mardi 19 mars 2024

Quoi de neuf en histoire militaire ?

Lors des années de commémorations, les rayons des librairies foisonnent d’ouvrages thématiques : le centenaire de la première guerre mondiale, commémoration de la commune de Paris, l’année de Gaulle… En 2022, pas de thème vraiment prédéfini. Il y a donc cette année une offre variée et riche d’ouvrages dans le rayonnage de l’histoire militaire, pour le plus grand plaisir des lecteurs et passionnés !

La 3e division d’infanterie motorisée, une unité d’élite dans la tourmente 1939-1940, Éric Denis, Ysec.

L’auteur, spécialiste de 1940, nous offre dans ce nouvel ouvrage une étude détaillée d’une division d’infanterie motorisée type, avec foisonnement de détails techniques et tableaux. La bataille de Stonne est racontée de manière particulièrement vivante et avec beaucoup de détails. Il s’agit là d’un incontournable pour les passionnés de la campagne de France.

Les opérations de déception, Rémy Hémez, Perrin/Ministère des Armées.

L’auteur nous offre une belle somme à propos des opérations de « déception », à travers l’histoire. Rémy Hémez apprend d’ailleurs que ce terme, qui est souvent considéré comme un anglicisme, est en réalité une définition qui désigne les ruses et supercheries visant à tromper l’ennemi utilisée depuis déjà plusieurs siècles en français. Des bateaux pièges (« Q-ships »), à la bataille de Falloujah jusqu’aux opérations cyber en passant par la célèbre opération « Fortitude », il s’agit d’une étude particulièrement détaillée en un peu moins de 400 pages à lire.

Le COS : histoire des opérations spéciales, Walter Bruyère-Ostells, Perrin/Ministère des Armées.

Le musée de l’armée au sein des Invalides a présenté cette année une exposition sur l’histoire des forces spéciales, avec beaucoup d’objets, de pièces rares et une riche iconographie. Afin d’aller plus loin et approfondir, l’ouvrage de Walter Bruyère-Ostells, directeur scientifique du SHD, propose un beau tour d’horizon de l’histoire des forces spéciales françaises. Si le sujet des FS parait déjà rabattu, l’auteur propose ici une solide étude et un véritable travail d’historien basé sur un grand nombre d’archives, des portraits et témoignages de ceux qui ont fait le COS. Un bel hommage à ces « soldats de l’ombre ».

Drôles de guerres, Hugues Vial, Pierre de Taillac.

Après un ouvrage consacré aux inventions militaires saugrenus, Le fusil à tirer dans les coins, publié chez le même éditeur, l’auteur se consacre cette fois aux anecdotes, faits curieux, à l’origine de certaines expressions militaires à travers les époques. Au programme : définition d’un scrogneugneu, parlez-vous cyrard ?, mode d’emploi du clairon… Le tout étant illustré de manière très colorée et originale. Un beau recueil avec en prime le général Mackensen et sa belle coiffe en couverture de l’ouvrage !

100 tacticiens redoutables, École de Guerre Terre, Pierre de Taillac.

Les élèves de la 134e et 135e promotion de l’EdG Terre ont travaillé sur ce recueil de portraits d’illustres « tacticiens », illustré avec de nombreuses cartes et une belle iconographie. Ces « tacticiens », dont la définition donnée est : « un chef, pas nécessairement militaire, qui planifie et conduit une bataille, en y étant personnellement engagé » (mais de préférence sans y combattre lui-même), sont classés selon plusieurs catégories : les guerriers, les chevaliers, les princes, les révolutionnaires, les planificateurs, les irréguliers. Une manière intéressante d’aborder cette galerie de portraits et présenter ces personnages, même si la place de certains de ces hommes dans une catégorie est à débattre.

Histoire de l’armée polonaise en France, Jacques Wiacek, Ysec.

Lorsque l’on évoque la campagne de France, le sujet polonais est globalement ignoré ou occulté. Pourtant, de nombreux polonais notamment immigrés en France participent à la guerre. L’auteur, qui a déjà consacré un ouvrage sur le sujet polonais, retrace avec brio le parcours de cette armée de la Norvège, la ligne Maginot jusqu’à la débâcle. Il s’agit d’une excellente synthèse des enjeux politiques et militaires, des personnalités à l’œuvre, des unités formées et de leur emploi. Il y a également de nombreux détails concernant le matériel ainsi que moults tableaux, cartes et organigrammes. Un sujet à découvrir.

L’encyclopédie du Panzer Grenadier, Didier Laugier, Caraktère.

Une belle encyclopédie comme cet éditeur sait les faire ! L’auteur a déjà présenté un album consacré à la Sturmartillerie, il s’attarde ici sur le sujet de l’infanterie d’accompagnement des blindés. Un sujet que le public averti connait déjà, mais qui se laissera découvrir pour les plus novices avec de nombreux profils, fiches techniques et historiques des unités. Sont également abordés, les uniformes et tactiques de combat des « Panzer Grenadier ».

Gamelin ou la stratégie entravé, Christophe Aknouche, Histoire & Collections

Après une biographie fort riche de Max Schiavon publié l’an passé chez Perrin, un nouvel auteur s’attelle à la lourde tâche de déchiffrer la personnalité du chef de l’armée française en 1940. Un coup de neuf vivement apprécié dans l’historiographie du sujet, qui n’avait eu que peu de renouvellement depuis le Mystère Gamelin de Pierre Le Goyet. Si le premier auteur, spécialiste des élites militaires du XXe siècle a dressé le portrait complexe du généralissime, Christian Aknouche prend plutôt le parti d’une réhabilitation. En effet, d’après lui, le général Gamelin porte quasiment l’entière responsabilité de la défaite militaire du pays de cette triste année 1940. Il explique le cheminement intellectuel du général, les différentes réflexions autour de sa stratégie, sa part de responsabilité dans l’appareil politico-militaire…

Une liste dans laquelle, pourquoi pas, vous pourriez piocher pour les achats de Noël !  

Également d’autres titres, notamment chez Passé Composé, qui s’impose désormais comme une référence en histoire militaire, Par le fer et le feu, Alexandre Jubelin, qui anime le podcast de l’IRSEM (« Le Collimateur ») de sa voix de velours ou 1942. Combattre en dictature, à propos de la Wehrmacht face au débarquement, de Jean-Luc Leleu chez Perrin s’est imposé comme un incontournable de l’année et a fait l’objet de nombreuses recensions élogieuses. Histoire & Collections enrichisse également leur collection, notamment la « collection Vauviller » avec un nouvel opus consacré aux Panhard et un nouveau tome sur la ligne Maginot. Du côté des thèses, Guillaume Pollack, spécialiste de l’histoire des réseaux de la résistance en France pendant la seconde guerre mondiale signe chez Tallandier L’armée du silence et Anthony Guyon une histoire globale à propos des tirailleurs sénégalais chez Perrin. Des travaux universitaires particulièrement intéressants remaniés pour la publication auprès du grand public, à ne pas manquer également.

Camille HARLÉ VARGAS
Camille HARLÉ VARGAS
Auteur et spécialiste de l'histoire des conflits et de la mémoire du XXe siècle. Chargée de mission à l'ONaCVG de la Marne dans le cadre du Centenaire de la Grande Guerre (programme pédagogique, médiation et mise en place de projets). Engagée dans la vie associative visant à faire connaître au public l'histoire et les sites de la Première Guerre mondiale (Main de Massiges). En collaboration avec des historiens pour la rédaction d'articles et d'ouvrages sur les deux guerres mondiales.
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1 COMMENTAIRE

  1. Et pourquoi pas d’autres ouvrages plus inédits, comme celui que j’ai publié aux éditions Temporis en juin 2022 et intitulé : Adolphe MESSIMY (1869-1935), héraut de la République. S’engager autrement, servir toujours » dont vous trouverez ci-après un résumé. C’est la 1re biographie consacrée à cet homme politique de la 3e République, dont le rôle reste essentiel dans les relations politico-militaires !
    Merci de votre attention
    Bien à vous
    C. ROBINNE

    Janvier 1895. Au cours d’une cérémonie marquée par le sceau de l’Histoire, le lieutenant Adolphe Messimy, stagiaire à l’École supérieure de guerre, saint-cyrien et chasseur alpin émérite, assiste à la dégradation du capitaine Dreyfus. Quatre ans plus tard, refusant plus longtemps de cautionner les mensonges du haut commandement, il décide de briser l’épée et démissionne. Élu en 1902 député radical-socialiste de la Seine puis de l’Ain, rapporteur des budgets de la Marine, de la Guerre puis des Colonies, ce touche-à-tout de la politique, promoteur de la justice sociale et indigénophile convaincu se fait surtout connaître du grand public en s’employant à transformer une armée sclérosée et conservatrice en une armée loyale aux valeurs de la République. Convaincu de la prédominance du pouvoir civil sur l’autorité militaire, il milite pour la création du Conseil Supérieur de la Défense nationale (1906), premier pas vers la formation d’un ministère unifié de la Défense nationale qu’il appelle de ses vœux. Ministre des Colonies progressiste puis ministre de la Guerre en 1911, il réforme l’organisation du haut commandement et fait nommer le général Joffre au poste de chef d’état-major général de l’armée. Ministre de la Guerre à l’été 1914, il met en ordre de bataille l’administration centrale de la rue Saint-Dominique avant d’être évincé du gouvernement le 26 août 1914, au nom de « L’Union sacrée ». Après quatre années sur le front, il est démobilisé en janvier 1919, titulaire de deux blessures de guerre, sept fois cité et décoré de la Légion d’honneur à titre militaire ; il est le seul parlementaire à terminer la Grande Guerre au grade de général de brigade de réserve à titre définitif, commandant la 162e Division d’infanterie, première grande unité à entrer dans Colmar libérée. Dans l’immédiat après-guerre, Messimy est élu sénateur de l’Ain et constamment réélu jusqu’à son décès le 1er septembre 1935. Président de la commission des Colonies puis de l’Armée, il est un défenseur acharné du développement économique de l’Empire, tout en militant plus que jamais pour la création d’un ministère unifié de la Défense nationale capable de donner « à l’organisme directeur de nos trois armées, une forme solide, pratique et clairement conçue » qui ne verra finalement le jour de façon pérenne qu’en 1961.
    Homme de gauche pacifiste et pourtant par deux fois ministre de la Guerre, réformateur de l’armée française et père fondateur de la Défense nationale, notable respecté suscitant l’intérêt des médias, Adolphe Messimy, tombé dans les oubliettes de l’Histoire, a été un grand serviteur de l’État. Cette biographie, issue d’une thèse de doctorat, a pour ambition de réhabiliter sans rien cacher ce « brillant second », acteur incontournable de la vie politique, militaire et coloniale de la IIIe République.

    Ancien officier, Christophe Robinne est docteur en histoire contemporaine de l’Université de Lille, spécialiste des questions politico-militaires de la IIIe République et de la Grande Guerre. Il est l’auteur de chapitres d’ouvrages et de nombreux articles scientifiques ou de vulgarisation dans plusieurs revues historiques. Il a notamment publié, en coopération avec Jean Heuclin, « Maubeuge, bastion de la résistance 1914-1918 » (2014).

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