En cette journée de commémoration par les saint-cyriens de notre victoire d’Austerlitz (et le soleil d’Austerlitz était présent ce jour au moins en région parisienne), évoquer ce colloque qui s’est tenu sur le thème « Quel format pour les armées françaises avec quelle finalité ? » à l’assemblée nationale le lundi 26 novembre 2012 me semble particulièrement utile.
En ce jour de liesse pour au moins une partie d’entre nous, j’en profite pour attirer l’attention sur la publication en 2005 par ma promotion de saint-Cyr d’un ouvrage, toujours disponible, à l’occasion du bicentenaire de cette bataille. Il intégrait en particulier sa « relation officielle » faite par le général Koutousov à Alexandre 1er le 20 février 1806. L’intérêt est qu’elle est commentée par un « officier français », a priori l’Empereur Napoléon 1er (pour ceux que cela m’intéresse, me contacter). Le « retour sur expérience » existait déjà !
Pour en revenir au colloque très bien organisé par l’association Démocratie du général Henri Paris et par le Club Participation et Progrès de Pierre Pascalon, son thème laisse donc rêveur à la lumière de la victoire d’Austerlitz. Quel format pour les armées françaises avec quelle finalité ? Nous sommes bien loin de la France impériale, de sa volonté de vaincre et de rayonner, y compris par les armes.
Une tentative pour rassurer l’assistance sur l’avenir des armées
Le moins que je puisse dire est que le sentiment général était bien celui d’un effondrement programmé de la puissance militaire française. Certes l’ancien ministre de la défense, Alain Richard, que j’avais « croisé » dans le passé par l’intermédiaire d’un article publié dans le Figaro en juillet 2001 (« Pourquoi si peu de considération ? » envers les militaires), a constaté le pessimisme ambiant mais il a voulu être rassurant sans pouvoir être convaincant.
En effet, le ministre n’est pas sûr que l’on ait des choix déchirants à faire. Le budget était globalement maintenu. Certes, il faut bien envisager un ajustement de 10 à 20% en terme budgétaire… ce qui ne devrait pas être insurmontable. Ce à quoi le général Faugères a rappelé que, depuis 2007, le budget annuel de la défense avait déjà stagné en valeur de 0%, donc baissé, ceci s’ajoutant à cette nouvelle annonce.
Cependant, un certain nombre de propos du ministre de la défense m’ont paru positifs. Ainsi, la France est indépendante et doit affirmer cette indépendance. Le Livre blanc futur devait être celui de la défense et non celui de la sécurité à la différence de 2008 et de la position exprimée par le député Myard présent aussi à ce colloque.
Alain Richard a donc souhaité une clarification de la place des armées dans la sécurité intérieure. Il a défendu l’objectif d’être une nation cadre pour une opération. Savoir organiser et mettre en œuvre une force multinationale comme nation-cadre constituent un des critères de la crédibilité d’une puissance militaire.
Sept points à retenir
Alors quel format pour quelle finalité ? Aucun format n’a été réellement exprimé. Je retiendrai donc sept points d’intérêt.
1) C’est le constat récurrent de la disparition de l’esprit de défense en raison de l’absence de l’ennemi (Cf. à nouveau mon article sur la conceptualisation de l’ennemi). Or celui-ci permet de définir aussi la finalité des armées … bien qu’il n’existe plus depuis des dizaines d’années. Seul François Mitterrand durant son premier mandat avait osé qualifier me semble-t-il un Etat d’ennemi, l’URSS. Cet esprit de défense est aussi amoindri par la situation dramatique de la réserve ce qu’a exprimé Pierre Bayle. Le CA Dufourcq y a répondu en proposant une garde nationale sur le territoire national (Cf. Mon billet du 25 mars 2012) qui pourrait même être européenne. A voir.
2) S la Chine a été identifiée durant ce colloque comme une menace sinon comme un ennemi, terme employé par un intervenant de haut rang. Pierre Pascallon a évoqué aussi ce choc à venir, et pourquoi pas le retour à des guerres hégémoniques notamment entre la Chine et les Etats-Unis. D’ailleurs, cette semaine, la Chine réussissait ses premiers appontages sur le porte-avions récemment mis en service alors que la fabrication à venir de quatre porte-avions est évoquée (Le Figaro du 26 novembre 2012).
3) Le contrôleur général des armées Van Ackere, ancien conseiller « défense » du président de l’assemblée nationale sous l’ancienne législature, a remis en cause le besoin d’une capacité d’intervention des armées (jusqu’en 1986, il y avait un correspondant par armée auprès de l’Assemblée nationale, cela a été supprimé par François Fillon, président de la commission de la défense). Je trouve pour ma part qu’il y a beaucoup de contrôleurs généraux qui s’expriment sur l’avenir des armées. Pourtant, ils ont fait le choix de carrière de ne plus être dans l’opérationnel. Ne devraient-ils en tenir compte ?
4) J’ai ressenti un fort tropisme « pro-marine » au point d’entendre à plusieurs reprises notamment par l’amiral Coldefy, que le porte-avions était « une force spéciale », les forces spéciales évoquées par ailleurs comme la panacée du règlement des conflits futurs. Intéressant marketing de la marine.
5) Une défiance générale sur les coopérations, sinon sur leur illusion, avec nos alliés européens a été largement exprimée avec la conclusion que la France devait être en mesure de garder le pilotage total d’un projet.
6) J’ai bien sûr apprécié l’intervention et les commentaires du général Faugères qui a contesté vigoureusement les affirmations « sur la fin des engagements terrestres exprimés par des experts qui n’ont jamais rien su prévoir ». Effectivement, c’est sur le sol que les populations vivent et qu’il faut les protéger.
7) Enfin Yves Boyer, universitaire, a rappelé que le guerrier ne devait pas avoir les mains liées pour agir. Le recours à la force, la volonté d’y recourir, la judiciarisation de l’engagement militaire sont au cœur de notre efficacité.
Pour conclure, dans l’attente des actes détaillés de ce colloque, je retiendrai l’exemple historique cité par le colonel Michel Goya sur l’intervention française au Tchad en 1983-1986 : « notre volonté changeait le contexte et non pas l’inverse ». J’étais en République de Côte d’Ivoire durant cette période et l’intervention militaire de la France symbolisait auprès des autorités locales sa volonté d’agir, sa puissance, sinon la confiance que l’on pouvait accorder à la France. Et aujourd’hui ?
Définir clairement un ou plusieurs ennemis – le terrorisme souvent évoqué n’étant qu’un mode d’action -, en déduire une force armée au format crédible, équipée d’armements puissants mais pas forcément sophistiqués, servie par des soldats motivés et confiants dans leurs politiques et sur le sens de leur engagement, ceci représente l’enjeu auquel devra répondre le Livre blanc sur la défense nationale.
Notes
Les Etats-Unis n’abandonneront pas l’OTAN qui leur donne à faible coût un formidable outil d’influence, notamment doctrinal. La référence au rapport Védrine du 14 novembre sur l’OTAN (28 pays, 910 millions d’habitants et la place de la France (coût de sa participation 325 millions d’euros en 2011,) a été très présente et j’invite à le lire en raison de la richesse de l’analyse et des informations sur les liens entre la France et l’OTAN.
le surcoût de sa réintégration étant évalué à 61 voir aussi le rapport parlementaire sur l’action extérieure de l’Etat. Il évoque surtout la question comment la France défendra au mieux des intérêts fondamentaux de sécurité et de défense, son indépendance, son autonomie de décision (…) et ses recommandations exercer une influence accrue sachant que l’OTAN restera une alliance autour de la première puissance militaire du monde, rappel que l’OTAN ne soit pas le seul aboutissement d’une carrière militaire réussie. C’est aussi la nécessaire éveil de l’esprit de la défense et cite le sahel comme un test