mardi 3 octobre 2023

La trahison en politique

Nous étions habitués à la trahison avec la gauche. Servir le président de la République, en bénéficier puis le trahir pour être candidat ou pour saper son action : les différents types de frondeurs de gauche ont montré leur pouvoir de nuisance.

Lors la primaire de la gauche, pourtant toute aussi de bonne tenue que celle de la droite, les uns et les autres se sont engagés à se rallier au vainqueur. Qui n’a pas rejoint Benoît Hamon malgré des engagements publics en tant que candidats à la primaire comme par exemple François de Rugy ? Ne parlons pas des hiérarques du parti socialiste.

Ne parlons pas non plus des centristes égaux à eux-mêmes. D’un côté, un François Bayrou qui se croit faiseur de roi, d’un autre côté un Jean-Christophe Lagarde qui quitte François Fillon, confirmant qu’il n’était pas un allié désintéressé.

Enfin à droite, tous ces anciens prétendants au trône ou ces députés non-fillonnistes qui ont quitté l’équipe Fillon avaient affirmé manifestement leur soutien dans l’espoir presque confirmé d’avoir un ministère… avant le « penelope gate » qui a permis malheureusement de montrer la « sincérité » de ces ralliements. La loyauté se voit dans l’épreuve et non dans la façade.

Je n’oublierai pas ceux qui sont bien discrets depuis quelques jours, attendant le sens du vent. Comment faire confiance à ces personnes qui veulent être élues ou réélues, à qui l’électeur a fait confiance, et qui trahissent ? Comment militaires, gendarmes et policiers notamment pourraient-ils leur faire confiance demain et obéir aux ordres de ces personnes pour défendre les institutions si ces politiciens venaient à être ministre de la défense, de l’intérieur… sinon des affaires étrangères ? Nous savons déjà que les intérêts propres et les arrangements primeront sur l’engagement de la « base » qui défend la République. J’ai honte que ces personnes puissent encore un jour briguer des responsabilités.

Ces personnes ont si peu de loyauté qu’elles ne devraient plus être investies par le peuple dans des postes électifs futurs. Elles n’ont pas compris que les Français en ont assez des traitres et des carriéristes. Il est valorisant d’évoquer les valeurs mais celles que les Français attendent peut-être sont celles de la confiance, de la fidélité et de la loyauté.

Avoir le courage de se battre ensemble pour gagner et faire corps pour cela avec son chef, son patron, et faire preuve de loyauté sont des qualités que manifestement plusieurs leaders ou « frondeurs » de droite n’ont pas. Comment les forces de sécurité pourraient-elles les suivre si des responsabilités leur étaient données ? L’exemple donné sera sans doute lourd de conséquences pour les défis futurs.

Certes, les Français ont été déçus par François Fillon. Cependant, selon un article du Monde, au moins 103 députés sur 572 ont des liens familiaux avec leur assistant (Cf. Le Monde du 1er mars 2017). Sans les excuser, cela relativise les accusations allégrement portées sur la place publique au détriment du débat sur les projets. Cela ne retire rien à l’indécence des sommes annoncées dans le dossier Fillon. Nous savons que la valeur de l’argent n’a pas le même sens pour tous mais ne disait-on pas que François Mitterrand n’avait jamais d’argent sur lui pour payer quoi que ce soit ?

On peut aussi s’étonner qu’une grande partie des documents de l’affaire soit mise sur la place publique. Quelle est la loyauté de ceux qui, normalement fonctionnaires, ont un devoir de loyauté ou de loyalisme envers les institutions (Cf. Mon billet du 4 septembre 2016 sur la loyauté au XXIe siècle) ? Divulguer des documents de procédure, n’est-ce pas une félonie, sinon un acte de déloyauté ? Une enquête est-elle menée pour connaître les origines des fuites ? Le personnel au contact n’aurait-il pas dû être sanctionné sinon muté y compris les juges ? Cette situation condamnable pour toutes les affaires dure depuis des années et permet l’instrumentalisation de la justice, toutes les manipulations mais cela semble arranger tout le monde.

La République est effectivement en danger, non par des menaces extérieures ou intérieures mais par l’absence de loyauté de notre classe politique, de droite et de gauche. Cet état d’esprit perçu ne peut que susciter une défiance durable et ce ne sont pas les arrangements actuels de la droite parlementaire qui permettront une situation politique saine. Vous n’avez pas aimé Fillon, vous pourriez bien ne pas aimer Marine car qui peut croire que le peuple de droite votera soit pour un autre candidat de droite finalement imposé soit pour un candidat de centre-gauche-droite bien ambiguë.

Reste heureusement le choix du peuple que ce soit pour une élection présidentielle ou pour une élection législative. Nous revenons finalement aux débuts de la Ve république avec son fondateur qui montrait l’exemple, certes qui a sans doute fait des erreurs mais surtout qui respectait les électeurs et avait une grande méfiance envers ceux qui les représentaient pour prendre des décisions en leur nom. D’ailleurs pourquoi le président de la République a-t-il été élu au suffrage universel sinon pour répondre en partie à cette méfiance ?

Enfin, que dit d’ailleurs l‘article 2 de la constitution ?

  • « La langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
  • L’hymne national est la Marseillaise.
  • La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité

et surtout

  • Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

Que dire de plus ?

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Il est expert des questions de doctrine sur l’emploi des forces, sur les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, à la contre-insurrection et aux opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Depuis mars 2022, il est consultant en géopolitique sur LCI notamment sur la guerre en Ukraine. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde depuis août 2011, il a rejoint depuis mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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