Ce jeudi 26 janvier 2012 soir, la rédaction de la revue « Défense Nationale » (RDN) avait organisé un forum sur les publications militaires. Vaste programme qui avait surtout pour but de montrer leur état sinistré, de la RDN en particulier, et donc à terme de la pensée stratégique issue de la communauté de défense.
Comme je l’avais évoqué dans mon post précédent, la RDN peine à trouver l’équilibre financier. Or, actuellement c’est la seule publication, certes aidée partiellement par l’institution militaire qui, avec une équipe réduite, diffuse la pensée stratégique issue de la communauté de défense. De fait, cette unique revue sur la pensée stratégique au sein de la défense est en voie de disparition en partie en raison d’une impression peut-être austère, d’une relative concurrence de la société civile aussi (mais doit-on laisser seulement celle-ci réfléchir sur les questions stratégiques et militaires), sûrement d’un manque de volonté à promouvoir l’initiative dans la pensée stratégique dans la communauté de défense.
Bien que l’on puisse parfois en douter, il est vrai que les questions stratégiques notamment militaires sont abordées dans notre société mais avec une place peu significative. Si l’on se réfère au dernier classement du 20 janvier 2012 sur les think tanks mondiaux existant dans tous les domaines, seule l’IFRI qui ne traite pas régulièrement des questions stratégiques est citée… à la douzième place sur 50 centres de recherche non américains. Aucun think tank français n’est retenu parmi les 30 premiers centres mondiaux. Quid de la fondation pour la recherche stratégique, de l’institut de recherche stratégique de l’école militaire (certes existant depuis moins deux ans), pour quelles publications influentes, pour finalement quel rayonnement et quelle influence de notre pensée stratégique ?
La question que je peux poser est donc celle de l’utilité d’une telle revue. Avons-nous besoin au sein du ministère de la défense d’une revue sur les questions stratégiques qui les abordent notamment dans leur partie militaire ? Ma réponse est affirmative sans ambigüité avec les orientations possibles suivantes.
- Organe de publication non adossé à un centre de recherche du ministère de la défense. RDN devrait être l’organe d’expression aujourd’hui des instituts de recherche du ministère de la défense des centres de l’enseignement militaire supérieur (centre des hautes études militaires et Ecole de guerre), du CICDE. Les talents existent, les idées et la pensée militaire aussi. Centraliser les réflexions, orienter les travaux, les diffuser dans la société civile et la société militaire semblerait un choix pertinent.
- La liberté d’expression, condition élémentaire de la construction de la pensée stratégique, doit naturellement être au cœur de la réflexion et de l’écriture, pas pour critiquer mais pour construire.
- Techniquement, l’ensemble des publications militaires doit être accessible par un portail unique comme cela a été proposé le 26 janvier à bon escient. Les revues visent en effet chacune une cible différente : armée, catégorie de personnel … Il faut permettre ce partage de l’accès à la connaissance en fonction d’un intérêt qui varie avec l’âge, le grade ; la formation, le parcours professionnel, les responsabilités. La RDN a déjà cette base de connaissances partagée avec l’ensemble des articles publiés depuis plus de trois ans, à titre payant, qui ont été mis en ligne mais est-ce suffisant ? L’accès à un format « papier » sous la forme d’une revue me semble tout aussi nécessaire. Lire un article de fond sur un écran n’est pas à mon sens un exercice bien facile.
- Pour favoriser la diffusion de la pensée stratégique, une lettre stratégique préparant les dossiers de la RDN devrait être assurée mais ce travail de synthèse et de réflexion appelle la contribution de personnels et donc un coût.
- En terme de rayonnement de la pensée stratégique émise par la communauté de défense, elle doit aussi pouvoir se faire en langue anglaise justement pour ne pas laisser notamment au monde anglo-saxon la primauté des idées. Le CICDE par exemple traduit une grande partie de sa production doctrinale et la met en ligne mais cela ne représente qu’un des niveaux de la pensée stratégique.