Le Monde du 20 août a attiré mon attention sur le durcissement de l’armement des forces de sécurité intérieure par les décrets n°2011-794 et 795 du 30 juin 2011 relatif à l’emploi de la force pour le maintien de l’ordre public. Suscitant des rumeurs que l’article veut dissiper, ces décrets suscitaient quelques interprétations sur internet concernant la possibilité nouvelle donnée aux forces de maintien de l’ordre public de riposter par l’emploi de fusils à répétition (décret 2011-795). Sur son blog (http://moreas.blog.lemonde.fr/), le commissaire en retraite Moreas donnait quant à lui une explication plus technique que je ne partage pas totalement.
Cette volonté d’atténuer l’effet de ces décrets signés au début de l’été nécessite à mon avis un débat un peu plus approfondi.
Certes, il faut prendre en compte le contexte intérieur sinon européen (Cf. les émeutes au Royaume-Uni) qui est devenu très compliqué :
- les armes de guerre semblent proliférer sur notre territoire ;
- les malfrats – entre autres – n’hésitent plus à tirer y compris avec des armes de guerre sur les forces de sécurité ou les pompiers, reculant ainsi le seuil de violence acceptable et contraignant à réagir;
- le sentiment d’insécurité prospère malgré les efforts des uns ou des autres que l’on pourra toujours contester, entre trop de répression et trop de laxisme sur fond de crise économique ;
- enfin et surtout pour répondre à ce besoin grandissant de sécurité, le ministère de l’intérieur, de l’Outre-mer , des Collectivités territoriales et de l’immigration (MIOMCTI) prend de plus de plus de pouvoir, avec une « militarisation » progressive des policiers et une « civilianisation » rampante des gendarmes suivant en cela un processus engagé avant 2007.
Des décrets et de l’élargissement des missions du MIOMCTI et de sa « militarisation »
Pour en revenir aux décrets proprement-dits, si l’on se réfère à l’article 3 du décret 2011-795, celui-ci rappelle les armes en dotation dans le cadre de l’emploi de la force pour le maintien de l’ordre public, donc dans la police et la gendarmerie. Il y intègre désormais le fusil à répétition qui, selon le décret du 6 mai 1995, cat. 1, § 2, est une arme de guerre (arme de 1ère catégorie). Le code pénal modifié certes encadre le recours à la force et aux différents armements en rappelant la proportionnalité de la riposte : « Hors les deux cas prévus au quatrième alinéa de l’article 431-3, les représentants de la force publique ne peuvent faire usage des armes à feu pour le maintien de l’ordre public que sur ordre exprès des autorités habilitées à décider de l’emploi de la force dans des conditions définies à l’article R. 431-4 ».
Cet article 431-3 spécifie cependant : « Toutefois, les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent »… En clair, dans un cadre bien défini, la possibilité est offerte non de tirer sur la foule contrairement à la rumeur, mais de riposter avec « proportionnalité » à une menace par arme à feu y compris donc par un fusil à répétition.
La problématique s’étend bien cependant au-delà de ces décrets. La loi donne au MIOMCTI une possibilité de recourir à des armes de guerre. Or, il dispose maintenant aussi d’une capacité militaire propre avec la gendarmerie. On peut légitimement s’interroger si d’une part le ministère de l’intérieur ne doit pas être rétabli dans sa fonction sécuritaire civile à un niveau plus conforme à ses missions concernant la sécurité des personnes et des biens, d’autre part si une partie des moyens militaires dont la gendarmerie s’est dotée ne devraient pas migrer vers les forces armées « conventionnelles » dites de troisième catégorie afin qu’elle puisse se consacrer avec tous ses effectifs à ses missions de sécurité publique.