Au seuil de l’hiver 1774, le jeune Louis XVI, monté sur le trône sept mois plus tôt, promulgue une ordonnance qui s’inscrit dans la vaste entreprise de redressement de la marine française. Le 26 décembre, le souverain signe un texte royal portant création de cent compagnies de fusiliers regroupées en un corps unique, baptisé Corps royal d’Infanterie de la Marine.
Cette réforme s’inscrit dans un contexte particulier. La France panse encore les plaies de la désastreuse guerre de Sept Ans qui s’est achevée en 1763 par le traité de Paris, synonyme d’humiliation navale face à la Royal Navy britannique. Le nouveau roi, passionné par les questions maritimes et animé d’une volonté de restaurer la puissance navale française, confie la direction du ministère de la Marine à Antoine de Sartine, qui devient l’architecte d’une profonde modernisation.
L’ordonnance du 26 décembre ne constitue pas une création ex nihilo. Elle représente plutôt une nouvelle étape dans une série de réorganisations successives des troupes de marine. Cinq ans auparavant, en décembre 1769, avait été constitué le Corps royal d’artillerie et d’infanterie de la marine, organisé en brigades. Puis, en février 1772, une ordonnance royale avait transformé cette structure en Corps royal de marine, divisé en 8 régiments portant les noms des principaux ports du royaume : Brest, Toulon, Rochefort, Marseille, Bayonne, Saint-Malo, Bordeaux et Le Havre.
La décision de 1774 bouleverse cet agencement. Les 8 régiments sont dissous et remplacés par cent compagnies de fusiliers directement rattachées à un corps unique. Cette centralisation traduit une volonté de rationalisation et d’uniformisation du commandement. Les fusiliers de la marine, soldats d’élite destinés tant au service à bord des vaisseaux qu’à la défense des arsenaux et des comptoirs coloniaux, voient ainsi leur organisation simplifiée et leur chaîne de commandement clarifiée.
Cette réforme du 26 décembre s’accompagne de trois autres ordonnances royales publiées le même jour, témoignant d’une réflexion d’ensemble sur l’organisation des forces navales et militaires du royaume. L’ensemble de ces textes vise à optimiser l’efficacité des troupes coloniales et métropolitaines tout en réduisant certaines dépenses jugées superflues dans un contexte budgétaire tendu.
Le Corps royal d’Infanterie de la Marine ainsi créé ne connaîtra toutefois qu’une existence relativement brève. Douze ans plus tard, en 1786, une nouvelle réorganisation donnera naissance au Corps royal des canonniers matelots, regroupant 81 compagnies et marquant une nouvelle évolution dans la conception des troupes de marine.
Cette ordonnance de décembre 1774 illustre néanmoins la détermination de Louis XVI et de son ministre à préparer la marine française aux défis qui l’attendent. Dans moins de deux ans, la France entrera dans la guerre d’Indépendance américaine aux côtés des insurgés, offrant enfin au royaume l’occasion d’une revanche navale sur l’Angleterre. Les fusiliers du Corps royal d’Infanterie de la Marine participeront à cette aventure militaire qui permettra à la flotte française de retrouver son rang parmi les grandes puissances maritimes.

En 1774, les fusiliers du Corps royal d’Infanterie de la Marine étaient principalement armés du fusil d’infanterie modèle 1763 (et ses variantes 1766 et 1770), l’arme réglementaire de l’époque.
Il s’agissait d’un fusil à silex à chargement par la bouche, présentant les spécifications suivantes :
- Calibre : 17,5 à 18 mm
- Canon lisse (sans rayures internes) d’environ 113 cm
- Longueur totale : environ 150 cm
- Poids : autour de 4,5 kg
- Système d’allumage : platine à silex avec bassinet
- Crosse : en noyer, dite « pied de vache »
- Garnitures : en fer
- Baïonnette : à douille, portant la longueur totale à près de 2 mètres lorsqu’elle était fixée
Ces fusils étaient fabriqués dans les manufactures royales de Charleville, Saint-Étienne et Maubeuge.
La même année 1774 voit l’introduction d’un nouveau modèle (le fusil modèle 1774), mais sa production reste limitée à environ 70 000 exemplaires. Ce n’est qu’en 1777 que l’ingénieur Gribeauval concevra le célèbre fusil modèle 1777, qui deviendra l’arme standardisée de l’armée française et sera massivement employé pendant la guerre d’Indépendance américaine, la Révolution et les guerres napoléoniennes.
Le fusil à silex de cette époque, bien que moins précis qu’une arme rayée, constituait une arme robuste et fiable pour les tactiques de l’infanterie du XVIIIe siècle, basées sur le tir de salve en ligne.








