mardi 26 novembre 2024

18 septembre 1944 – Un Douglas C-47 ‘Skytrain’ de l’U.S.A.A.F s’écrase dans une région inconnue de l’Alaska

Depuis sa création, le mardi 8 septembre 2020, Pilote de montagne (PDM) met en ligne des articles et des tweets rappelant les circonstances et les conséquences des catastrophes aériennes répertoriées en terrain accidenté. Loin de nous délecter des malheurs des pilotes incriminés et de leurs passagers, il s’agit d’alimenter une base de données entrant dans une rubrique ‘accidentologie’ à créer, permettant aux pilotes chevronnés ou débutants d’étudier des cas concrets. Si la plupart des accidents aériens en montagne trouvent une explication plausible, une infime partie d’entre eux relèvent d’un total mystère. C’est le cas d’un vol militaire disparu dans les montagnes en Alaska en 1944…

DÉROULEMENT DES ÉVÉNEMENTS

L’action se déroule en 1944, en pleine guerre du Pacifique. Nous sommes en Alaska, un territoire des États-Unis d’Amérique (qui, cependant, ne deviendra un État à part entière que le samedi 3 janvier 1959) que les soldats nippons ont déjà tenté d’envahir pendant la campagne des îles Aléoutiennes. À cette époque, l’Alaska est une véritable base terrestre, navale et aérienne…

Le lundi 18 septembre 1944, le Douglas C-47 ‘Skytrain’ (DC-3) n° 43-15738 flambant neuf de l’Air Training Command (Commandement de l’instruction aérienne) de l’United States Army Air Force (U.S.A.A.F.) décolle de Elmendorf Air Force Base (AFB), à Anchorage (côte alaskaine), avec 19 personnes à bord (principalement des permissionnaires), pour se rendre au Ladd Army Airfield, à Fairbanks (au centre de l’Alaska). Si l’appareil est bien militaire, le pilote et le copilote sont des civils appartenant aux Northwest Airlines.

Les conditions météorologiques sont marginales et, pour une raison inconnue, l’appareil se perd dans une région encore inexplorée et impacte un pic alors sans nom situé à 16 milles au nord-est du mont McKinley (appelé ‘Denali’ depuis 2015), le plus haut sommet d’Amérique du Nord. Le crash est fatal aux 16 passagers et aux trois membres d’équipage.

L’avion n’arrivant pas à destination, une recherche est lancée. Trois jours plus tard, le 21 septembre, un bombardier lourd Consolidated B-24 ‘Liberator’ repère une épave d’avion sur les pentes d’un pic enneigé, à une altitude estimée à 19 000 pieds (soit 5 791 mètres), une montagne située entre le mont Brooks et le mont McKinley, mais il ne détecte aucun signe de vie. Il faut se rendre à l’évidence : tous les occupants de l’appareil ont immédiatement péri au moment de l’impact.

L’emplacement de l’épave laisse perplexe car l’avion est entré en collision avec un pic sans nom à une altitude de 19 000 pieds, c’ est-à-dire à 10 000 pieds au-dessus de la dernière altitude (9 000 pieds) signalée à 7 h 42 au Ladd Army Field de Fairbanks par l’équipage de l’avion après avoir dépassé Talkeetna. Une demi-heure plus tard, l’avion aurait dû évoluer au-dessus de Summit, toujours sur sa trajectoire mais le lieu du crash se situe à 60 milles à l’ouest de la voie aérienne Anchorage-Fairbanks qu’il était censé suivre.

RÉCUPÉRER LES CORPS

Bien qu’il n’y ait vraisemblablement aucun survivant, le Colonel Ivan Palmer, de l’U.S. Army Air Corps, demande à en savoir plus sur les circonstances de ce crash.

Cependant, ce n’est que le 30 septembre que Grant H. Pearson, surintendant du McKinley Park et alpiniste totalisant 20 années d’expérience, est convoqué au bureau de sauvetage terrestre d’Elmendorf Field. Là, on lui demande d’organiser l’expédition de secours dont le général Delos C. Emmons, Directeur du Département de l’Alaska et le général Davenport Johnson, de la 11th Air Force, demandent vivement le lancement. La première mission de reconnaissance a lieu le lundi 2 octobre et, après plusieurs survols de la zone de crash, Pearson et son pilote repèrent des sections de l’avion émergeant de la neige scintillante.

Quand l’armée lui demande s’il peut diriger une équipe de sauvetage vers le site du drame, Pearson déclare qu’il serait trop risqué de descendre une pente verglacée de 50 degrés pour une opération de récupération des corps. Palmer et ses supérieurs lui font comprendre qu’il n’est pas question de tergiverser. En effet, le fils d’un membre du Congrès des États-Unis d’Amérique figure parmi les victimes, ce qui rend cette mission pratiquement incontournable. On laisse aussi entendre à Pearson que l’armée pourrait l’enrôler de force s’il ne se portait pas volontaire…

ORGANISATION DE LA COLONNE DE SECOURS

C’est ainsi que débute l’une des plus grandes expéditions de sauvetage terrestre jamais organisées jusqu’alors. La mission est proprement herculéenne. Pearson, un montagnard endurci et costaud, expose ses besoins : au moins 40 hommes formés à l’alpinisme, des chenillettes, des camions, des tentes, des radios, des poêles, des tracteurs des neiges, de l’essence, du matériel d’alpinisme et des dizaines d’autres articles pour protéger les sauveteurs contre les conditions hivernales et les aider à affronter les dangers d’une montagne recouverte de glace. Certains équipements doivent être acheminés par avion depuis le reste des États-Unis d’Amérique, d’autres arrivent des îles Aléoutiennes. Une fois le tout rassemblé, les hommes et les fournitures sont transportés par train jusqu’au quartier général du McKinley Park.

Organisée par le Major John G. Hill et placée sous la direction du capitaine Americo R. Peracca (du Corps of Engineers [Génie] et Land Rescue expert de la  11th Air Force) et du lieutenant Allen M. Dillman, l’expédition déploie une série de camps distants de plusieurs kilomètres les uns des autres, jusqu’au lieu de l’accident. Les camps de base sont les plus grands, les plus avancés sont plus petits. Équipée de tracteurs chenillés, de remorques, de camions et de plusieurs tonnes de fournitures, l’avant-garde doit se frayer un chemin à travers la neige fortement soufflée jusqu’au Wonder Lake. Une fois le lac atteint, les hommes établissent un campement, puis poussent jusqu’à Cache Creek, où ils en montent un autre.

De là, quelques hommes montent à pied jusqu’au col McGonagall, en luttant contre ce que Pearson décrit comme le vent le plus violent qu’il ait jamais vu à cet endroit. Ils y installent leur camp, contactent le Wonder Lake par radio et attendent qu’un avion largue les fournitures indispensables.

Par une coïncidence extraordinaire, l’alpiniste et géologue Bradford Washburn et quelques officiers de l’armée testent des équipements de survie pour l’Air Technical Service Command (ATSC) dans les environs du Wonder Lake et ne se trouvent qu’à quelques kilomètres du camp de l’équipe de sauvetage. Avec l’accord du Wright Field, à Dayton (Ohio), Washburn peut rejoindre son ami alpiniste, Pearson, et participer au sauvetage. Bien que de petite taille, Washburn est d’une endurance exceptionnelle et on le considère à l’époque comme l’un des experts de la montagne les plus remarquables du pays. À l’âge d’un an, il a escaladé les Alpes suisses et a ensuite publié trois livres pour enfants relatant ses expériences. En 1942, avec Pearson, il a escaladé le mont McKinley, le plus haut sommet d’Amérique du Nord.

Dans une jeep des neiges, le Staff Seargent (S/Sgt.) James E. Gale, le T/4 (Technician fourth grade) John M. Greany (un photographe), Washburn et Pearson quittent le col McGonagall et remontent le glacier. Au début, la pente est relativement douce mais l’équipe met un temps infini à franchir une gigantesque coulée de neige. À 7 500 pieds (2 286 mètres d’altitude), les hommes ajustent les crampons métalliques sur leurs chaussures et gravissent lentement une pente verglacée. Sur 200 pieds (soit une soixantaine de mètres), des marches sont taillées dans la glace puis, une fois arrivés au col, ils ont visuel sur la carcasse de l’avion, à plus de 1 000 pieds (soit 304 mètres) en dessous d’eux.

À ce moment-là, le Ranger Grant H. Pearson écrit dans son journal : « Du haut du col, nous avons une bonne vue sur l’avion. Il y a une très forte pente jusqu’à lui. Lorsque nous étions à environ 11 000 pieds, un avion nous a survolés. Nous étions alors dans notre position la plus difficile, perchés à flanc de montagne, taillant des marches dans la glace. »

À l’aide de cordes et de marches taillées dans la glace, les hommes montent encore plus haut, vers une crête située juste au-dessus du lieu de l’accident. Choisissant un site de campement, ils envoient chercher des hommes supplémentaires dans un camp situé en contrebas. Washburn, le PFC ( Private first class) Jack N. Yokel et le T/5 (Technician fifth grade) Jacob A. Stalker quittent le camp de crête le lendemain matin et placent 650 pieds (soit environ 200 mètres) de corde sur la pente dangereuse menant à l’avion. Dix hommes du camp de crête descendent le long de la corde jusqu’à la carcasse du C-47. Près de l’épave, ils trouvent les fournitures larguées par l’avion ravitailleur la veille.

Immédiatement, les hommes déblaient la neige du fuselage. Une section de l’avion est cassée juste au-dessus des toilettes arrière, près de la dérive. La roulette de queue est intacte. À droite de cette dernière, les sauveteurs découvrent les restes du cockpit. La plupart des instruments sont retrouvés, mais ils sont complètement détruits…

AUCUNE TRACE DES CORPS…

Les fouilles permettent de retrouver certains objets personnels, comme un sac de vol intact, une casquette de pilote et une trousse de toilette. On trouve également des cartes à jouer éparpillées dans la neige, quelques clichés, un livre de mathématiques appartenant à Karl V. Harris, un civil. On découvre aussi le titre de permission d’un soldat, du chewing-gum, un paquet de cigarettes…

Malheureusement, au bout de sept heures et demie de fouilles, aucun corps n’et dégagé.

Les fouilles reprennent le lendemain. Le lundi 13 novembre, Pearson note dans son journal : « Le vent souffle fort ce matin, et il fait froid. Nous avons creusé sous l’emplanture d’une aile et aussi une section du fuselage abritant les bagages. Il y a trois mètres de neige au-dessus de l’avion. Nous avons fouillé les parties principales de l’avion… mais nous n’avons trouvé aucun corps. La question est de savoir où creuser ensuite. Nous avons creusé huit heures aujourd’hui. Venteux et froid. »

L’un des moteurs Pratt & Whitney R-1830-92 du C-47 est enfoncé dans la glace près du col, à plus de 1 000 pieds au-dessus du fuselage. Le Private Elmo Fenn, le S/Sgt. Richard C. Manuell, le S/Sgt. James Gale et Washburn quittent le camp de crête et grimpent sur la corniche du pic le surplombant pour mettre en place une corde fixe. Gale et Washburn descendent le long de la corde jusqu’au moteur, l’inspectent et déterminent qu’il s’agit du moteur gauche. Ils retrouvent également, dispersés aux alentours, des supports de moteur, des hélices et des tubes métalliques.

Il faut se montrer raisonnable et prendre la seule décision possible, car l’expédition ne trouvera rien de plus. L’appareil a été détecté par la voie des airs, découvert par voie terrestre et formellement identifié. Les segments d’épave ont été passés au peigne fin et, une chose est sûre, il n’y a aucun corps à l’intérieur. Au bout du compte, l’énigme du C-47 demeure : pourquoi l’avion s’est-il écrasé dans la montagne glacée et qu’est-il arrivé aux corps ?

Après cela, Pearson et son équipe retournent à Elmendorf Field par voie aérienne, un C-47 les récupérant en atterrissant sur un lac gelé. Le dernier membre de l’expédition arrive sur cette base aérienne le vendredi 24 novembre, soit près de deux mois après le début des opérations de recherche et de sauvetage.

DIFFÉRENTES THÉORIES S’AFFRONTENT

Que s’est-il véritablement passé ce lundi 18 septembre 1944 ? L’avion aurait pu évoluer dans des conditions givrantes, ce qui l’aurait peut-être empêché d’atteindre l’altitude nécessaire pour franchir la montagne. Quant à dévier de près de 50 milles de sa route, le mystère reste entier. Une autre théorie encore, est que l’avion a été pris dans un fort courant descendant et n’a pas pu reprendre d’altitude. Un tel courant descendant a aussi aspiré Pearson et son pilote jusqu’à 1 000 pieds alors qu’ils survolaient cette zone dans un bombardier lors de leur vol de reconnaissance. La cause réelle de la tragédie est inconnue. Comme un haut responsable de l’Air Corps l’affirme alors : « Un seul homme connaît la vraie cause… et il n’est pas là ! »

Pour ce qui concerne la disparition des corps, certains auteurs n’hésitent pas à avancer une action des… extraterrestres. Plus sérieusement, Pearson, Washburn et d’autres membres de l’équipe de recherche s’entendent pour dire que les occupants de l’avion ont été éjectés lorsque les moteurs ont heurté la glace solide, éventrant le fuselage. Des corps et d’autres objets lourds qui se trouvaient à l’intérieur de l’habitacle ont été projetés dans la neige et sont probablement tombés dans des crevasses ou dans des névés L’impact de l’accident a alors provoqué un glissement de neige qui a masqué toutes les preuves qui auraient pu être trouvées autrement.

Selon les rapports officiels de l’U.S. Army Air Corps, la récupération des corps (même au printemps lorsque le temps est plus propice) constitue une opération très délicate. Pendant les années d’après-guerre, à cette altitude, seules les neiges d’été fondent. En raison de l’emplacement de l’épave, des vents dominants et de l’épaisseur de neige soufflée et tassée, un affleurement au printemps est pratiquement impossible. Comme aucun corps n’a été retrouvé dans le fuselage et les débris s’étalant sur une bande d’environ un quart de mile (soit plus de 400 mètres) de long, du point d’impact au point d’arrêt, c’est une immense surface qu’il faudrait sonder. Même si cela était fait, rien ne garantit que les corps pourraient être récupérés, car il est fort probable qu’ils soient tombés tout au fond des crevasses.

LE NOM DE LA MONTAGNE

Les Indiens avaient un nom pour cette montagne, bien qu’elle ait été peu connue au moment des faits. Ils ont appelé le mont McKinley ‘Denali’, ce qui signifie ‘la maison du soleil’. À proximité, se situait le mont Foraker, qu’ils appelaient ‘Denali’s Wife’ (‘la femme du Denali’), et les autres sommets (y compris celui sur lequel le C-47 s’est écrasé) étaient connus sous le nom de ‘Denali’s Children’ (‘les enfants du Denali’).

Après le drame de 1944, il semble logique (à certains) que le sommet prenne le nom de l’officier le plus gradé à bord de l’appareil (le Major Rudolph F. Bostleman), ou l’un des nombreux noms suggérés par les membres de la colonne de secours : Deception Peak, Crash Mountain ou Furlough Peak (pic de la Permission).

La colonne de secours étant la première à évoluer sur les pentes enneigées d’un pic inconnu, il est décidé, le lundi 13 novembre 1944, de l’appeler Mount Deception pour rappeler que les sauveteurs n’ont pas pu mener leur mission à son terme. Il faut se rappeler qu’il existe une montagne du même nom dans les Olympic Mountains (État de Washington)…

ROBERT (BOB’) CAMPBELL REEVE À LA RESCOUSSE

En menant des recherches approfondies sur un événement complètement occulté en France et très peu connu du grand public américain, nous sommes littéralement tombés sur une collection photographique représentant des personnages, des montagnes, des équipements et des avions ayant participé à l’expédition de récupération des corps des occupants du C-47 disparu dans une zone inexplorée de l’Alaska le lundi 18 septembre 1944…

La première de couverture de l’album porte le titre suivant : ‘High country. A pictorial record of the U.S. Army Air Corps Expedition to the Mt. McKinley region of Alaska. 1944’ (‘Haut pays. Un reportage en images sur l’expédition de l’U.S. Army Air Corps dans la région du mont McKinley en Alaska, en 1944’).

La deuxième de couverture de l’album expose le but de ce document : ‘The purpose of this book is to show the effort made by members of the expedition to recover nineteen bodies from the ill-fated C-47 of the ATC which left Elmendorf Field for Fairbanks on a routine flight. The plane crashed into an unnamed 11,400-foot mountain in the Alaska range’ (‘Lobjectif de cet album est de relater les efforts entrepris par les membres de l’expédition lancée pour récupérer les dix-neuf corps du C-47 de l’ATC au destin tragique qui quitta Elmensdorf Field pour Fairbanks dans le cadre d’un vol de routine. L’avion s’écrasa sur une montagne de 11 400 pieds d’altitude dans la chaîne de l’Alaska’).

Le plus surprenant est que ce document, conservé à l’University of Alaska Fairbanks (UAF), est clairement attribué à Robert Campbell Reeve, un pilote de brousse local ravitaillant d’abord les mines, puis travaillant pour le gouvernement pendant la guerre. Nous ne pouvons évidemment pas publier les quelques 145 photographies d’une qualité exceptionnelle de ce qu’il faut bien appeler un reportage, mais le lecteur pourra les retrouver, toutes, à l’adresse :

https://vilda.alaska.edu/digital/collection/cdmg11/id/16310

Outre les principales personnalités de la colonne de secours, Robert Campbell Reeve a pris soin de montrer sa progression en terre inconnue, son approche de l’épave et la fouille de cette dernière.

LES LEÇONS DU DRAME

Dans un sens plus large, les victimes n’ont pas péri en vain. En effet, le travail de survie et de sauvetage en terrain nordique est relativement peu documenté à l’époque. Le nombre des vols étant appelé à augmentera en Alaska, davantage d’avions s’écraseront, d’autres seront forcés d’atterrir en urgence et d’autres encore seront évacués par parachute. C’est une quasi-certitude. Que les malheureux occupants de ces appareils vivent ou meurent sur des flancs de montagne arides et glacés dépendra en grande partie de ce que l’on saura et enseignera de la survie en montagne et par grand froid. Que l’aide leur parvienne ou non à temps dépendra l’issue du sauvetage.

Lors de l’expédition vers le McKinley, des informations inestimables sont collectées, à la fois sur le sauvetage et la survie en milieu difficile. Les hommes de Pearson ont passé six semaines sur le terrain et ont appris à vivre et à survivre avec des équipements assez rudimentaires. Ils ont beaucoup appris sur l’utilisation des communications, la réception des colis largués par avion, l’équipement mécanique, les tentes, les vêtements et la nourriture. Des dizaines de pages ont été écrites sur l’utilité de chacun de ces éléments et s’ils pouvaient ou non être améliorés, et comment. On en a beaucoup appris sur l’organisation des équipes de sauvetage et sur la façon de secourir rapidement et efficacement les victimes d’accidents. À la suite de la récente tentative de sauvetage, il ne fait aucun doute que toutes les connaissances en matière de survie et de sauvetage dans le Nord ont considérablement progressé.

LES SUITES DE L’ACCIDENT

Le samedi 20 janvier 1945, l’armée rend hommage aux victimes du crash en organisant une cérémonie à Ladd Army Field. Des aumôniers de l’armée représentant les confessions catholique, protestante et juive prennent la parole, une garde d’honneur tire une salve et un clairon sonne « Aux morts ! » Après quoi un avion survole le lieu de l’accident et largue trois couronnes de fleurs sur le paysage enneigé.

Pearson est ensuite félicité pour ses efforts exemplaires à la tête d’une expédition périlleuse et le National Park Service (NPS) lui offre une ‘promotion particulièrement méritoire’ à la mi-mars 1945. En avril 1947, l’armée lui décerne la Médaille de la Liberté.

Au sens strictement militaire, l’opération est un franc succès démontrant, une fois de plus, et en pleine guerre du Pacifique, que les États-Unis d’Amérique sont capables de déployer des moyens proprement colossaux pour remplir une mission à caractère humanitaire, loin de l’effort principal. Notons également que, pendant cette mission périlleuse de longue durée, aucun blessé et aucun mort ne sont à déplorer.

HOMMAGE AUX VICTIMES

Le dimanche 18 septembre 1994 (pour le cinquantenaire du crash, donc), une plaque est apposée sur une stèle située au bord de l’aire de repos de la George Parks Highway, dans le Denali State Park (ses coordonnées sont N 62° 53.220 W 149° 47.199 / 6V E 358336 N 6976066).

Les membres d’équipage sont :

Les passagers sont :

AUTRE LIEU DE MÉMOIRE

Sans corps, difficile de faire son deuil et de créer des lieux de mémoire où les familles pourront se recueillir. C’est pourtant la prouesse que réalisent les services officiels en réalisant un gigantesque cénotaphe à Honolulu, sur l’île d’Hawaï. Inspirons-nous de l’exemple de Maurice R. Gibbs, qui s’engage le 18 mars 1941 et sert comme technicien avec cinq ans d’ancienneté (T/5) au sein de la 31st Special Service Company (Compagnie de service spécial) de l’U.S. Army.

En 1964, l’American Battle Monuments Commission construit un mémorial dans un volcan éteint au sein du National Memorial Cemetery of the Pacific, à Honolulu (Hawaï). Le monument rend hommage aux disparus des forces armées américaines dans l’océan Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée.

En 1980, le monument est agrandi pour inclure les disparus de la guerre du Viêt Nam. Les noms des 28 788 disparus de ces conflits, dont Maurice R. Gibbs, sont gravés sur des dalles de marbre dans dix cours bordant l’escalier en pierre du mémorial.

Le monument porte la mention suivante :

IN THESE GARDENS ARE RECORDED

THE NAMES OF AMERICANS

WHO GAVE THEIR LIVES

IN THE SERVICE OF THEIR COUNTRY

AND WHOSE EARTHLY RESTING PLACE

IS KNOWN ONLY TO GOD

(« Dans ces jardins sont gravés les noms des Américains qui ont donné leur vie au service de leur pays et dont le lieu de repos terrestre n’est connu que de Dieu »).

LA TRAGÉDIE INSPIRE UN AUTEUR

Le lundi 18 septembre 1944, le Roy Proebstle, né le 16 février 1915 à Cass Lake and Staples (Minnesota), est le commandant de bord (Captain) des Northwest Airlines aux commandes de l’appareil au funeste destin. En effet, il ne terminera jamais son vol d’environ 80 miles…

En 2011, son neveu, Jim Proebstle, qui passe l’été avec son épouse Carole dans la maison familiale du Leech Lake, achève la rédaction d’une nouvelle à caractère historique s’inspirant de cet accident. ‘Fatal accident’ (c’est le titre de l’ouvrage) combine la tradition orale familiale, le mystère, l’espionnage du Projet Manhattan, les liens se développant entre les hommes dans l’armée et une histoire d’amour entre un homme et une femme. Et, bien que l’histoire soit romancée, cette œuvre s’appuie sur des faits réels.

Jim Proebstle précise qu’il entend parler de la disparition de son oncle depuis son plus jeune âge, car son père, Leonard Proebstle, de trois ans l’aîné de Roy, gardait une photo de son frère sur son bureau mais ne faisait pas état de son immense chagrin.

« On n’en parlait pas beaucoup dans ma famille », souligne Jim. « Mon père l’a intériorisée et ma mère a dit : « Laissez tomber ! » »

Néanmoins, l’histoire fascine Jim et son cousin, qui déposent une Freedom of Information Act request (demande relative à la Loi sur la liberté d’information) pour le rapport de l’armée traitant l’accident. Pour seule réponse, on leur annonce que le dossier s’est perdu pendant transfert de la copie papier sur microfiche…

C’est pourquoi Jim commence à rédiger un roman historique sur l’accident. Il interroge la veuve de Roy, sa tante Millie [née Onstad], qui lui inspire le personnage de Martha. Quant à Roy, le pilote, il devient Nick, le mari de Martha dans le roman.

Millie s’est finalement remariée, mais Jim rappelle qu’elle passait chaque 18 septembre seule. Millie est décédée en juin 2011, mais elle a pu écouter sa fille lui lire ‘Fatal Incident’.

« J’espère que cela l’a rendue très heureuse », déclare Jim.

Alors que la rédaction va bon train, Jim et sa femme font leurs valises et rénovent la maison familiale de Leech Lake.

« Nous avons trouvé une boîte au fond d’une commode », déclare Jim. « C’était comme si Leonard y avait déposé toutes ses émotions. »

La boîte porte une étiquette mentionnant ‘Curly’s Clippings’ (littéralement ‘Bigoudis’) le surnom de Roy. Dans la boîte se trouvent des photographies, des cartes postales que Roy avait envoyées à Millie, des lettres de hauts gradés de l’armée et de proches des victimes de l’accident. Les illustrations de couverture de ‘Fatal Incident’ comportent une photo du lieu du crash, du pic montagneux et de l’une des cartes de navigation retrouvées dans la boîte.

Pour Jim, la découverte de document oubliés depuis des décennies donne une nouvelle impulsion à son œuvre.

Au bilan, ‘Fatal Incident’ termine finaliste dans la catégorie ‘fiction historique’ du National Indie Excellence Book Award 2011. Publié par Emerald Book Co., le livre est disponible sur Book World, Amazon et indiebound.com.

ÉPILOGUE

Comme toujours lorsque nous évoquons des drames aériens, surgit la question des causes du crash. Dans le cas qui nous intéresse, l’appareil sortait pratiquement d’usine et fonctionnait vraisemblablement comme une horloge. D’autre part, le pilote et le copilote étaient des membres de l’aviation civile appartenant aux Northwest Airlines, qui les ont certainement recrutés pour leurs indéniables compétences aéronautiques. Restent donc des conditions météorologiques très limites, l’appareil s’enfonçant dans les nuages par un phénomène d’aspiration constaté, depuis lors, par d’autres équipages.

La disparition des corps pose, bien entendu, problème. Comme dans beaucoup d’énigmes du même genre, l’hypothèse d’une intervention extérieure, en l’occurrence extraterrestre, semble bien commode. Peut-être les 19 occupants de l’appareil ressurgiront-ils, un jour, équipés de pied en cap et indemnes, dans une station-service isolée dans le désert du Nouveau-Mexique, ou dans un hameau tibétain, sans qu’ils puissent expliquer ce qui leur est arrivé (quelques minutes plus tôt), ni ce qu’ils on fait pendant près de quatre-vingt-dix ans ? Ce mystère peut-il rester intact alors que l’on dispose, de nos jours, de moyens techniques très performants ?

Le fond du problème n’est-il pas proprement éthique ? En effet, comment abandonner les corps des personnes disparues en montagne alors que l’accident a eu lieu sur le territoire national (l’Alaska) et que l’État américain dépense des millions de dollars pour rechercher les dépouilles de ses soldats disparus (Missing in action’ [MIA]) au fin fond des jungles de Birmanie, de Thaïlande, du Viêt Nam ou d’ailleurs ?

Éléments recueillis par Bernard Amrhein

SOURCES

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