Une pensée pour Alexandre Van Dooren, caporal au 1er régiment d’infanterie de marine, camarade tombé au combat, et mes condoléances à sa famille.
Et pendant ce temps, le ministère de l’économie et des finances sabre le budget de la défense.
Avant d’aborder ce sujet particulièrement sensible, constatons l’abondance des sujets concernant la stratégie et la défense en cette veille d’une quinzaine décisionnelle majeure pour l’avenir de la défense française. En eux-mêmes, ils pourraient faire chacun l’objet d’un billet mais je vais me restreindre.
Guerre au Mali et en mémoire de nos soldats tués ou assassinés
Des combats violents au Mali se poursuivent contre un ennemi djihadiste déterminé avec quelques questions intéressantes à mon goût. Ce combattant ennemi (je ne distingue pas dans ses actes un mode d’action terroriste ou alors nous le serions autant que lui) peut-il encore être considéré juridiquement comme un terroriste (voir la problématique de Guantanamo. Je pense que certains Américains doivent nous regarder avec intérêt pour savoir comment nous allons nous en sortir) ? A voir.
A quand les plaintes si nos soldats tuent un ressortissant français qui a les armes à la main ? N’y-a-t-il pas aussi une qualification d’acte de « trahison » pour le comportement d’un combattant djihadiste français ? Je sais, cela fait un peu « dépassé » mais le mot « trahison » permettrait de rappeler l’importance de la dette individuelle que l’on peut avoir envers son pays.
Si je me réfère à l’appel à manifester ce 17 mars à Toulouse (voir l’article de Marek Halter) en présence du président de la République, en mémoire des victimes et des soldats assassinés par Mérah, je pense que la réflexion en vaudrait la peine. Qui combat la communauté nationale par les armes, la terreur et le refus de ses valeurs, devient un ennemi sinon un traître s’il en est issu. Il devrait même subir un châtiment exemplaire mais je m’égare.
Reconnaissons enfin l’action de la nation exprimée par le ministre de la défense qui a décoré à titre posthume ce 15 mars nos soldats assassinés à Toulouse. Geste fort, symbolique mais nécessaire pour ces soldats « morts pour le service de la Nation », expression me semble-t-il utilisée pour la première fois depuis le vote de la loi le 28 novembre 2012.
Sur en revenir au Mali, le débat récurrent sur notre présence (on part le mois prochain…) est un peu fatigant et sans doute contre-productif. On ne s’engage pas dans une guerre pour partir une fois arrivé sans que le travail ne soit achevé. Nous sommes bien là pour gagner cette guerre. La nouvelle déclaration du DOMP de l’ONU rapportée par Philippe Chapleau ajoute à l’ambiguïté.
Plus léger, Philippe Chapleau met en valeur l’action de nos forces par les photos au combat réalisées par les photographes militaires. J’invite aussi à lire Armées d’aujourd’hui de mars sur la guerre au Mali, un bon dossier pour faire le point ainsi qu’Air Actualités de février, la revue de l’armée de l’air, sur l’emploi des forces aériennes. Dommage cependant que le numéro de mars complémentaire, sorti sous son format « papier », ne soit pas encore en ligne. Ouf, le papier a encore de l’avenir. Il informe plus vite que le net !
A consulter enfin trouvée par twitter cette carte de mai 1907, sans satellite, d’un ancien de l’infanterie coloniale qui circulait déjà dans la zone des combats d’aujourd’hui. Finalement nos forces ne sont pas dépaysées.
De la guerre dans le futur à l’affrontement sur le budget de la défense d’aujourd’hui
En même temps que nos forces combattent l’islamisme radical et des insurgés dans le Nord Mali, la France et le Royaume-Uni évoquent l’idée d’armer les insurgés syriens. J’ai entendu dire que l’une des causes de la guerre au Mali aurait été provoquée par le gouvernement précédent par sa guerre contre la Libye. Donc, nous contribuerions à la chute d’un autre régime arabe, certes détestable, en fournissant des armes vraisemblablement pour lutter contre la suprématie aérienne d’Assad. Nous en exercerions bien sûr le contrôle… et puis nous sommes sûrs que le gouvernement succédant à Assad sera démocratique, sans doute à l’image de tous les régimes issus des printemps arabes. Intéressant… pour les guerres futures que nous préparons en déstructurant notre défense, notre sécurité de demain. Pas mal, bien pensé. Je commence quand même à m’inquiéter pour notre avenir.
Cela me permet de revenir au budget de la défense avec l’article détonnant, peut-être extrême, de Jean Guisnel mais aussi celui d’Etienne de Durand sur Atlantico ce 17 mars (et malgré le contre-feu de JD Merchet) mais peut-on écarter ces informations lorsque la citadelle Bercy est à l’offensive ? Même si l’Histoire ne se répète jamais, je me dirais bien que cette période de troubles économiques, sociaux, sociétaux même, ressemblerait bien à une période de notre histoire, 1788 par exemple, année-espoir de la réforme sous l’ancien régime. Ne serons-nous pas conduits à une nouvelle prise de la Bastille qui serait cette fois Bercy ? Et je ne sais si beaucoup de forces protégeraient ce symbole peu à peu d’une certaine forme de l’absolutisme. Finalement refaire la prise de la Bastille serait séduisant et ne manquerait pas d’intérêt pour rappeler à notre « noblesse de robe » issue de la République le poids du peuple mais je m’égare encore.
Or, les parlementaires s’inquiètent aussi. Les sénateurs toutes tendances confondues ont appelé le 14 mars à un budget de la défense maintenu à 1,5% du PIB. Les députés UMP l’ont exprimé le 15 mars par un communiqué. Ces réactions de la classe parlementaire appellent quelques réactions. J’apprécie cette action unitaire du Sénat. Elle est louable mais vous constaterez comme moi que seuls les députés UMP de l’Assemblée nationale ont eu la même démarche. Or, vous savez comme moi que la décision restera à l’Assemblée nationale. Les députés de la majorité n’ont pas appelé au maintien du budget de la défense (plutôt sa réduction mais limitée). Le Sénat ne prenait donc pas un grand risque à s’exprimer d’une manière unitaire mais je peux saluer sa démarche. Manœuvre politique ou réelle inquiétude ?
Et puis quand les syndicats défendent le budget de la défense et le maintien du pourcentage d’1,5% du PIB à la défense, cela est un signe. Militaires, syndicalistes, représentation parlementaire, tous unis dans le même combat. Alors 1788 ou 1789 ou…
Cela laisse donc un énorme chantier de communication pour le nouveau DICOD, Pierre Bayle, enfin officiellement nommé depuis le 13 mars.
En bref
N’oublions pas plus la faible résilience des Français face à quelques heures de neige cette semaine, se plaignant et attendant l’aide de l’Etat. J’avais appris « Aide-toi, le ciel t’aidera ! » mais cette maxime semble bien révolue. L’Etat est néanmoins intervenu entre autres actions avec une colonne militaire de 35 hommes et de six véhicules de déneigement, et quelques autres unités peu nombreuses.
J’avais aussi évoqué dans quelques articles passés le besoin d’une unité interarmes d’appui à la reconstruction par zone de défense pour répondre aussi bien aux crises sur le territoire national qu’à l’extérieur. Elle aurait au besoin pu être armée partiellement par une garde nationale… vu l’état des réserves. Ce type d’unité aurait donné des capacités plus significatives à cette action des armées au service des citoyens mais seulement en cas de déficience des services publics.
Je n’oublierai pas l’élection du nouveau pape qui a appelé une église pour les pauvres (et donc pas pour les riches). Je pense que mes deux grands oncles abbés auraient apprécié.
Enfin, après la disparition du professeur Coutau Bégarie en 2012, du général Poirier en 2013, Jean-Paul Charnay nous a quittés paisiblement cette semaine. La cérémonie religieuse aura lieu mercredi 20 mars. Il était stratégiste, expert du monde musulman avec par exemple un ouvrage « Principes de stratégie arabe »). J’avais eu l’occasion de travailler avec lui il y a quelques années.