jeudi 25 avril 2024

Guerre et paix …  au Proche et Moyen-Orient

Un colloque intéressant était organisé ce 15 septembre sur le thème « Guerre et Paix au Proche et Moyen-Orient » par Jacques Myard, maire de Maisons Laffitte et membre honoraire du parlement, président du Cercle Nation et République, Sous la forme de trois tables rondes, cette zone de conflits a été abordée sous un grand nombre d’aspects hormis celui sans doute de la guerre de l’information.

Les caractéristiques de la région ont été naturellement mises en avant. La dimension démographique et l’hétérogénéité des populations ont été utilement abordées. Ainsi, sur 14 ans, le Qatar est l’État qui a eu la plus grande croissance de sa population, suivi par les EAU. Cependant, les chiffres réels restent confidentiels. Il est intéressant aussi de constater que l’appel à l’immigration dans les États notamment pétroliers semble montrer une nouvelle tendance. Ainsi, l’un des intervenants a souligné que les EAU privilégiaient désormais l’immigration des Ethiopiens chrétiens au lieu des Pakistanais musulmans pour empêcher toute dérive islamiste.

Plusieurs thèmes

Le général Patrice Moyeuvre, chercheur à l’IRIS, a souligné les difficultés rencontrées par les Turcs dans le Nord de la Syrie notamment dans la région d’Idleb, là où Russes et Syriens ont concentré les combattants principalement djihadistes évacués des autres régions de Syrie, et trois millions de déplacés susceptibles de fuir en Turquie. A noter que l’accord de cette semaine n’exclue par la reconquête ultérieure de cette région.

Concernant l’Iran, Ali Rastbeen, géostratège, a rappelé la position iranienne. La présence de force étrangères dans le golfe arabo-persique est considérée comme une menace pour sa sécurité alors que ce pays n’appartient à aucune alliance militaire, qu’il est aussi entouré par trois États nucléaires, et qu’il a adhéré au TNP.

Amélie-Myriam Chelly, sociologue, spécialiste de l’Iran et des islams politiques, chercheuse associée au CADIS (EHESS\-CNRS) a rappelé que l’Iran n’est pas takfiriste à la différence de l’Arabie saoudite (Le takfirisme est l’excommunication des non-musulmans et des musulmans qui ne suivent pas les règles de l’islam tel que pratiquées par les musulmans les plus rigoristes). Elle a souligné l’évolution des djihadistes qui ont fait notamment des chiites leur ennemi principal aujourd’hui. En outre, Elle a cité l’exemple de l’adhésion d’autres communautés religieuses iraniennes à la protection du régime d’Assad. Ainsi, la brigade iranienne Babylone est composée de chrétiens iraniens et combat en Syrie.

« Anecdotiquement », la communauté juive en Iran est aussi la deuxième du Moyen-Orient. Je pourrai citer en référence cet ouvrage d’Ardavan AMIR-ASLANI (« Iran et Israël, juifs et perses », 2013) qui développait la longue cohabitation pacifique entre Iran et Israël. De fait, l’Iran se veut le protecteur de tous les lieux abrahamiques et des communautés chiites.

François Frison- Roche, docteur en sciences politiques, a pour sa part évoqué le rôle des EAU qui ont une stratégie régionale à partir du conflit yéménite.

La menace du wahhabisme a été commentée par Pierre Conesa. Ancien haut-fonctionnaire au ministère des armées, il a souligné que les 4 principales agences de communication françaises dont Publicis, présidée par E. Badinter travaillaient pour la stratégie de communication de l’Arabie saoudite. Il a surtout évoqué qu’en France, les plus opposés à la salafisation étaient les Français musulmans, inquiets devant la wahhabisation de l’islam.

Pour sa part, François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran, a rappelé que l’intervention russe avait été suggérée par un général iranien en juillet 2015. Il considère aujourd’hui que la paix est impossible au Moyen-Orient en raison d’absence de compromis.

Le général (2S) Christophe Gomart, général (2S) ancien directeur du Renseignement militaire, a souligné que la Syrie a permis de remettre à l’honneur l’armée russe. Une autre raison de l’engagement de la Russie en Syrie est que la majorité des chrétiens d’Orient en Syrie sont orthodoxes, dont la Russie en est naturellement la protectrice. 

Enfin Patrick Calvar, ancien directeur de la DGSI, a souligné l’intérêt des Russes pour le Moyen-Orient dans la mesure où d’importantes minorités musulmanes existent en Russie, que la seule base russe en Méditerranée est aussi en Syrie. La menace islamiste portée par des Russes djihadistes est prise très au sérieux au point, qu’y compris en Syrie, elle est traitée non par les services du renseignement extérieur mais par les services du renseignement intérieur. Il a rappelé que 4 des 15 « personnalités » les plus suivies sur twitter étaient des prêcheurs saoudiens. Il a conclu que notre grande erreur a été d’exporter la démocratie, que nos diasporas sont ciblées, que notre modèle est rejeté en interne. Aujourd’hui, être musulman remplace la nationalité et donne des règles de vie qui s’opposent aux nôtres

Pascal Boniface qui avait la rude tâche de conclure, a souligné les échecs qui rendent instables le Moyen-Orient : les accords d’Oslo, l’ordre qui aurait dû émerger du chaos imposé à l’Irak, les printemps arabes qui ont montré que l’État-nation restait l’acteur principal des relations internationales. Regrettons cependant la position mais traditionnelle anti-américaine de l’orateur, au point aussi d’appeler le retour aux fondamentaux du mitterrandisme en politique étrangère…

Ce colloque était fort à propos sur une région dont finalement nous nous soucions peu malgré son intérêt géostratégique, y compris dans ses retombées sur la France en cas de déstabilisation. La conclusion générale est que la paix n’est pas envisageable aujourd’hui au Moyen-Orient compte tenu de la complexité des problématiques.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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