Dans le brouillard des multiples déclarations, il faut reconnaître qu’il est difficile de suivre jour après jour les évolutions des négociations sur la fin de la guerre en Ukraine.
Cependant bien que stupéfiantes, les déclarations de D. Trump déstabilisent suffisamment pour obtenir des changements de position sans que l’on ne puisse à ce jour identifier les conditions finales de la paix.
Les Européens se contorsionnent et essaient de faire face en apportant des propositions justifiant leur place à la table des négociations. C’était le but de la visite du président Macron aux Etats-Unis.
Le président Zelenski se rend compte qu’il ne peut pas se permettre d’admonester D. Trump et essaie aussi d’être à la table des négociations. Il n’y est pas pour l’instant alors qu’il est le principal concerné par cette guerre. Ne pas s’être rendu à Ryad pour discuter avec les émissaires américains n’a pas été un acte très habile. Le contrat sur les terres rares compensera.
Seul écueil de taille : aucun fléchissement n’apparaît du côté de V. Poutine même s’il accepte les troupes européennes en Ukraine. Son ministre des affaires étrangères se déplace à Ryad, à Ankara et pendant ce temps les forces russes avancent inexorablement en Ukraine kilomètre par kilomètre.
Quelques hypothèses vraisemblables surgissent néanmoins :
- La Russie gardera le contrôle des terres ukrainiennes conquises mais aura sans doute beaucoup de mal à conquérir les territoires annexés mais dont elle n’assure pas aujourd’hui le contrôle, sauf si le front ukrainien est percé ;
- L’Ukraine n’obtiendra pas les frontières de 1991 et ne peut à la date d’aujourd’hui que limiter les pertes territoriales :
- Un cessez-le-feu, préliminaire à la mise en œuvre des négociations, permettra le déploiement d’une force de réaction rapide ou d’une force d’interposition de l’Union européenne « robuste » renforcée par les Britanniques, et non sous bannière de l’OTAN, afin de donner une garantie de sécurité avec le déploiement de quelques dizaines de milliers d’hommes en Ukraine dans la durée ;
- Cette force composée d’Etats alliés de l’Ukraine sera peut-être contrainte d’accepter des contingents non-européens sur demande de la Russie par exemple turcs ou autres afin d‘afficher une forme d’impartialité pour cette mission d’interposition mais peut-être aussi pour entamer la cohésion de cette force ; il est difficile par d’ailleurs d’imaginer que l’ONU puisse d’ailleurs être partie prenante à cette force.
- Cependant, il n’est pas invraisemblable que, malgré l’ambiguïté américaine de ce 24 février, les Etats-Unis assurent avec les Européens une « no-fly zone » au-dessus de l’Ukraine, rassurant partiellement non seulement l’Ukraine mais aussi les Etats européens sur l’engagement américain face à une agression russe future ;
- La protection américaine apportée à l’Ukraine sera conditionnée par des accords commerciaux (reconstruction, exploitation des minerais stratégiques – terres rares, titane, lithium…) pour que les Etats-Unis aient ce retour sur leur investissement militaire comme cela avait été obtenu lors de la libération du Koweït en 1991, une forme sans doute aussi de prédation moderne ;
- Pour dissuader toute agression future, les budgets de la défense des Etats-membres devront être augmentés pour assurer pendant un certain nombre d’années le financement de la force d’interposition et pour construire des forces suffisamment crédibles et dissuasives notamment dans leurs effectifs et leurs équipements. Un effort de 5% du PIB consacré de la défense reste peu atteignable. il aura lieu mais dans une moindre mesure pour être crédible à condition qu’il soit maintenu dans la durée afin d’être efficace à moyen terme :
- La défense de l’Union européenne passe aussi par une européanisation des armements notamment en retirant le contrôle américain par la norme ITAR de leur emploi. Néanmoins, hormis les avions F-35 et les systèmes sol-air Patriot, la grande majorité des armements européens sont fabriqués en Europe. Reste la question de la concurrence entre industriels européens de l’armement.
Pour compléter ces quelques réflexions, quelques-unes de mes interventions de cette quinzaine :
- Un entretien le 15 février 2025 avec Atlantico sur les propos du vice-président américain J. Vance (Cf. JD Vance ou la démocratie aussi bâclée qu’insultante pour les alliés des États-Unis)
- France 24, le lundi 17 février avec Stéphanie Antoine sur « La fin de l’OTAN ? » (France 24 du 17 février 2025)
- Mes réponses le mercredi 19 février 2025 aux questions du journal de CGTN sur le positionnement de l’Union européenne face aux négociations sur la fin de la guerre en Ukraine (Cf. Journal CGTN du 19 février 2025)
- Un entretien le 21 février 2025 avec Atlantico sur une participation éventuelle de la Turquie pour intervenir en Ukraine (Cf. « Oublier d’inviter la Turquie au sommet sur l’Ukraine : l’erreur géopolitique d’Emmanuel Macron ») même si le titre est bien éloigné de mes propos !
- Une participation le vendredi 21 février 2025 sur LCI sur l’Europe et les négociations sur l’Ukraine « LCI Le Temps de l’Info du vendredi 21 février 2025 »