Lassées des multiples violations de l’espace aérien libanais par l’aviation israélienne, les autorités françaises ont fini par dénoncer avec véhémence ce qu’elles considèrent comme des provocations délibérées. Des avions israéliens ont à plusieurs reprises adopté des « attitudes hostiles » envers les troupes françaises de la Force intérimaire des nations unies au Liban (Finul). Une « catastrophe » a été évitée de justesse, a affirmé avant-hier le ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie.
« Des F-15 se sont présentés en piqué, puis en redressement immédiat, c’est-à-dire en posture d’attaque », a-t-elle déclaré aux députés lors d’une séance sur le budget de la Défense. Elle a jugé l’incident « intolérable ». « En légitime défense, nos militaires ont retiré les caches de la batterie de missiles, et à deux secondes près, ils tiraient contre les avions qui les menaçaient », a ajouté le ministre.
Michèle Alliot-Marie est revenue à la charge, hier à Colombey-les-Deux-Églises, en mettant en garde Israël contre des actes qui pourraient mettre à mal la situation calme qui prévaut au Liban-Sud.
L’incident décrit par Alliot-Marie s’est déroulé le 31 octobre dans le ciel du Liban-Sud, dans le nord de la zone française, au-dessus de Deir Kifa. Les F-15 sont entrés dans le « volume d’action » des missiles à très courte portée Mistral qui équipent les Casques bleus français pour leur autodéfense. La position des chasseurs correspondait normalement au largage de bombes ou de tirs au canon sur le siège de la Force de réaction rapide française qui, avec ses chars Leclerc et ses canons AUF1, est chargée d’observer une partie des territoires occupés cet été par Israël. « L’appareil israélien a effectué un simulacre d’attaque. Heureusement, nos hommes ont gardé leur sang-froid et ont compris qu’il s’agissait d’une provocation de l’armée israélienne », a commenté un officier français.
Au cours des dernières semaines, plusieurs alertes avaient inquiété Paris et Berlin. Un navire de reconnaissance allemand a été survolé par six avions de chasse israéliens alors qu’il croisait au large d’Israël. La frégate française Courbet a connu une mésaventure similaire : la chasse israélienne l’a survolée en refusant de répondre aux appels radio.
Le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a jugé « essentiel que les autorités israéliennes fassent cesser de tels actes ». Il a convoqué hier l’ambassadeur d’Israël en France pour lui signifier « la grave préoccupation » de la France. Inhabituelle à l’égard d’un diplomate israélien, l’initiative donne un coup d’arrêt à l’embellie des relations franco-israéliennes. D’autant plus que les démarches de Paris n’ont été guère prises en compte. Des chasseurs israéliens ont survolé à haute altitude la ville côtière libanaise de Naqoura, près de la frontière israélienne, au moment où la France protestait par la voie officielle. L’escadrille, composée de douze chasseurs-bombardiers, est passée non loin du quartier général de la Finul. Les avions ont ensuite pris la direction de Baalbeck, le fief du Hezbollah, dans l’est du Liban, qu’ils ont survolé à basse altitude.
Trafics d’armes
La poursuite des violations israéliennes de l’espace aérien libanais, malgré la fin des hostilités entre l’État hébreu et le Hezbollah chiite, le 14 août, après un mois de guerre, suscite des critiques croissantes de la communauté internationale. Mais le ministre israélien de la Défense, Amir Peretz, avait affirmé que les survols étaient nécessaires pour empêcher des trafics d’armes au profit des combattants du Hezbollah. S’ils permettent peut-être de collecter des informations à caractère sensible, ils servent aussi à jouer avec les nerfs des soldats de la Finul.
L’armée israélienne a prétendu hier ne pas avoir connaissance de ce jeu à hauts risques. Selon l’un de ses porte-parole, « l’armée de l’air n’effectue jamais de survols offensifs au-dessus du sud du Liban ». Mais le ministère français de la Défense a maintenu ses accusations. « La matérialité des faits n’est pas contestable », insiste-t-on en parlant de « certitudes absolues ».
Les règles d’engagement de la FINUL
La Finul est habilitée à recourir à la force en cas d’activité « hostile », à procéder à des contrôles routiers et à intercepter des mouvements d’armes en cas de défaillance de l’armée libanaise. Elle est apte à recourir à l’« usage de la force au-delà de la légitime défense ».
Un engagement peut être décidé par les commandants de la Finul pour protéger le personnel, les installations et les équipements, assurer la sécurité et la liberté de mouvement des personnels des Nations unies et les personnels humanitaires, protéger les civils sous menaces physiques imminentes dans sa zone de déploiement.
Dans le cas de figure de l’incident du 31 octobre avec les avions israéliens, face à une situation d’urgence, les soldats français auraient pu, selon leurs règles d’engagement, ouvrir le feu sans en référer à leurs supérieurs.