31 mai 1911 : naissance de l’économiste Maurice Allais, défenseur de la souveraineté nationale

Maurice Allais (31 mai 1911, Paris – 9 octobre 2010, Saint-Cloud) est l’un des plus grands économistes français du XXe siècle, lauréat du prix Nobel d’économie en 1988 pour ses contributions pionnières à la théorie des marchés et à l’utilisation efficiente des ressources. Ingénieur de formation, il fut major de l’École polytechnique, diplômé de l’École nationale supérieure des mines de Paris, et ingénieur-docteur en sciences physiques.

Issu d’un milieu modeste, Allais perdit son père durant la Première Guerre mondiale et fut élevé par sa mère commerçante. Élève brillant, il intègre le lycée Lakanal puis poursuit des études d’ingénieur. Il commence sa carrière professionnelle en 1936 au ministère des Travaux publics, puis comme ingénieur des mines à Nantes, où il contrôle notamment les chemins de fer. Mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale, il commande une batterie d’artillerie dans l’armée des Alpes.

Après la guerre, il occupe des postes de direction dans l’administration minière et statistique, tout en menant une carrière académique exceptionnelle : professeur d’économie à l’École des mines de Paris (1944-1988), directeur de recherche au CNRS (1946-1980), professeur à l’Institut de statistique de l’université de Paris, à Genève et aux États-Unis. Il forme de nombreux élèves devenus eux-mêmes des figures majeures de l’économie, comme Gérard Debreu et Edmond Malinvaud.

Maurice Allais est considéré comme un pionnier de l’économie néoclassique. Dans son Traité d’économie pure (1943), il renouvelle la démonstration de l’existence de l’équilibre général, s’inspirant de Léon Walras et Vilfredo Pareto, et anticipe certains résultats qui seront plus tard attribués à Arrow et Debreu. Il développe également une théorie générale des surplus et s’intéresse à l’économie de marchés en situation de déséquilibre.

Il est surtout célèbre pour le paradoxe d’Allais (1953), qui remet en cause l’axiome d’indépendance de la théorie de l’utilité espérée, fondement de la théorie des choix en univers incertain. Cette découverte a ouvert la voie à la finance comportementale et à l’économie expérimentale.

Allais s’est aussi illustré par ses travaux sur la tarification optimale des services publics, la théorie de la monnaie et la macroéconomie dynamique, introduisant notamment le modèle des générations imbriquées, utilisé dans l’analyse des systèmes de retraite. Il a proposé des réformes radicales du système bancaire et monétaire, prônant la séparation stricte des activités bancaires et la création monétaire réservée à la banque centrale.

Maurice Allais se définissait comme à la fois libéral et social. Il critiquait vivement la mondialisation et le libre-échange généralisé, qu’il jugeait néfastes entre pays à niveaux de développement très différents. Il prônait un protectionnisme raisonné au sein de groupes d’États économiquement homogènes. Il s’est également opposé à la libéralisation totale des mouvements de capitaux et à l’instabilité financière qu’elle engendre, anticipant les crises économiques récentes.

Sur le plan fiscal, il proposait de taxer la rente du capital plutôt que le travail, afin d’éliminer les situations de rente et de favoriser l’efficacité économique et la justice sociale.

Allais était aussi passionné de physique et d’histoire. Il a mené des recherches sur la gravitation et le mouvement du pendule, et a proposé l’« effet Allais » en physique, bien que ses travaux dans ce domaine soient restés marginaux.

Son œuvre, à la fois foisonnante et parfois controversée, a profondément marqué la pensée économique française et internationale, même si ses idées ont parfois été marginalisées. Maurice Allais demeure le seul économiste français à avoir reçu le prix Nobel d’économie, consacrant une carrière exceptionnelle d’ingéniosité et d’indépendance intellectuelle.

Maurice Allais a conceptualisé la souveraineté nationale principalement à travers une critique de la mondialisation libérale et une réflexion sur le rôle de l’État dans l’économie. Sa pensée évolue nettement au fil du temps : d’abord favorable à une intégration européenne fondée sur une homogénéité économique et sociale, il devient par la suite l’un des principaux critiques de la construction européenne telle qu’elle s’est opérée, dénonçant la perte de souveraineté monétaire et économique des États.

Il insiste sur le fait que la monnaie est un attribut essentiel de la souveraineté. Selon lui, l’abandon de la création monétaire nationale prive l’État d’un levier fondamental pour financer ses politiques et gérer les crises. Il critique la monnaie unique européenne, qui oblige les États à renoncer à ce pouvoir, les plaçant dans une situation de dépendance vis-à-vis des marchés financiers et des institutions supranationales.

A ses yeux, le bon fonctionnement de l’économie de marché nécessite un cadre institutionnel défini par la nation souveraine. Il considère que la libéralisation des échanges n’est souhaitable qu’entre pays de niveau de développement comparable ; sinon, elle engendre chômage et désindustrialisation. La souveraineté nationale est donc la condition de la capacité d’un État à protéger ses intérêts économiques et sociaux.

Il propose une réforme radicale de la fiscalité, où l’État, représentant la collectivité nationale, prélèverait toutes les rentes économiques par un impôt sur le capital. Il s’oppose à la fiscalité sur le travail et les revenus, estimant que la collectivité a un droit supérieur sur les ressources issues du capital, ce qui renforce le rôle central de l’État souverain dans la redistribution et la justice sociale.

Corollairement, il dénonce le « libre-échangisme mondialiste » qui, selon lui, affaiblit la souveraineté nationale en soumettant les économies à la concurrence de pays à bas salaires et à des marchés financiers dérégulés. Il prône une préférence communautaire et la protection des marchés nationaux ou régionaux pour préserver la capacité des États à décider de leur politique économique.

Allait voyait voit dans la perte de souveraineté un danger pour la démocratie, la justice sociale et la stabilité économique. Sa réflexion s’inscrivait dans une défense du cadre national comme espace privilégié de la décision politique et de la protection de l’intérêt général face à la mondialisation et à l’intégration supranationale.

Stéphane GAUDIN
Stéphane GAUDINhttp://www.theatrum-belli.com/
Créateur et directeur du site THEATRUM BELLI depuis 2006. Officier de réserve citoyenne Terre depuis 2018, rattaché au 35e régiment d'artillerie parachutiste de Tarbes. Officier de réserve citoyenne Marine de 2012 à 2018, rattaché au CESM puis au SIRPA. Membre du conseil d'administration de l'Amicale du 35e RAP. Membre associé de l'Union IHEDN AR7 (région Centre Val-de-Loire). Chevalier de l'Ordre National du Mérite.
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