Je comptais essentiellement évoquer cette fête nationale du 14 juillet mais j’ai été confronté de loin à l’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge ce vendredi sur la ligne C. Vers 17h30, j’étais donc bloqué à Juvisy en raison du grave incident survenu quelques minutes auparavant. Cela m’a conduit à quelques réflexions sur notre vie au quotidien sur cette ligne C et finalement sur le rôle du militaire dans la ville au jour le jour.
Peu à peu, l’information circulait grâce aux contacts pris par les différents passagers débarqués sur le quai de la gare. Des coups de fil familiaux s’inquiétaient de ma santé. Surprenant alors que tout paraissait calme sur place. Dans l’événement, on ne se rend pas toujours compte de la perception ressentie par ceux qui ne sont pas au contact mais cela est « comme dans les opérations ».
Il faut rendre grâce à l’efficacité et à la grande capacité de réaction des services de sécurité et de secours pour répondre à cette catastrophe dans une situation sans doute la plus extrême : un vendredi soir, en heure de pointe, en veille de départ pour les grandes vacances. Sans doute le pire pour une crise !
Quelques remarques pourraient être néanmoins faites. Des dizaines de milliers de passagers sans doute n’ont pu dépasser la gare de Brétigny vers Etampes ou Dourdan. Pas de cars, débrouillez-vous. Donc aller et retour en voiture heureusement possible, trois heures pour 36 km avec de multiples bouchons. S’y ajoutent ces déplacements d’autorités accompagnées à vive allure de motards de la police nationale pour se rendre sur le lieu de la catastrophe… au risque vécu de créer un accident. C’est enfin ce constat à méditer de la présence de pillards, dénoncée par un syndicat de police, contestée par le ministre de l’Intérieur mais pourtant confirmée par Atlantico.
Cependant, cet accident montre aussi la vulnérabilité bien extrême face à tous les dysfonctionnements de notre réseau banlieusard qui fait circuler 550 000 personnes chaque jour dans cette zone. Une déficience technique aujourd’hui, pourquoi pas un sabotage demain, pourrait entraver le fonctionnement normal de la cité. Aujourd’hui, le sud-est de Paris ne sera pas relié par voie ferroviaire à Paris pendant un temps certain : trois, quatre jours. Malgré les vacances, des milliers de personnes ne pourront tenir leurs postes sauf à prendre leur voiture avec tout ce qu’implique une circulation dense, en pleine chaleur… et si cela avait eu lieu pendant une période normale ? Sur plusieurs zones pourquoi pas ?
Enfin, cet incident permet de parler de cette ligne C que je pratique depuis de longues années au quotidien, militaire dans la ville. J’inviterai d’ailleurs volontiers nos politiques à la prendre en anonyme (c’est écolo) et à vivre ce que nous vivons, pour regarder, comprendre, subir aussi pour proposer « intelligemment » et finalement agir efficacement.
Cette évocation du militaire au quotidien dans la ville pourrait paraître bien éloignée de ce 14 juillet. Un peu mais pas tant que cela. Le 14 juillet reste l’image d’une France « puissance » mais ce n’est plus qu’une image si l’on se réfère au quotidien des Français notamment dans les grandes métropoles. Comment être puissant si le citoyen n’est pas convaincu au quotidien sur la réalité de cette puissance ?
En effet, outre l’état des wagons tagués, aux vitres rayés, dégradées, les personnes franchissant les barrières sans payer, y compris devant les employés de la SNCF derrière leur comptoirs (mais « ce n’est pas à eux de dire quelque chose » quand on les interroge), il y a ces incivilités dans le train au quotidien : jeunes mettant leur radio à fond, personnes écoutant la musique dans leurs écouteurs dépassant largement les règles sonores du plaisir individuel, chaussures de la « génération vautrée » sur les banquettes, maintenant les pieds nus, coin fumeur en bout de wagon, jeunes empêchant la fermeture des portes pour attendre un copain… et tout le monde baisse les yeux.
Et moi, je fais des remarques parfois et cela commence immédiatement par une réaction d’agressivité « Vous êtes de la SNCF ? », « Non, je suis un citoyen qui paie des impôts » mais quoi faire de plus quand je constate que la remarque reste sans effet. Rentrer dedans ? Pas bien et puis en uniforme, je suis forcément fautif, « Je n’aurai pas su me maîtriser ».
Constatons que le rappel à la bonne éducation ne peut être plus être fait par un citoyen, même en uniforme, car la limite entre l’agression verbale et le contact physique est vite franchie. Et ce n’est pas les six ou huit policiers « baraqués » de la sûreté ferroviaire, passant de temps en temps et coup de vent, qui changeront quelque chose. Le sentiment de sécurité nécessaire au citoyen passera par une présence physique fréquente, éducative, « robuste » sinon répressive. L’individu en déplacement par les transports en commun dans la cité, même en uniforme, ne peut plus agir en tant citoyen responsable. Etre impuissant contribue largement à mon sens à cette impression de délitement de la société française