samedi 11 janvier 2025

Brexit et défense

Comment ne pas évoquer le Brexit qui a l’avantage de clarifier la position du Royaume-Uni en Europe, venue à elle quand elle en avait besoin après une opposition persistante du général de Gaulle qui connaissait bien les Britanniques, quittant l’Europe après en avoir profité et estimant qu’elle ne gagnerait pas plus en y restant.

Beaucoup sont chagrinés de ce départ. Les incertitudes sont grandes mais au moins « le changement, c’est maintenant » pour une fois et c’est une opportunité pour construire différemment une Europe qui nous a déçus.

En voulant effacer la notion de souveraineté nationale par des moyens insidieux, en organisant le rejet des identités nationales et donc des peuples, en voulant imposer une immigration extérieure de fait de plus en plus incontrôlable, ce qui en fait une raison majeure du rejet de l’Union européenne par les peuples, en privilégiant une élite instruite dans les mêmes écoles et aspirée aux postes les plus hauts pour gouverner les peuples, la fracture est en grande partie consommée.

Le réveil des peuples est bien présent. Il pourra certes être habillé de termes stigmatisant comme « populiste », comme être qualifié de symbole du « repli sur soi », rien ne pourra l’arrêter. Prendre en main sa destinée est légitime. Cela n’est ni du populisme, ni un repli sur soi. Au contraire, c’est assumer ses responsabilités sans laisser à d’autres le soin de les prendre en son nom, parait-il pour son bien.

Les deux préoccupations majeures des peuples européens sont l’emploi et la sécurité. Pour la première préoccupation, si la solution existait aujourd’hui, je pense qu’elle serait mise en œuvre. Reste la préoccupation sécuritaire. Comme toujours, il est curieux de voir que le remède à la nouvelle crise européenne serait le retour à une défense européenne. Je crois rêver. Effectivement, seule la défense, dont on a vu ce que l’Europe en a fait jusqu’à présent, pourrait être le fondement du renouveau européen… puisque les questions du chômage et donc de l’emploi ne trouvent pas de solutions immédiates.

Les politiques ont usé et abusé de la défense commune pour faire croire à l’existence de l’Union européenne. La défense ne suscite pas de contestation sociale (les militaires ne manifestent pas) et donne l’impression que l’Europe avance. Une tromperie de plus : hier le corps européen, un état-major sans troupe, puis l’imposture des « battle groups » incapables d’être projetés, des budgets de la défense en décroissance permanente jusqu’à la menace récente russe et pas vraiment celle des salafistes djihadistes, menace essentiellement traitée par la France. En Europe, nous n’avons même pas les mêmes ennemis.

Je m’imagine qu’il a été demandé aux cabinets des ministres de la défense de trouver avant les réunions à venir  des idées à mettre en œuvre pour « montrer » que l’Union européenne avait compris les préoccupations des peuples. Certes, les peuples sont inquiets pour leur sécurité qui s’exprime d’abord face à l’immigration illégale mais ils attendent surtout une sécurité économique et des emplois que la mondialisation imposée n’a pas donnés.

J’ai cependant été frappé par cette inquiétude dramatisée exprimée par Jacques Attali dans le Monde du 24 juin 2016. Effectivement, l’Europe a été faite pour garantir la paix sur notre continent mais qu’a-t-elle fait pour rendre cette paix crédible ? Pas grand-chose hormis de grandes déclarations martiales, des références aux valeurs qui semblent bien s’exercer contre les peuples européens, des atermoiements devant toute opération militaire, la baisse constante des budgets de la défense malgré une léger sursaut cette année.

Jacques Attali craint néanmoins une troisième guerre mondiale en  2025-2030, donc dans dix ans. Il n’exprime pas quelle menace peut justifier une telle inquiétude. En revanche, que personne n’assurera notre sécurité collective, c’est bien vraisemblable. Faut-il cependant se fier aux forces armées européennes alors que seule l’OTAN permet une défense collective efficace ?

Certes Jacques Attali propose un financement original de l’Europe de la sécurité et de la défense qui serait financée par des euro-obligations. L’union des peuples pour se protéger pourrait être aussi « la prochaine étape de la construction européenne ». Pourquoi pas mais pourquoi pas avant ? Depuis la création de l’Europe, peut-on donc lui faire confiance pour protéger les peuples ? Non.

Le premier devoir d’un Etat digne de ce nom, et l’Union européenne n’est heureusement pas un Etat, est d’être capable de protéger seul sa population et son territoire sans attendre l’aide des alliés éventuels, sinon le bon vouloir des 27. Les coopérations renforcées et bilatérales, par exemple avec les Britanniques devront rester la règle pour que nous ne soyons pas dépendants des aléas européens que ce soit en terme de sécurité ou simplement de fonctionnement de l’Union européenne.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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