Ce mercredi 19 septembre était une journée marquante. Elle m’a aussi marqué par les informations paradoxales diffusées sur l’islam dans le monde et en France. La question posée est bien celle de sa place au sein de notre société démocratique et de sa cohabitation avec nos libertés, notamment individuelles. C’est aussi le débat sur la laïcité et indirectement sur sa place au sein des armées, symbole finalement d’un aspect de la cohésion nationale.
Ce mercredi 19 septembre donc, Charlie Hebdo usait de sa liberté d’expression pour caricaturer le prophète Mahomet. Ce n’était sans doute pas le bon moment mais aujourd’hui aucun moment n’est le bon, compte tenu de la diffusion mondiale de toute information.
Ce même jour, le président de la République commémorait aux Invalides la mémoire des Français assassinés par des terroristes, comme c’est le cas annuellement depuis l’attentat libyen qui a détruit un DC-10 d’UTA le 19 septembre 1989.
Ce même jour, Latifa Ibn Ziaten, mère d’un sous-officier parachutiste assassiné par Mohammed Merad témoignait sur les deux principales chaînes nationales d’information, non seulement de sa peine mais aussi de ses inquiétudes face à des jeunes Français faisant de ce terroriste un héros. Mère à la dignité exemplaire elle a témoigné de son chagrin de mère de confession musulmane de cinq enfants élevés en France « au nom de la République laïque », comme le rapporte une dépêche AFP reprise par une partie de la presse écrite dont le Point et le Monde (voir cependant aussi sur OPEX.com les commentaires de l’époque qui méritent quelques réflexions concernant le soutien donné aux familles des militaires assassinés).
Ce même jour, des appels à manifestation en France contre les caricatures mais aussi contre un film débile, qui, sans internet, n’aurait pas existé, étaient diffusés par les réseaux sociaux alors que le ministre de l’intérieur interdisait ces mêmes manifestations. Une vingtaine d’ambassades ou de lycées français à l’étranger sont depuis temporairement fermés. En même temps, à l’étranger, se poursuivent les manifestations contre l’Occident et surtout contre les Etats-Unis, sans oublier l’assassinat de l’ambassadeur américain en Libye la semaine dernière… alors que la journée commémorative de ce 19 septembre a été créée en mémoire d’un acte terroriste libyen, paradoxe calendaire de l’histoire.
Alors ne devons-nous pas nous interroger : l’islam ne serait-il pas devenu une menace pour la sécurité nationale sinon la sécurité internationale ? Par ses éléments radicaux, il devient en effet un facteur de division et de haine qui ne connaît ni les frontières ni les limites à ses débordements au nom d’une religion instrumentalisée, sans doute mal comprise par une partie de ceux qui la pratiquent, dans tous les cas, de moins en moins comprise par ceux qui n’y appartiennent pas. Cela s’explique en partie par le recours à la violence de ces radicaux qui est devenue la règle pour répondre à celui qui ne respecte pas les règles de l’Islam (dont la signification est sauf erreur « soumission à Dieu »)… y compris à l’extérieur des pays musulmans.
La religion musulmane confirme donc qu’elle est toujours une religion politique qui veut imposer des lois religieuses à des pouvoirs laïques. Elle apparaît de plus en plus comme un facteur de troubles intérieurs si on la laisse faire, ce qui n’a pas été le cas, et de troubles internationaux dans lesquels nos troupes peuvent être engagées. En effet, combien de pays en guerre ou en trouble intérieur aujourd’hui sont-ils confrontés à une opposition islamique ? N’est-il pas temps de donner un signal fort à ces expressions de haine auxquelles l’Occident répond peu, sinon en « baissant les yeux », c’est-à-dire en affirmant calmement et fermement nos valeurs que d’ailleurs beaucoup de Français de confession musulmane partagent. Je rappellerai toutefois que plus de 50% des musulmans en France ne sont pas citoyens français si l’on croise les quelques informations de la presse sur le sujet, ce qui implique un autre débat sur le poids des groupes de pression non français sur notre politique intérieure.
Je ne m’hasarderai certes pas à donner une solution en quelques lignes sur un sujet finalement bien complexe mais qui devient une ligne de clivage, sinon de fracture dans nos sociétés occidentales laïques. Outre la référence à nos libertés constitutionnelles, je ferai simplement référence à la pratique de la laïcité en France (même si, par certains aspects, elle me paraît parfois par ses outrances bien « laicarde »). Les armées, expression de l’engagement individuel apporté à la communauté nationale par le service des armes, sont une expression de cette laïcité qui se comprend comme « vivre et combattre ensemble » pour la même cause.
Or cette laïcité est peu présente dans nos réflexions militaires hormis par une lettre pastorale en février 2011 de l’évêque aux armées, peu convaincante à mon avis. Le débat au sein des armées se porte avant tout sur la conciliation de la foi et du service des armes, ce qui est loin d’être incohérent pour des acteurs de la violence maîtrisée mais est-ce aujourd’hui le fond du problème compte tenu du faible nombre de croyants apparents dans les armées (Cf. Inflexions, revue de l’armée de terre, dossier « Les dieux et les armes », La Documentation Française, juillet 2008) ?
J’ai découvert cependant ce 19 septembre Tour d’Horizon, une revue de réflexion de l’armée de l’air destinée aux officiers de l’enseignement militaire supérieur. Diffusé récemment, ce dossier traite avec intelligence et clarté de la laïcité sous trois aspects : les fondements de la laïcité, l’exercice de la laïcité, renouveler la laïcité. En effet, celle-ci s’apprend et se réfléchit par un travail sur soi et au contact des autres.
Pour les armées, elle est donc aujourd’hui une nécessité pour préserver l’unité au service de tous. Elle favorise sa résilience qui pourrait être mise à mal par les troubles et les débats passionnés de la société civile. Son application raisonnable et comprise peut aussi représenter une force pour la cohésion de nos armées au service des armes de la France en raison d’un recrutement de plus en plus diversifié. Elle peut constituer enfin un exemple, en général réussi, à méditer pour la société civile. Il s’agit bien d’éviter l’éclatement de la communauté nationale en raison des tendances communautaristes grandissantes qui, par le jeu démocratique, peuvent être favorisées par différentes dérogations aux règles du « vivre ensemble ». Cette tolérance, mal appliquée, peut devenir à terme une faiblesse.