jeudi 6 février 2025

3-4 janvier 1885 : Bataille de Nui Bop (guerre franco-chinoise)

Après les succès français de Lam (6 octobre), Kép (8 octobre) et Chũ (10 et 11 octobre), les forces chinoises se retirent vers Dong Song, tandis que de Négrier consolide ses positions avancées à Kép et Chu, menaçant l’arrière-garde de l’armée du Guangxi à Lạng Sơn. Chũ se trouve à quelques kilomètres au sud-ouest de Dong Song, et le 16 décembre 1884, un important détachement chinois a tendu une embuscade à deux compagnies de la Légion étrangère à l’est de Chũ, à Ha Ho. Les légionnaires ont combattu pour échapper à l’encerclement chinois, mais ont subi de lourdes pertes et ont dû laisser leurs morts sur le champ de bataille. De Négrier a rapidement envoyé des renforts et a poursuivi les Chinois, qui se sont finalement repliés vers Dong Song.

L’incident de Ha Ho a été la première indication d’un mouvement significatif en cours. Une semaine après cet engagement, une force de 12 000 soldats chinois a établi une position sur la colline conique de Nui Bop, à 18 km de Chũ, et commencé à ériger un grand camp fortifié. Cette force, commandée par Wang Debang, l’un des généraux les plus compétents de l’armée du Guangxi, avait précédemment défait une colonne française en juin 1884 à Bac Le.

Les soldats chinois, affamés, pillaient les villages environnants à la recherche de nourriture, suscitant la haine de la population tonkinoise. Le 23 décembre, les habitants de Lien Son se sont rendus au quartier général français de Chũ pour informer le lieutenant-colonel Donnier de la présence d’une importante force chinoise autour de Nui Bop.

Les Français ne pouvaient tolérer l’installation d’une armée de 12 000 Chinois à Nui Bop, trop près de leur base principale de Chũ et menaçant le flanc du corps expéditionnaire prévu pour Lạng Sơn. Brière de l’Isle a renforcé la garnison de Chũ à la fin décembre, et au début janvier 1885, de Négrier a reçu l’ordre de prendre l’initiative contre les Chinois.

La colonne de De Négrier se composait d’un bataillon d’infanterie de marine sous le commandement du chef de bataillon Mahias, du bataillon de turcos de Mibielle et de deux compagnies de fusiliers tonkinois. Elle incluait également les bataillons 111e et 143e de ligne (Lieutenant-Colonel Herbinger) ainsi que les batteries de Jourdy et de Saxcé.

3 JANVIER

Oscar de Négrier (1839-1913). En 1884, il lança la célèbre apostrophe : « Vous autres légionnaires, vous êtes soldats pour mourir et je vous envoie où l’on meurt ! »

La colonne est partie de Chũ à 06 h 00, et le premier gué a été franchi dès 08 h 00. Le deuxième gué, à Dao Be, s’est révélé plus difficile et la colonne ne sera regroupée qu’à 16 heures. Pendant la traversée, Mahias, à la tête de son avant-garde, s’est dirigé vers Phong Cot et a engagé le combat avec les défenses chinoises.

La colonne française progresse en contact en trois lignes. La première ligne se compose du bataillon de Mahias, des tirailleurs tonkinois et de la batterie de Jourdy. La deuxième ligne est constituée des bataillons du 111e et du 143e de ligne, accompagnés de la batterie de Saxcé. Le 3e bataillon de tirailleurs algériens de De Mibielle occupe la troisième ligne. L’artillerie française se positionne sur une colline à droite de la route et commence à tirer sur les Chinois. De Négrier donne ses instructions pour l’assaut. L’infanterie de marine doit attaquer le bois frontalement, tandis que le bataillon du 143e est chargé de s’emparer des collines à droite afin de flanquer les positions ennemies et de repousser l’aile gauche chinoise dans la vallée de Phong Cot. Le bataillon du 111e ainsi que les tirailleurs algériens de De Mibielle restent en réserve près de l’artillerie.

Avec trois des quatre compagnies de son bataillon, Mahias conquiert le bois, gardant la quatrième en réserve. Pendant ce temps, les tirailleurs tonkinois se positionnent à sa droite, en liaison avec le bataillon du 143e. Les ennemis se replient rapidement sur une petite colline derrière le bois, sous le feu de la compagnie du capitaine Salles. Dans son élan, Salles, à la tête des trois autres compagnies de son bataillon, subit des tirs venant des deux côtés de la vallée de Phong Cot, occupée par les forces chinoises. Pour dégager la compagnie de Salles, l’artillerie change de cible, tandis que le reste du bataillon de Mahias et le bataillon du 143e attaquent de chaque côté pour repousser les flancs ennemis. Salles se retire dans le bois, et le bataillon d’infanterie de marine, reformé, renforce ses positions sur le terrain conquis.

Alors que l’avant-garde française chasse les Chinois des collines entourant Phong Cot, le reste de la colonne de Négrier continue de progresser vers le Luc Nam. À la tombée de la nuit, l’ensemble de la colonne française est en position au sud de Phong Cot.

Pour tirer parti de la désorganisation chinoise, juste avant minuit, de Négrier donne ordre à Herbinger d’avancer et d’occuper le village de Phong Cot. La prise des collines voisines par les Français a rendu la situation intenable pour les Chinois, qui l’ont évacué sous le couvert de l’obscurité. Herbinger ne rencontre aucune résistance et le bataillon du 111e de Faure s’établit dans le village. Faure place trois des quatre compagnies du bataillon à l’intérieur de Phong Cot et celle de Verdier en position avancée au-delà du village.

4 JANVIER

À l’aube du 4 janvier, les forces chinoises lancent une contre-offensive déterminée pour tenter de reprendre Phong Cot, soutenues par l’artillerie du fort de l’Ouest. En quelques minutes, les assaillants ont encerclé la compagnie de Verdier, située en position avancée et isolée. Un jeune soldat, Meffret, réussit à traverser prudemment les lignes chinoises et atteignit Phong Cot, où il remit le message de Verdier demandant de l’aide au lieutenant-colonel Herbinger.

Sous-estimant le danger, Herbinger n’envoya qu’une seule section du bataillon du 111e depuis Phong Cot. Heureusement pour Verdier, d’autres officiers sur le terrain saisissaient mieux la gravité de la situation. Le capitaine Tailland, dont la compagnie d’infanterie de marine était placée sur une colline à l’ouest de Phong Cot, réalisa que la compagnie de Verdier serait détruite sans un secours immédiat. Sans attendre d’ordres, il partit à la rescousse avec ses hommes. À ce moment, les soldats de Verdier, étant acculés par les Chinois, reçurent l’ordre de charger pour se dégager. Bien que Verdier fut blessé en menant l’assaut, son attaque audacieuse prit les Chinois par surprise. Pendant qu’ils se replient et se regroupent, les marsouins de Tailland atteignent le flanc gauche de Verdier et se rangent aux côtés de ses hommes. Les deux compagnies françaises, reprenant leur souffle, se reforment, contre-attaquent et repoussent les Chinois.

Les Chinois ne tentèrent pas de reprendre l’offensive. De Négrier s’avança vers les hauteurs tenues par l’infanterie de marine et identifia les positions chinoises. La principale ligne de défense chinoise était constituée d’une tranchée entre Phong Cot et la rivière Siou Nien, protégeant la route reliant Lien Son à Cao Say. Cette tranchée était flanquée de deux forts situés sur un terrain surélevé (fort Ouest et fort Est). Derrière la rivière Siou Nien, sur les pentes inférieures du massif de Nui Bop, se trouvaient plusieurs forts chinois.

Dans la matinée du 4 janvier, de Négrier entreprend plusieurs offensives afin de repousser l’ennemi de ses positions. Le premier objectif des forces françaises était un fort situé sur une colline derrière le village de Tay Toun, à proximité des lignes de l’infanterie de marine. Le bataillon de Mahias attaque et s’empare de ce fort sans difficulté. À sa droite, le bataillon du 111e, tirant parti de la confusion dans les rangs chinois provoquée par la contre-attaque de Verdier, progresse vers les principales lignes ennemies. Le bataillon charge à la baïonnette, repoussant les défenseurs avec aisance. La section du lieutenant de Colomb se dirige alors vers une redoute chinoise protégée par plusieurs centaines d’hommes. Si une tentative pour prendre cette position avait été faite, des pertes importantes auraient probablement été subies. Cependant, la rivière étant trop profonde à cet endroit, la section doit interrompre son avancée.

Parallèlement, le bataillon du 143e et les tirailleurs algériens reçoivent l’ordre de contourner le flanc ennemi. L’artillerie française engage le feu sur le flanc des positions adverses, celles-ci étant orientées vers le sud en direction de Chu. À 11 h 15, tout le camp retranché était sous le contrôle des Français, qui prenaient possession de deux batteries d’artillerie Krupp abandonnées ainsi que de grandes quantités de fusils, vêtements, tentes et nourriture. Plusieurs drapeaux chinois ont également été capturés, ainsi qu’un certain nombre de mules et de chevaux.

BILAN

Les pertes françaises se sont révélées relativement modérées : 19 morts et 63 blessés. Les Chinois ont abandonné 600 corps lors de leur retraite, et leurs pertes totales ont certainement été bien supérieures à ce chiffre. Un certain nombre de soldats chinois ont été capturés par les Français à Nui Bop et ont ensuite été interrogés sur leurs connaissances concernant l’ordre de bataille de l’armée du Guangxi. Ces hommes ont été libérés à la fin de la guerre.

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