« Légionnaire, tu es un volontaire servant la France avec honneur et fidélité » ; « Chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelle que soit sa nationalité, sa race ou sa religion. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d’une même famille » ; « La mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout et, s’il le faut, en opérations, au péril de ta vie » : les articles I, II et VI du code d’honneur du légionnaire expriment tout l’esprit de la Légion étrangère, institution et société militaire d’exception.
Créée en 1831, aujourd’hui forte de 7.200 hommes de 150 nationalités, elle constitue bel et bien une famille, avec ses glorieux faits d’armes, ses légendes, ses drames, ses rites et ses règles. En son sein se côtoient des héros et des oubliés de l’Histoire, « des aventuriers et des distraits, des brutaux et des poètes, des monte-en-l’air et des aristos », comme l’écrit Étienne de Montety dans sa préface. Bref, un univers profondément romanesque, qui est aussi un modèle d’intégration.
De cette famille, la littérature, les chansons et le cinéma se sont depuis longtemps emparés, entretenant le mythe du légionnaire qui a tout quitté pour prendre un nouveau départ sous une identité dite « déclarée ». Ce légionnaire, soldat d’élite dont le passé reste toujours très mystérieux, tatoué mais sujet au « cafard », amateur de femmes, de bagarres et de pinard, chante à bon droit Non, je ne regrette rien : « C’est payé, oublié, balayé. Je me fous du passé ! » Au-delà de ce mythe, et s’affranchissant des clichés, cet ouvrage offre en près de huit cents entrées la première synthèse de l’histoire de la Légion étrangère. Sont présents les hommes – avant tout –, les batailles, les traditions et le vocabulaire légionnaires, les conditions de vie, de recrutement, les uniformes et l’histoire des régiments, mais aussi tous les sujets rarement traités comme la désertion, la propagande ou l’espionnage. Historiens, peintres et écrivains racontent ainsi ces « Français par le sang versé » qui depuis 1831 ne vivent que pour leurs idéaux.
Cet ouvrage (de 1152 pages !) a été réalisé sous la direction d’André-Paul Comor, maître de conférences honoraire à l’IEP d’Aix-en-Provence. Il réunit 55 auteurs, parmi les meilleurs chercheurs français et étrangers.
Note de TB : Notre collaborateur Thierry Bouzard y traite des chants et de la discographie.
Préface d’Etienne de Montéty, directeur du Figaro littéraire et auteur notamment, des Hommes irréguliers (2006) :
Pour la première fois, un dictionnaire explore tous les aspects de cette institution et société militaire d’exception.
Singulière à plus d’un titre, la Légion étrangère occupe une place à part dans l’armée française depuis sa création en 1831. Longtemps objet de la curiosité inquiète du public ou de l’hostilité de certains pays pourvoyeurs d’engagés volontaires, elle a réussi à surmonter toutes les crises menaçant son existence. Le halo de mystères qui l’entourait à l’origine a laissé le champ libre à un imaginaire que la presse, la littérature et le cinéma ont largement contribué à diffuser jusqu’à nos jours.
Si l’histoire occupe la première place de ce volume, elle n’est pas pour autant confinée aux seuls récits des combats, batailles et conflits au cours desquels les volontaires des régiments étrangers se sont illustrés : les travaux les plus récents permettent d’éclairer le lecteur sur la sociologie de cette société masculine et de mieux cerner le profil complexe du légionnaire. Les grandes figures, mieux connues aujourd’hui grâce aux biographies qui leur ont été consacrées, côtoient la foule « des hommes sans nom », ces « héros subalternes » et anonymes aux destins contrastés. Les articles consacrés aux maladies et aux pathologies, aux plaisirs (l’alcool, les femmes, le bordel militaire de campagne), à l’acculturation apportent des éclairages inattendus, nouveaux à plus d’un titre, sur la vie quotidienne du légionnaire au temps des colonies. Le lecteur est plongé dans ce microcosme, le plus souvent imaginé et imaginaire depuis la fin du XIXe siècle. Nul ne s’étonnera de la place dédiée à la littérature (souvenirs ou mémoires, journaux et romans), à la presse, aux représentations en général (la chanson, le théâtre, l’opérette) et au cinéma en particulier. La ligne de partage entre le mythe littéraire et la réalité rapidement franchie, le lecteur est invité à déchirer le voile et à mieux connaître cette société jugée impénétrable. L’engouement marqué du public pour la littérature de guerre ou sur la guerre, qui a conduit les chercheurs à en comprendre les ressorts et à dégager les lignes de force d’une culture militaire originale, justifie pleinement la place tenue par les articles consacrés à la mémoire et aux traditions. Les aspects les plus neufs relèvent de l’histoire des relations internationales, plus exactement des relations franco-allemandes marquées par des crises et des tensions qui ont jalonné le premier XXe siècle (1900-1962).
Le dictionnaire est précédé d’un texte – « Étrangers au service de la France » – sur la « préhistoire » de la Légion étrangère et comprend, outre une chronologie comparée, une bibliographie inédite, les premières discographie et filmographie sur la Légion, des cartes, plans et croquis, ainsi que des tableaux accompagnant divers documents et planches d’insignes. Une courte anthologie fait de surcroît découvrir l’âme sensible qui se cache derrière le légionnaire anonyme. Le public dispose désormais d’un outil de travail inégalé à ce jour.