Né le 7 février 1905 à Tours, à l’École normale supérieure, Nizan se lie d’amitié avec Sartre. Ce dernier était son condisciple. L’émulation entre les deux jeunes gens, du même âge à six mois près, tous deux sont nés en 1905, était forte. Paul Nizan était le plus précoce. Il écrivait dans des revues et a publié des livres avant Sartre. 1931 pour lui, 1938 pour Sartre. Si bien qu’il a pu le recommander à un éditeur. À sa mort, c’est Sartre qui est venu à son secours. Il a préfacé une réédition du premier livre de ce Nizan qui l’avait aidé à publier le sien, et a souvent parlé de lui. Jusqu’à sa mort, la notoriété de Sartre n’a cessé de grandir, ce qui a permis à Nizan de rester sous les projecteurs même après son décès.
Le roman de Nizan qui sera plus tard réédité par Sartre, Aden Arabie est partial, fataliste et altier comme un littéraire peut l’être à 26 ans, comme Musset l’avait été dans La Confession d’un enfant du siècle. Livres de jeunes hommes très cultivés, nourris à la culture la plus sérieuse, et qui ne peuvent que concevoir un mépris sans partage envers la bassesse du monde.
Ces livres sont aussi des coups de pied permettant d’entrer dans le monde littéraire, si fermé. Les deux premières phrases d’Aden Arabie sont ce coup de pied, ce coup de trompette, ce coup d’éclat : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Elles ont été tellement connues qu’on s’est souvent contenté de le citer en s’exclamant, pour passer à autre chose. On ne relève pas la majesté littéraire de certaines phrases, comme : « Dans les eaux de Malte rôdent des croiseurs britanniques ; les coups de canon des écoles à feu ouvrent de profondes cavernes dans le grand silence architectural du ciel. » Il est très dangereux pour un écrivain de devenir un lieu commun : cela rend célèbre, mais rien de plus. Nizan était trop intègre pour céder là-dessus. Il n’a pas eu la vulgarité de vouloir devenir célèbre, il a voulu penser.
En 1939, son dernier ouvrage Chronique de Septembre démonte les mécanismes des négociations entre Hitler, Daladier, Chamberlain et Mussolini, qui aboutissent aux Accords de Munich et au démantèlement de la Tchécoslovaquie. Le pacte germano-soviétique entre Staline et Hitler le surprend en vacances à Ajaccio. Il rentre aussitôt à Paris, impatient de connaître la position du Parti, qui approuve le pacte. Fidèle à lui-même et à ses convictions anti-fascistes, Nizan démissionne publiquement du PCF en septembre 1939.
Mobilisé, il continue de militer sur le front, discutant fougueusement sa position avec ses camarades. Affecté à Lille comme interprète de l’armée anglaise, il est tué le 23 mai 1940 lors de l’attaque des Allemands sur Dunkerque. Il est inhumé dans la nécropole nationale La Targette, à Neuville-Saint-Vaast.
IN MEMORIAM – Paul NIZAN, écrivain philosophe (mort au combat le 23 mai 1940)

M&O 287 de juin 2025
