut noter la rareté des axes de communication, qui dictent les modes d’opération : une voie ferrée qui va jusqu’à la capitale du Haut Karabakh, Stepanakert, et une autre qui longe la frontière iranienne dans la vallée de l’Araxe, le fleuve frontalier avec l’Iran.

La partie arménienne, qui a en théorie l’avantage des « voies de communication intérieures », se retrouve ainsi en position fragile : la grande majorité du ravitaillement et du matériel lourd arrive par la route, via l’axe Goris-Stepanakert. Un axe qui, depuis la semaine dernière, est encombré de réfugiés, puisque plus de 80 000 personnes ont quitté le Haut Karabakh et que l’exode continue [10]. On peut penser d’ailleurs qu’il s’agit d’une des principales motivations du bombardement de la capitale par l’Azerbaïdjan : mettre des dizaines de milliers de personnes sur les routes, au-delà de l’idée de « purification ethnique », revient en fait à saboter la logistique arménienne à peu de frais. Les images de l’Exode de mai-juin 1940 peuvent nous aider à comprendre le scénario qui voit, le long d’un unique axe de communication, des colonnes de réfugiés gêner les convois militaires.

L’Azerbaïdjan part de la « plaine » et se trouve au pied d’un socle montagneux difficile d’accès. Militairement, on est dans la situation classique d’une difficile attaque de position dominante : « qui tient le haut tient le bas ». La partie arménienne dispose d’un avantage militaire par sa domination des sommets qui lui permet de voir et de tirer loin, de pouvoir placer son artillerie à contre pente, d’avoir des positions de détection électromagnétique avantageuses et de défendre « par le haut » ce qui est toujours utile contre des forces blindées, vulnérables aux tirs de roquettes et missiles sur toiture. Le couvert boisé aide aussi au camouflage des forces, tout en compliquant encore un peu plus la tâche des blindés, mais aussi des drones. Les forces du Haut Karabakh maîtrisent leur terrain et sont redoutables dans les petites vallées montagnardes. Mais est-ce vraiment là que l’offensive se dirige ?

En comparant cette carte avec celle des zones occupées par l’armée azerbaïdjanaise depuis le début du conflit, que voit-on ?

Zones d’effort initial de l’armée azerbaïdjanaise (en rouge).

D’une part, l’essentiel de l’offensive a lieu non pas vers les territoires du Haut-Karabakh, mais dans des territoires azerbaïdjanais, occupés par l’Arménie (occupation dénoncée comme telle par le Conseil de sécurité des Nations unies). Il s’agit donc bien, en droit international, d’une forme de « libération », ce qui est bien plus défendable en cas de négociations.

Surtout, les offensives se concentrent (logiquement) le long d’axes de communication, sur un terrain propice aux forces mécanisées. Au nord, l’offensive la moins importante (diversion ?) part de Tartar en direction du lac Sarsang. Elle semble plutôt destinée à reprendre les contreforts orientés au nord, sans trop entrer dans les zones densément boisées.

L’offensive principale est indiscutablement menée en direction du sud et non du cœur du Haut-Karabakh, Stepanakert. Pour l’instant, l’armée azerbaïdjanaise ne semble pas avoir pour intention de marcher sur la capitale, pourtant proche de la frontière et exposée par un relief relativement propice à une offensive (mais située dans une cuvette – une géographie proche de celle de Sarajevo).

Si l’objectif était une « libération du Haut Karabakh », la poussée principale de l’offensive actuelle n’aurait pas grand sens : elle se contente de longer la frontière. Mais d’une part, c’est une offensive « plus facile » : la plaine de l’Araxe est propice au déploiement de forces mécanisées et de drones. Pas de couvert boisé, pas de pentes escarpées. Le flux logistique azerbaïdjanais arrive par train, ce qui est le cas le plus favorable pour un tempo soutenu des opérations (tant que les Arméniens ne parviennent pas à frapper les nœuds logistique).

D’autre part – surtout – c’est une offensive qui est bien orientée non pas pour « reprendre le Haut Karabakh », mais bien pour « créer la continuité territoriale » de l’Azerbaïdjan.

Pour l’heure, les forces situées au Nakhitchevan semblent rester dans une position d’attente. Mais dans le futur, elles pourraient constituer une « menace à revers » contre l’Arménie. Et ce, d’autant plus facilement que le territoire est directement relié à la Turquie par un étroit corridor le long de la vallée de l’Araxe. Ankara peut donc continuer de renforcer largement ce territoire dans l’attente d’un mouvement de « tenaille ».

Mon hypothèse est la suivante, en considérant que la création d’un corridor avec le Nakhitchevan est en fait un objectif prioritaire pour Bakou (voir carte ci-dessous) :

  1. Poursuite des opérations limitées au nord, dans l’espoir de fixer des forces arméniennes.
  2. Effort de diversion éventuel vers Stepanakert, qui est une « cible politique », non avec l’idée de prendre la ville, mais de forcer la partie arménienne à la défendre. Y engager quelques djihadistes pourrait permettre de marquer un « coup » en limitant les pertes azerbaidjanaises et en fixant l’opinion internationale.
  3. Poursuite des bombardements des zones urbaines, pour forcer un maximum de réfugiés à encombrer les routes arméniennes.
  4. Effort principal le long de la vallée de l’Araxe, au sud. L’ensemble du territoire, jusqu’à la frontière arménienne, est légalement azerbaïdjanais et peut être revendiqué comme « libéré » devant les Nations unies.
  5. Effort secondaire d’opportunité (si la percée se poursuit bien) vers Goris, en entrant de manière limitée au Haut-Karabakh. Cet axe a le mérite de couvrir l’offensive principale et de menacer l’axe de ravitaillement de Stepanakert, ce qui pourrait être critique, en hiver notamment.
Prospective opérationnelle des mouvements azerbaïdjanais (en ligne continue les mouvements exécutés, en pointillés les mouvements prospectifs) – carte générée par l’auteur via MilitaryMap – https://www.map.army/.

Parvenues à la frontière avec l’État national arménien, les forces azerbaïdjanaises seraient à la « croisée des chemins ». Si elles cherchent à faire leur jonction le long de la vallée de l’Araxe pour couper l’Iran de l’Arménie et restaurer leur propre continuité territoriale, elles prennent le risque de violer la souveraineté de l’Arménie. C’est la ligne rouge que vient de réaffirmer Vladimir Poutine. On a beaucoup insisté sur le fait que le président russe considérait que le Haut Karabach n’était pas couvert par le pacte de l’OTSC. Mais il a aussi (surtout ?) rappelé que la Russie honorerait ses obligations au titre du pacte : une agression directe sur le sol arménien verrait l’intervention russe via le traité de l’OTSC [11]. Bakou ne peut se le permettre. Gageons que personne (pas même la Turquie) n’a envie d’une confrontation avec la Russie, surtout vu les succès et la modernisation des forces russes ces dernières années. Bakou, selon sa position plus ou moins forte et notamment le chantage « humanitaire » sur Stepanakert, pourrait même arracher une « internationalisation » du corridor de l’Araxe, ce qui serait déjà une immense victoire.

En revanche, c’est là que le risque djihadiste propagé par l’arrivée des combattants syriens amenés par le président Erdogan (notamment au Nakhitchevan) prend tout son sens : par nature difficiles à contrôler, ils pourraient être tentés de mener une opération plus ou moins bien contrôlée par Bakou et Ankara en territoire arménien. Les conséquences seraient alors incalculables et l’effet domino potentiel important.

On le voit, cette rapide analyse montre que la situation opérationnelle est, comme dans tout conflit de haute intensité, dictée par les lois de la logistique plus que par n’importe quelle considération politique (ou même religieuse). À l’aulne de leurs mouvements, le premier souci des forces de l’Azerbaïdjan ne semble pas être de « libérer », « occuper » ou « reprendre » le Haut-Karabagh. Il semble plutôt sur les buts soient d’une part de se concentrer sur des territoires « indiscutablement » azerbaïdjanais et d’autre part de profiter de l’alliance turque pour avancer vers une connexion avec le Nakhitchevan.

C’est en gardant ces objectifs à l’esprit que les négociations doivent être menées, notamment en maintenant des lignes « rouges » au regard du droit international : aucune violation du territoire national arménien d’une part, et retrait immédiat des mercenaires djihadistes d’autre part, car ils constituent un élément « asymétrique », « instable » et potentiellement délétère pour toute la région.

Stéphane AUDRAND


NOTES : 

[1] « Azéri » est un adjectif ethno-linguistique. « Azerbaïdjanais » est l’adjectif national consacré.

[2] https://bulgarianmilitary.com/2020/10/05/iran-is-sending-at-least-200-tanks-to-its-border-with-armenia-and-azerbaijan/

[3] https://repairfuture.net/index.php/fr/l-identite-point-de-vue-de-turquie/turquie-azerbaidjan-une-seule-nation-deux-etats

[4] https://www.france24.com/fr/20201002-haut-karabakh-des-mercenaires-syriens-soutenus-par-la-turquie-%C3%A9paulent-l-azerba%C3%AFdjan

[5] https://www.thedrive.com/the-war-zone/36877/video-points-to-azerbaijans-first-use-of-israeli-made-ballistic-missile-against-armenia

[6] https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/10/armenia-azerbaijan-civilians-must-be-protected-from-use-of-banned-cluster-bombs/

[7] https://www.defenseworld.net/news/27485/Armenian_Military_Reveals_Downed_Israel_Built_Azerbaijani_Drones#.X4QiJu3grRY

[8] https://fr.euronews.com/2020/10/10/haut-karabakh-azerbaidjan-et-armenie-s-accordent-sur-un-cessez-le-feu

[9] https://www.forbes.com/sites/sebastienroblin/2020/10/07/rockets-cluster-munitions-and-missiles-rain-down-on-armenian-and-azerbaijani-civilians/

[10] https://pressfrom.info/uk/news/world/us-news/-486608-refugees-from-karabakh-are-flocking-to-armenia.html

[11] https://www.themoscowtimes.com/2020/10/07/russias-security-guarantees-for-armenia-dont-extend-to-karabakh-putin-says-a71687

Stéphane AUDRAND
Stéphane AUDRAND
Stéphane AUDRAND est consultant indépendant spécialiste de la maîtrise des risques en secteurs sensibles. Titulaire de masters d’Histoire et de Sécurité Internationale des universités de Lyon II et Grenoble, il est officier de réserve dans la Marine depuis 2002. Il a rejoint l'équipe rédactionnelle de THEATRUM BELLI en décembre 2019.
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2 Commentaires

  1. Merci pour cet article.
    De tout ce que j’ai pu lire sur le sujet, c’est le plus synthétique tout en étant détaillé.
    Je vous fais confiance pour vos sources, mais pour la carte:
    « Zones d’effort initial de l’armée azerbaïdjanaise (en rouge). »
    chapeau pour les infos car dans le domaine « public »
    je ne les ai jamais trouvé
    (je ne suis pas trop « battu », il est vrai)
    Encore merci

  2. Il me semble que cette guerre ne peut avoir une solution politique. Donc pas de trêve. Je m’explique, nous vivons un autre ordre mondial qui consiste à ce qu’ils existent plusieurs intervenants et qui ne sont pas prêts à se retirer. Cette guerre ressemble aux autres dans le passé mais aussi au guerres futures et je pense à l’Algérie vs Maroc ou les deux discours politiques sont de même tonalité à savoir les tambours de guerre résonnent de plus en plus fort et des minorités comme les berbères encouragent cette guerre civile transfrontalière qui donnerait naissance à une guerre encore plus atroce que la guerre Arménie vs Azerbaïdjan qui est encore à ses débuts et font personne ne peut donner les contours de ce nouvel ordre mondial qui me semble la jungle ;le plus faible est écrasé devant les coalition qui se forment du jour au lendemain. Sommes-nous devant une guerre mondiale où le nucléaire aura son mot à dire…

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