vendredi 6 décembre 2024

Chronique des blindés : Le Mark IV « Deborah » du Cambrai Tank 1917

Le Cambrai Tank 1917 est un centre d’interprétation sur la bataille de Cambrai qui a ouvert ses portes à Flesquières en mars 2018. Il conserve en son sein le tank Mark IV « Deborah 51 », l’un des 476 chars engagés lors de la bataille de Cambrai en novembre et décembre 1917. L’association du tank de Flesquières a été créée en 1998 pour préserver et valoriser le char « Deborah », qui est classé depuis le 14 septembre 1999 « monument historique ». (propos recueillis par Camille Harlé-Vargas)

 

Comment avez-vous procédé pour retrouver la trace de ce char ? 

Par le biais d’un témoignage, Philippe Gorczynski le découvreur de « Deborah », a été mis sur les traces d’un char qui aurait été enterré après la fin de la guerre dans le village. Avec cet élément comme point de départ, un travail de recherche a été ensuite effectué à l’aide de photos, d’archives et d’autres témoignages pour retrouver le char. L’étude des photos aériennes a permis l’observation de plusieurs cratères et d’épaves de chars sur le secteur. Grâce à cette piste, des repérages aériens purent être effectués avec des photographies en infrarouge de l’emplacement supposé du char. Ces recherches ont porté leurs fruits, les photos ont permis d’attester de la présence d’une importante masse métallique sous la terre. 

 

Par quels moyens avez-vous extrait « Deborah » de terre ?  

L’emplacement du char désormais repéré, il faut maintenant l’« exhumer ». Le chantier se déroule sous la supervision de Yves Desfossés du SRA et Alain Jacques du service archéologiques d’Arras ainsi qu’en la présence de Philippe Gorczynski. Ces travaux s’avèrent délicat, notamment à cause de la présence de munitions non-explosées sur le terrain. Le 5 novembre 1998, les premiers éléments de la carcasse du char voient le jour pour la première fois depuis de nombreuses années.

Le char est dégagé à l’aide d’une grue et il est entièrement sorti de terre le 20 novembre, jour du 81e anniversaire du début de la bataille.

 

Connaissez-vous son historique pendant la guerre ?            

David Fletcher, conservateur du Tank Museum de Bovington, identifie le char comme étant un Mark IV femelle numéro D-51 baptisé « Deborah » par son équipage.

L’histoire de ce char est entremêlée à celle de la bataille de Cambrai, qui s’est déroulée en novembre 1917 sur les terres du nord.  Le matin du 20 novembre, « Deborah » quitte la localité de Trescault, dans la deuxième vague de chars. Après avoir traversé le « Grand Ravin », le char parvient sur la crête de Flesquières. L’équipage y découvre une hécatombe, une quinzaine de chars ont été détruits par l’artillerie allemande. Le char entre dans le village qui semble désert, descend l’actuelle rue du Moulin, et tourne à droite sur la rue du Calvaire. Environ 200 mètres avant l’emplacement du musée, le char reçoit plusieurs coups de canons sur le flanc gauche. Quatre membres de l’équipage meurent sur le coup. Les quatre survivants évacuent et retournent vers les lignes britanniques, un blessé décède sur le trajet retour. L’épave reste sur place après la capture du village, et les corps sont enterrés dans un cimetière provisoire un peu plus loin.

En mars 1918, lors de l’offensive du printemps, les Allemands reprennent Flesquières. À cette occasion, des soldats photographient l’épave du tank. Le 27 septembre 1918, lors de la bataille du Canal du Nord, le village est définitivement repris aux Allemands et le char reçoit un tir d’obusier qui déchiquète l’avant droit. Enfin, le char a été traîné à travers le village et enterré dans un trou creusé par les Allemands pour construire un blockhaus, finalement abandonné. À la fin de la guerre, des britanniques recouvrent le trou dans lequel se trouve « Deborah ».                       

           

Comment avez-vous imaginé le mémorial autour de « Deborah » ? 

Le char est resté 17 ans exposé dans une grange du village avant d’être installé dans le Cambrai Tank 1917. Plusieurs architectes proposent leur projet et c’est l’interprétation du char sous terre qui est retenue. Lorsque le visiteur pénètre dans le mémorial, il débute son parcours par le visionnage d’un film résumant la bataille de Cambrai puis il descend dans la salle du tank, situé en contrebas. La volonté architecturale est de replonger le visiteur dans la peau d’un habitant du village qui découvre le char au fond du trou en 1998. Le bâtiment est très sobre, pas de peinture, aucune ornementation, pour que l’attention soit focalisée sur le char au centre de la pièce. Par ailleurs, cette sobriété a aussi l’avantage d’évoquer les blockhaus de la ligne Hindenburg, cible de la bataille de Cambrai. Les plaques de béton préfabriquées évoquent les plaques de blindage, alors que les marches pour descendre près du char rappellent une trace de chenille. La visite se poursuit par une succession de vitrines, de panneaux et de films racontent différents aspects de la bataille : le Mark IV d’un point de vue technique, l’intérieur du char, le réemploi des chars après la bataille, le Tank Corps …

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Remerciements à Jerôme Vaillant et Philippe Gorczynski qui ont bien voulu me raconter l’histoire du tank « Deborah ».

Camille HARLÉ VARGAS
Camille HARLÉ VARGAS
Auteur et spécialiste de l'histoire des conflits et de la mémoire du XXe siècle. Chargée de mission à l'ONaCVG de la Marne dans le cadre du Centenaire de la Grande Guerre (programme pédagogique, médiation et mise en place de projets). Engagée dans la vie associative visant à faire connaître au public l'histoire et les sites de la Première Guerre mondiale (Main de Massiges). En collaboration avec des historiens pour la rédaction d'articles et d'ouvrages sur les deux guerres mondiales.
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