Le laser Thales, technologie clé du rover Perseverance
Après un périple de 470 millions de km dans l’espace, c’est avec une précision incroyable, au jour dit et à l’heure prévue, le 18 février dernier, que le rover Perseverance, a atterri sans encombre sur Mars, au cœur du cratère Jezero, bassin d’impact de 45 kilomètres de diamètre.
Cet atterrissage, étape cruciale dans la poursuite de l’étude de la planète rouge, a été vécu avec une intensité toute particulière par les équipes Lasers du Groupe Thales.
SuperCam est le fruit d’une étroite collaboration entre le Los Alamos National Laboratory (LANL) aux Etats-Unis et l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP, CNRS / CNES / Université Toulouse III – Paul Sabatier) en France, avec des contributions de l’Université d’Hawaï et de l’Université de Valladolid (UVA) en Espagne. La conception et la fabrication du Mast Unit, partie française de SuperCam située en haut du mât du rover, ont été réalisées par un consortium de laboratoires français1 rattachés au CNRS, à des universités et à des établissements sous la direction scientifique des équipes de l’IRAP et la responsabilité du CNES. C’est dans le Mast Unit qu’est logé le laser fourni par Thales qui a été conçu, fabriqué, assemblé et testé sur son site d’Elancourt.
Ce sont les équipes opérationnelles du FOCSE (French Operations Centre for Science and Exploration) au Centre Spatial de Toulouse qui ont reçu les premières données qui attestent de la bonne santé de l’instrument SuperCam.

Concevoir un laser martien
La conception du laser SuperCam, dont le poids est de 500g, a constitué un véritable challenge pour les équipes Thales. Il a fallu loger, dans un volume identique à celui du laser ChemCam, la fonctionnalité LIBS et une fonctionnalité supplémentaire RAMAN. Au-delà du défi de l’encombrement, les équipes Thales ont également réussi à augmenter les capacités d’analyse de façon significative : le laser SuperCam peut enchainer des salves de tirs 10 fois plus longues, 1 000 tirs d’affilée contre 100 tirs maximum pour ChemCam, à une fréquence 3 fois supérieure (10 Hz). L’expérience acquise pour le laser ChemCam, et les compétences uniques de Thales en ingénierie de systèmes complexes, ont permis de mener l’ensemble du projet en moins de 3 ans.
Les secrets de Mars résisteront-ils au laser SuperCam ?
SuperCam est doté de cinq instruments : trois spectromètres (LIBS, RAMAN et VISIR), un micro-imageur capable de prendre des images couleur de haute résolution, un microphone capable d’enregistrer le son provoqué par l’impact laser du LIBS sur la roche jusqu’à 4 m. La formation du plasma s’accompagne d’un claquement dont l’enregistrement pourra donner des informations complémentaires sur la nature des roches : dureté, porosité… Le laser de Thales, capable de fonctionner selon les deux modes LIBS et RAMAN, est au cœur de deux spectromètres de l’instrument SuperCam.
En mode LIBS, le faisceau laser infrarouge (longueur d’onde 1064 nm), sert à analyser les roches par spectrométrie d’émission de plasma induit par laser (LIBS, pour Laser Induced Breakdown Spectroscopy). Puissant et portant jusqu’à 7 mètres, le laser concentre son énergie (30 mJ) sur moins d’un millimètre carré pour évaporer la roche à environ 10 000 °C. L’analyse du spectre de la lumière émise par ce plasma permet de connaître la composition chimique des cibles. Le LIBS peut aussi être utilisé pour dépoussiérer les surfaces rocheuses afin de faciliter leurs analyses par d’autres instruments.
En mode RAMAN, le laser émet une lumière verte (longueur d’onde 532 nm) jusqu’à 12 mètres pour analyser la minéralogie des roches sur Mars. En faisant vibrer les liaisons entre atomes, ce faisceau permet de déterminer la signature minérale de la matière, la manière dont les atomes sont organisés en molécules et les molécules liées entre elles. Avec cette technologie, il devient clairement possible de caractériser la structure moléculaire des minéraux mais aussi de détecter des molécules organiques. Le laser vert sera aussi utilisé pour faire fluorescer certains composés minéraux et organiques et permettre aux scientifiques de mieux déterminer les composants en présence.
Là où Curiosity a prouvé la possibilité d’émergence de la vie sur Mars, Perseverance va plus loin, à la recherche de traces de vie.

Programme de tirs
SuperCam est opéré en alternance depuis le LANL (Los Alamos National Laboratory aux États-Unis) et le centre des opérations scientifiques installé au CNES à Toulouse (FOCSE – French Operations Centre for Science and Exploration, Mars 2020). Un signal de commande met entre 5 et 20 min pour atteindre Mars.
Trouverons-nous des échantillons de vie passée, dormante et pourquoi pas active dans le cratère Jézéro qu’une rivière a rempli d’eau liquide il y a 3,5 milliards d’années, période de l’apparition de la vie sur Terre ?
Des échantillons de vie martienne reviendront-ils sur Terre dans une dizaine d’années lors de la mission Mars Sample Return ? Trouverons-nous sur Mars les ressources nécessaires au séjour de l’homme à sa surface ? A travers Mars, qui n’a pas connu les grands mouvements tectoniques de la Terre, en apprendrons-nous plus sur l’origine de la vie sur Terre, pan toujours mystérieux de la connaissance humaine ? Les enjeux de la mission Mars 2020 sont immenses.

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[1] L’Irap ; le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA, Observatoire de Paris-PSL/CNRS/SU/Université de Paris) ; le Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (LAB, CNRS/Université de Bordeaux) ; le Laboratoire « atmosphères et observations spatiales » (LATMOS, CNRS/SU/UVSQ) ; l’Observatoire Midi-Pyrénées (OMP, CNRS/IRD/Météo-France/Université de Toulouse III – Paul Sabatier) ; l’Institut d’astrophysique spatiale (IAS, CNRS/Université Paris-Saclay).