Les goums, regroupés en tabors, ont été parmi les meilleures compagnies de l’armée d’Afrique. Après la campagne d’Italie, ces redoutables troupes marocaines débarquent en Provence et sont lancées dans la bataille pour Marseille.
Le 15 août 1944, les trois groupes de tabors marocains, cantonnés dans les villages du sud de la Corse depuis leur retour de l’île d’Elbe ou leur arrivée d’Italie et destinés à participer au débarquement en Provence, sont réunis sur les plages longeant la baie d’Ajaccio.
Au début, tout va bien, les Marocains restent aux emplacements assignés ; puis, énervés par la longueur de l’attente, ils ne cessent de s’agiter, de se déplacer, et les cadres éprouvent beaucoup de mal à maintenir un semblant de discipline. Si l’affectation des renforts aux différentes unités entraîne une certaine confusion, un grand désordre suit la distribution d’accessoires américains (les uns gratuits, les autres remboursables), tels que pipes, tabac, cigarettes, articles de caoutchouc, peignes, brosses à dents, miroirs de poche, poudre pour les pieds, poudre contre les poux, etc. Bien vite la crème à raser sert à barbouiller le visage du voisin et les rouleaux de papier hygiénique sont irrésistiblement transformés en serpentins, alors que les rations K et les boîtes U allouées pour les prochains jours sont absorbées sans discernement.
La visite inopinée du général Guillaume provoque un apaisement momentané. Il tient à s’entretenir avec les montagnards dans leur dialecte, pour leur plus grande satisfaction.
Le 17 août, les formations sont fractionnées « par bateau » et dirigées vers les « Allées ». A partir de là, le mouvement va s’accélérer. Il faut se conformer au planning, la marine américaine se souciant de conduire les opérations avec ponctualité.
Le 18 août au soir, l’embarquement s’effectue, sans incident, à bord de LST, mais aussi sur des paquebots comme le Prince Baudouin, de l’armement belge, et le Prince Henry, battant pavillon canadien.
Les goumiers, se jugeant « grands capables » en matière maritime, font preuve d’assurance sans pour autant abandonner leur joviale turbulence. Ils sont partout où ils ne doivent pas être : dans les cuisines, dans les postes réservés aux équipages, sur les plates-formes de DCA. Ils ouvrent les vannes des pompes à incendie ; les plus malins font même fonctionner les extincteurs, dont la mousse blanche se répand sur le pont. Les marins alliés sont d’abord amusés puis agacés, et un commandant de navire va confier au chef d’état-major avoir eu souvent à transporter des passagers facétieux, mais comme ceux-là jamais !
Avec l’aube, la côte se dessine au loin ; les goumiers, bien qu’ayant peu dormi, sont bien réveillés, sentant venir les affaires sérieuses : groupés autour des gradés français, ils guettent à la dérobée sur leur visage des signes d’émotion.
Le débarquement s’effectue à Cavalaire, Saint-Tropez, la Nartelle, Beauvallon et autres plages du Var.
Les documents remis au départ laissent prévoir un emploi des tabors dans les Maures et l’Esterel, mais l’ennemi a déjà entamé un vaste mouvement de repli et les troupes américaines motorisées ont dépassé Draguignan.
Le groupement Leblanc reçoit l’ordre de nettoyer le massif de la Sainte-Baume, puis de foncer sur Marseille en contournant la ville par le nord, de manière à l’attaquer par l’ouest. Le général de Lattre décide — ce à quoi les Allemands ne s’attendent pas — son investissement avant même la chute de Toulon.
Le général Sudre gomme facilement plusieurs systèmes défensifs, mais, le 20 août au soir, ne peut pénétrer dans Aubagne, protégée par un dense réseau de mines et par des armes antichars. Son infanterie, composée de zouaves, ne se sent pas suffisamment forte pour débloquer à elle seule la situation. Le 2e GTM se voit confier cette mission. Les deux éléments de l’unité, formés des 1er et 15e tabors, aux ordres du colonel Boyer de Latour, et du 6e tabor, conduit par le colonel Edon, sont déposés en camions non loin de l’agglomération. Ils doivent la contourner : le 1er tabor, débordant les zouaves, exercera sa pression par le sud-ouest et le 15e tabor par le nord.
A 13 heures le 21 août, l’action démarre sur un terrain où abondent les jardinets, les vignes et les vergers, clôturés de haies ou de grillages métalliques.
Le 74e goum se dirige vers la gare et le 47e doit atteindre la ville, après avoir forcé les défenses des Boyers et des Sollans. Le 39e est en réserve.
Les premières positions opposées aux goumiers du capitaine Méheut plient facilement ; mais d’autres, plus resserrées, sont fermement tenues. Les engins du tabor ne parviennent pas à leur imposer silence. Le 47e goum infléchit sa marche vers la droite et le PC du tabor qui le suit se trouve agressé vigoureusement par un élément ennemi. On en arrive vite au corps à corps ; le jet des grenades se mêle aux rafales des pistolets-mitrailleurs.
Les officiers, les sous-officiers, les ordonnances, les plantons se battent furieusement, de même que les brancardiers et le personnel des transmissions. La mêlée devient effrayante, l’adjudant-chef Dulard, sur le point d’être abattu par deux soldats allemands — son revolver s’étant enrayé —, est sauvé par le caporal radio Michel, qui abat ses adversaires à bout portant. On voit même un serveur de la popote, Ou Mana, s’emparer de la seule arme dont il peut disposer, une pelle-bêche avec laquelle il tue un adversaire d’un coup en pleine tête. La section de mortiers se précipite au secours de ses camarades, provoquant le repli des assaillants : 19 d’entre eux restent sur le terrain et les 10 hommes faits prisonniers sont en plus ou moins bon état.
Le 47e goum a beaucoup souffert. L’adjudant-chef Leblanc et l’adjudant Mercier, arrivés avec le renfort sur la plage d’Ajaccio, sont tués dès leur premier combat.
Une patrouille réussit à s’infiltrer entre les positions, bouscule un fort parti allemand et capture plusieurs soldats ennemis. Le commandant Hubert, estimant l’attaque de la ville possible, lance le 39e goum, soutenu par les deux autres, en direction des premières maisons. La lutte est chaude et une section, audacieusement engagée, est décimée. Six hommes sont tués dont le moqqadem Ali Ou Mohamed, gradé chevronné et exemplaire. L’entrée dans Aubagne, d’abord prudente, homme par homme, s’effectue asssez vite en masse, provoquant l’enthousiasme des habitants. Près du cimetière, une tentative pour détruire une résistance pourvue d’artillerie est stoppée malgré l’assistance fournie par les Sherman du 2e régiment de cuirassiers. Le goum et le PC s’organisent en point d’appui fermé, et toute la nuit essuient un harcèlement qui leur cause des dommages ainsi qu’aux Aubaniens.
Les autres goums, le 47e et le 74e, pénètrent seulement le lendemain dans la cité libérée : plusieurs batteries sont neutralisées non sans peine, les servants et les goumiers sont contraints de se fusiller littéralement par-dessus les clôtures.
Un coup de main de nuit finit par aérer la position. Dans le même temps, le 1er tabor a entamé un mouvement depuis le sud et, dès 14 heures, le 3e goum se heurte à une défense farouche. Il est très vite bloqué, puis pratiquement disloqué. Son chef, le capitaine Chapelard, est mortellement atteint ainsi que le lieutenant Huguet. Il s’ensuit un flottement parmi les supplétifs.
Une section, celle de l’adjudant Buisson, est complètement encerclée. Elle sollicite de l’aide : on lui en enverra dès que possible, mais il lui est recommandé de ne pas tenter de rejoindre le gros ; déplacement dangereux et sans portée tactique.
Le goum se replie sur le PC du tabor, et le commandant Meric ordonne de tenir sans envisager le moindre repli ; ses hommes sont pourtant l’objet d’un tir de « minen » à cadence accélérée. Le tir à peine terminé, des Allemands se dressent à quelques dizaines de mètres et attaquent au pistolet-mitrailleur et la grenade. Deux d’entre eux sont éliminés par l’adjudant Le Tonnelier, qui sera grièvement blessé par la suite. Les 59e et 60e goums, soutenus par des chars, font pression à gauche : fructueuse manœuvre dont l’effet immédiat est de rompre l’encerclement de la section Buisson. Sur ce champ de bataille, les dépouilles des officiers du 58e goum sont retrouvées : des Allemands et des Marocains gisent presque les uns contre les autres. Mouloud, l’agent de liaison, toujours prêt pour les tâches les plus audacieuses, mourant complètement défiguré, demande à être reconduit dans son douar ; El Kabir, soldat intrépide, expire dans d’affreuses souffrances, les deux jambes broyées ; le sergent-chef Clenet est là aussi, sans vie ; un Allemand agonise sur une clôture grillagée ; le capitaine Litas, déjà touché par un éclat d’obus au cou — en relevant ses blessés et ses morts —, est atteint d’une décharge qui lui sera fatale.
A la nuit, le colonel Boyer de Latour s’installe avec le 6e tabor sur les collines dominant la route Aubagne-Marseille. Le 1er GTM a dépassé la Sainte-Baume vidée d’Allemands : les derniers se sont rendus aux FFI dont l’action, déclenchée au moment du débarquement, s’est révélée efficace.
Les blindés de la 1ère DB sont immobilisés devant Peypin et Cadolive. Les hommes du colonel Leblanc doivent faire sauter ces verrous. L’attaque se produit le 22 août, à 15 heures.
Le 65e goum, suivi des 4e et 101e du 3e tabor du colonel de Colbert, appuie l’action du CC2 du colonel Kientz sur la RN8 lois, au moment où les 12e et 63e du 12e tabor, commandés par le chef de bataillon Leboiteux, enlèvent les hauteurs surplombant la chaussée aux abords de Peypin. En fin de journée, le 12e goum, dont le chef, le capitaine Gilbain, a été grièvement blessé, atteint le sud de Cadolive et le 64e goum ratisse les environs immédiats.
Aux abords de Fabregoules, le 2e tabor du commandant Roussel contraint les survivants du 934e régiment d’infanterie du colonel Westphal à mettre bas les armes en dépit de leur opiniâtreté. Le 1er bataillon de ce régiment essaie d’enrayer l’avance du 2e GTM : il ne peut pourtant l’empêcher de rejoindre les limites du camp de Carpiagne. Le long de la côte, le 10e tabor du commandant Boulet-Desbareau refoule les opposants et entre successivement à La Ciotat et à Cassis. Le déferlement des troupes françaises porte un rude coup au plan de couverture de Marseille conçu par le général Schaefer. La perte d’Aubagne, trop rapide à son gré, le conduit aux conclusions les plus pessimistes, aggravées chaque jour par l’impossibilité où il se trouve d’exercer son commandement, les liaisons étant devenues impraticables.
L’étau se resserre autour des protections immédiates de Marseille. Au sud, les 10e et 17e tabors et de forts éléments du 9e du 3e GMT traversent l’ensemble rocheux de la Gardiole pour enlever, le 25 août, Montredon et les châteaux de Nantes et de Guise. Des combats de rues résolument conduits leur permettent d’occuper le Redon, Mazargues, et Vieille- Chapelle où le 17e tabor est un moment arrêté par un ennemi bien retranché. Les goumiers du colonel Massiet du Biest s’activent vers Bonneveine, le mont Rose et l’Escalette pour obliger les défenseurs du fort Napoléon à hisser le drapeau blanc aux premières heures du 28 août.
Le 2e GTM arrive, quoique contrarié par de puissantes contre-attaques, à mettre la main sur Saint- Marcel et Saint-Cyr. Le 15e tabor s’établit à la Pomme, tandis que les autres obtiennent la reddition du commandant de la zone sud, le général Boje, avec son PC et un matériel considérable. Le 25 août, le 2e GTM est au rond-point du Prado et procède méthodiquement à l’encerclement du parc Borelli et de l’hippodrome, confiés au bataillon de réserve allemand. Ces deux positions sont défendues énergiquement, pourtant elles cèdent le jour suivant.
Le 27 août, le 2e GTM contrôle le quartier de l’Endoume, les Malmousques et la caserne d’Audéoud. Il se glisse jusqu’au Vieux-Port et soumet le fort Saint-Nicolas à ses feux, croisés avec ceux du 3e RTA.
Dès le 23 août, des tirailleurs algériens et des cuirassiers campent sur la Canebière et le général de Monsabert est conduit par des FFI au quartier général de la XVe région militaire, où le général Guillaume vient le retrouver.
Une situation étrange se crée : les éléments français ayant pénétré en ville sont entourés par des forces plus nombreuses et très supérieures en moyens de feu. Le 1er GTM doit faire appel à toutes ses ressources pour dominer les lignes allemandes de la périphérie nord. Les champs de mines posent des problèmes aux assaillants, et des opérations sont montées pour écarter ce danger. Le 2e tabor atteint le Moulin-du-Diable ; le 3e va renforcer les tirailleurs du 7e, aux prises avec des Allemands résolus et bien protégés dans le fort de Foresta ; et le 12e tabor arrache de haute lutte le château de la Nerthe défendu avec non moins de fermeté. Le lendemain, les trois tabors exercent une forte pression sur Septèmes et cherchent à percer par Saint-Antoine en direction de la mer, provoquant l’évacuation des blockhaus du Moulin-du-Diable.
26 août, dès l’aube, la manœuvre d’encerclement « Tante Rose » se poursuit. Les goumiers éprouvent des difficultés pour surmonter les résistances, le capitaine de Boisanger engage les sections Serin, Larousse et Frugier du 65e goum. Quelques Allemands sont faits prisonniers, mais le combat ne diminue pas d’intensité. Des tranchées ennemies part « feu d’enfer » ; dans le village où les assaillants ont beaucoup de peine à pénétrer, des grenades à manche sont lancées par paquets. Elles sont expédiées des toits, des fenêtres, de la moindre embraye, par-dessus les murs. De Boisanger, suivi de son ordonnance, se porte en avant : tous deux sont immédiatement abattus ; quatre goumiers veulent secourir leur officier, ils sont successivement blessés. Plus tard, le sergent-major La Fleur des Poids pourra, avec quelques volontaires, ramener le corps du capitaine. Le lieutenant Lammens, qui a pris le commandement du goum, reçoit, au début de l’après-midi, l’ordre de se replier sur la lisière d’un bois, épreuve nécessaire mats pleine de risques : les Allemands ne cessent de pilonner la position au mortier, tout en gardant bien de donner l’assaut, le glacis n’offrant aucune dissimulation.
Le 63e goum Salvy attaque en direction de la Marinière. La section Lecuyer, en pointe, est soudainement stoppée par un feu nourri provenant d’une tranchée dont les occupants obéissent à une action de retardement. En effet, peu après ils essaient de se réfugier dans le faubourg. Le tir des Marocains les conduit à regagner prestement leur abri. Plusieurs tentatives ayant abouti au même insuccès, ils optent pour un stratagème bien éculé : ils agitent un drapeau blanc portant une croix rouge. Les goumiers s’en laissent pas conter et soulignent leur incrédulité de rafales de leurs armes automatiques. Le drapeau reparaît dès que le tir cesse. Ce manège se poursuit jusqu’au moment où le chef de section fait taire les siens, leur demandant d’attendre une nouvelle sortie des occupants afin de se rendre compte de l’état de leurs blessures. C’est sans étonnement qu’ils voient un groupe détaler en direction de l’agglomération. La rapide intervention des trois fusils-mitrailleurs contraint les fuyards à se plaquer au sol pour un long moment.
Une autre résistance beaucoup plus solide se dévoile sous la forme d’une ligne de blockhaus, dont chaque élément fait l’objet d’un siège en règle. L’un d’eux, bien défilé, est d’une approche hasardeuse. L’adjudant-chef Lecuyer demande au moqqadem Lahssen, baroudeur confirmé, d’essayer de le réduire. Celui-ci choisit, pour l’accompagner dans cette impossible aventure, trois camarades marmoucha. Tous les quatre, ils réussissent, en faisant preuve d’une habileté et d’une témérité incroyables, à pénétrer dans l’ouvrage et à vider avec promptitude les chargeurs de leurs pistolets-mitrailleurs, tuant 14 défenseurs et blessant les autres. Un peu plus loin, un jeune moqqadem du 62e, qui étrenne ses galons gagnés en Italie, Mimoun Ou Kaci, est mortellement blessé au moment où il se portait seul, grenades en mains, à l’attaque d’un blockhaus. Il meurt le 27 août à l’hôpital de Saint-Zacharie. Il était l’exemple presque insolent du courage.
L’artillerie allemande ne ménage pas les tabors jusqu’au moment où le 4e goum, le capitaine de Combarieu en tête, réussit l’exploit d’anéantir la batterie de 75 mm d’Ensuès et celle du Niolon avec ses pièces de 220 mm établies sous bunker.
Dans l’après-midi, alors que l’on se mitraille à faible distance, un jeune garçon en tenue « feldgrau » sans arme, son casque à la main, se précipite vers nos lignes, escorté de rafales allemandes, en hurlant : « Ne tirez pas… je suis Alsacien. »
Non seulement le jeune déserteur de la Wehrmacht se rend à ses compatriotes, mais encore il entend les aider sur-le-champ. Monté sur un char, ne s’étant pas même donné la peine de changer d’uniforme, il le dirige vers les points d’appui où servent ses anciens camarades dont il connaît les emplacements.
Le poste radio du tabor intercepte une communication. Comme elle est en » clair », on peut se faire une idée du potentiel de combativité encore offert par les assiégés :
— Envoyez G., ou le moral des hommes pourrait s’en ressentir. Demandez à l’île de se montrer plus active… La venue des sous-marins est-elle confirmée ?… Les hommes sont anxieux et commencent à ne plus croire à l’évacuation… Ils ont une grande confiance dans l’artillerie de l’île. Si elle tombait, tout espoir disparaîtrait… Quelles sont les nouvelles ?
Le PC de la 244e division allemande se veut rassurant :
— Pas de changement ou presque… Le fort tient toujours, de même que la caserne et les installations portuaires. En résumé, peu de pertes. L’envoi des sous-marins est confirmé… Pour G., impossible pour le moment… Faites au mieux… Les Français sont peu nombreux et n’ont pas de moyens… Pour relever le moral de la troupe et l’engager à résister, insistez sur la présence devant elle des Marocains en manteaux qui tuent les prisonniers…
A 17 heures, deux blessés allemands tenant un drapeau blanc se présentent devant les lignes françaises. Ils apportent un message du colonel von Hanstein à son homologue français, sollicitant une ambulance pour évacuer des blessés graves, ceux- ci ne pouvant pas recevoir de soins par manque de praticiens et de médicaments.
Le colonel Leblanc envoie au point prévu un véhicule sanitaire et son secrétaire, le sergent-major Siret. Plusieurs va-et-vient sont exécutés le jour même et le lendemain, permettant ainsi à une cinquantaine de soldats ennemis d’être dirigés en ambulances vers les hôpitaux de l’arrière.
L’avance reprend avec l’aide de Sherman et de tanks destroyers. Dans la journée du 27 août, le Verduron, dernier bastion de la résistance du secteur nord, est conquis. Les Allemands luttent avec l’énergie du désespoir, et capitulent seulement après avoir rendu inutilisables leurs armes lourdes. Le 28 août, sur le Vieux-Port, à 8 heures, le général Schaefer remet son épée au général de Monsabert.
Le 29 août, les hommes « couleur d’écorce », selon l’expression d’Edmonde Charles-Roux, défilent dans la cité phocéenne avec leurs compagnons de la 3e division d’infanterie algérienne et de la 1ère division blindée. Les goumiers participent ainsi à la joie populaire de la France, nation protectrice et alliée.
La violence des goums a fait merveille contre les combattants ennemis, Par contre, au fil de leur progression en Italie et en Allemagne, les Marocains feront cruellement souffrir les populations civiles laissées sans défense.
Les goums (1908-1956)
Créés par le général d’Amade, qui avait observé en Tunisie tout l’intérêt des troupes supplétives. Les goums, venus du Sud algérien avec le corps expéditionnaire, en étaient la preuve visible.
Le 1er novembre 1908, dans son ordre n° 100, le commandant en chef des troupes débarquées à Casablanca fixait les règles, la composition et l’utilisation des forces auxiliaires : les goums, les cavaliers du Guich et les cavaliers de tribus. Les goums constituaient l’élément le plus homogène des nouvelles formations. Les cavaliers du Guich devaient devenir plus tard les Mokhaznis, collaborateurs immédiats des chefs de bureau des A.I., les Affaires indigènes.
Les cavaliers de tribus formeront les harkas. Les uns et les autres rendront les meilleurs services tout au long de la pacification et, par la suite, au protectorat puis au Makhzen. Une circulaire de la même année commandait le recrutement régional : elle indiquait que les goumiers devaient vivre avec leurs familles, groupés dans des douars à proximité des postes.
Etablis à la limite de la dissidence, ils appliquent la politique de la tache d’huile du maréchal Lyautey. Ils opéreront groupés pour la première fois en 1911, sous les ordres du commandant Simon, pour concourir à la délivrance du sultan Abd El Aziz, enfermé dans Fez par les tribus rebelles. Après avoir joué un rôle important dans la guerre de 1939 à 1945, les goumiers vont se battre avec vaillance en Indochine, tant dans le Delta qu’en haute région. Notamment sur la RC 4. Ils participeront à des opérations de police en Algérie, avant d’être transférés aux forces armées royales du Maroc.
Général Guillaume (1895 – 1983)
Augustin Guillaume, fils d’un médecin de Guillestre, dans les Hautes-Alpes, entre à Saint-Cyr en novembre 1913 et en sort le 31 juillet 1914. Il appartient à la promotion « La Croix du Drapeau ». Affecté au 16e BCP, il est engagé sur l’Yser, où il est fait prisonnier. Au camp de Neisse, il est le compagnon du capitaine de Gaulle. Après la Victoire, il exécute une mission à l’armée d’Orient puis gagne le Maroc, où il passera la plus grande partie de sa carrière. L’admirateur de la montagne est séduit par l’Atlas et par les populations berbères. Il s’éloigne du Maghreb pour être attaché militaire adjoint à Belgrade et pour suivre les cours de l’École de guerre. 1939 le trouve à l’état-major de l’Inspection des troupes d’Afrique du Nord.
L’année suivante, il prend la direction des Affaires politiques à Rabat et organise le camouflage des goums. Ils sont prêts pour la reprise des hostilités. En janvier 1943, il se voit confier un sous-secteur dans les Abruzzes. A partir du Garigliano, il commande les goums jusqu’à Rome et à Sienne. C’est à la tête de ses fidèles qu’il débarque en Provence et enlève Marseille avec le général de Monsabert. Lorsque celui-ci est nommé général de corps d’armée, il prend le commandement de la 3e DIA. Avec elle, il participe aux dures campagnes des Vosges, d’Alsace, sauve Strasbourg menacé au début de janvier 1944, puis entre en Allemagne où il sera commandant en chef après un séjour à Moscou comme attaché militaire. Il est, de 1951 à 1954, résident général au Maroc.
Nommé chef d’état-major général des forces armées, il démissionne en 1956. Rentré à Guillestre, il en sera maire, continuant à s’intéresser à ses anciens camarades marocains et français.
>> Biographie plus complète sur le général Guillaume
Les goumiers pendant la Seconde Guerre mondiale
En 1940, dès la déclaration de guerre de l’Italie, deux groupes de supplétifs marocains sont envoyés dans le Sud tunisien. Ils sont rejoints par quatre « fezza ». Un de ces groupes de partisans effectuera un coup de main exemplaire sur un poste frontière ennemi. Rentrés au Maroc, les goums s’organisent en vue de la Revanche. Quelques semaines après le débarquement américain en Afrique du Nord, deux groupes de tabors marocains, le 1er du commandant Leblanc et le 2e du commandant Boyer de Latour opèrent en Tunisie. Les goumiers font preuve d’un allant et d’un courage qui impressionnent les Alliés : ainsi le général Patton demande qu’un tabor (ce sera le 4e du capitaine Verlet) lui soit affecté pour la campagne de Sicile. Il y représentera l’armée française.
Le 2e GTM entre dans la composition du corps de débarquement en Corse, de même que les commandos du colonel Gambiez ; comme eux, ils seront joints à la 9e DIC pour conquérir l’île d’Elbe.
Le 4e GTM, successivement confié aux colonels Soulard et Gauthier, puis le 3e GTM, entraîné par le colonel Massiet du Biest, sont engagés dans la rude campagne d’hiver dans les Abruzzes. Rejoints par le 1er GTM, ils se lancent avec les forces amies à l’assaut de Rome. En juillet 1944, ils s’emparent de Sienne et terminent leur action en Italie par cette belle victoire.
Les 1 er, 2e et 3e GTM débarquent en août en Provence et, avec des éléments de la 3e DIA, libèrent Marseille. Il se battent ensuite dans les Alpes, les Vosges, l’Alsace. Ils sont avec le général Guillaume, qui les conduit depuis Vénafro, pour préserver Strasbourg d’une offensive allemande.
Le 4e GTM, avec son nouveau chef le colonel Parlange, vient prendre la place du 3e, rappelé au Maroc. Avec les autres GTM, il franchit le Rhin à Spire : début d’une campagne qui se terminera dans le Tyrol pour les uns et par la prise de Stuttgart pour les autres.
Structure des goums :
• Groupe de tabors marocains (GTM) : de la valeur d’un régiment, est formé de trois (tabors, d’un goum de commandement et de son état-major, soit environ 2 500 hommes, gradés français compris. Il dispose de 150 chevaux et de 400 mulets (les chevaux ont été renvoyés au Maroc après la campagne d’Italie).
• Tabor : correspond à un bataillon. Il comprend 4 goums dont un de commandement et d’engins, soit 700 hommes, gradés français compris, 40 chevaux et 120 mulets.
• Goum : des unités portant ce nom existaient en Afrique du Nord avant même la venue des Turcs. Le goum équivaut à une compagnie, soit 170 hommes, gradés marocains compris, deux officiers et huit sous-officiers. Il se décompose de la façon suivante : 1 groupe de commandement, 1 groupe de mitrailleuses, 3 sections d’infanterie, 30 muletiers. Il dispose de 10 chevaux et de 30 mulets.
Grades :
• Melazem : correspond à adjudant — ce grade était utilisé dans les mehalla chérifiennes.
• Moqqadem aouel : premier moqqadem, correspond au grade de sergent-chef.
• Moqqadem : correspond à sergent. Ce nom est un titre makhzen. Il est réservé à un chef de douar ou à un adjoint de cheikh.
• Maoun : correspond au grade de caporal.
Costume traditionnel du goumier
Khiout : coiffure constituée par un écheveau de laine brune.
Djellàba : manteau de couleur uniforme depuis le début de la campagne d’Italie; avant, les goums avaient des djellàba de couleurs différentes, de fabrication locale. Talghéouine : bas de laine grossière couvrant la jambe depuis la cheville jusqu’au genou.
Nail : chaussures à lanières.
Équipement au combat
Le goumier portait le casque de modèle anglais, le ceinturon de toile américain avec bretelles de suspension et cartouchières, une musette française. Il disposait du fusil américain Garant de 7,5 mm ou du pistolet-mitrailleur Thomson. Il avait aussi le poignard d’assaut américain. L’armement collectif comprenait des FM français modèle 24/29 de 7,5 mm, des mitrailleuses américaines de 7,5 mm et des mortiers de 60 mm et de 81 mm.