3 novembre 1867 : bataille de Mentana (Italie).
Mentana, ville de la province de Rome, dans le Latium, est le théâtre d’une bataille livrée le pendant les guerres du Risorgimento et qui oppose les Chemises rouges de Giuseppe Garibaldi aux troupes pontificales et françaises commandées respectivement par les généraux Hermann Kanzler et Polhes. Les forces garibaldiennes, qui voulaient intégrer les États pontificaux à l’Italie et faire de Rome la capitale de ce pays, subissent une défaite décisive mettant fin à leur campagne de l’Agro Romano pour la libération de Rome.
Le 3 novembre les zouaves et carabiniers pontificaux (3 000 fantassins) sortent de Rome ; devant Mentana, ils sont rejoints par le corps expéditionnaire français. Ils ont, face à eux, les chemises rouges de Garibaldi, mal équipés et sans artillerie.
Malgré leur surnombre, les volontaires garibaldiens battent en retraite, laissant sur le champ de bataille un millier de morts et de blessés. 1 400 soldats seront faits prisonniers.
Ce fut la première bataille durant laquelle les soldats français utilisèrent les fusils Chassepot (le modèle 1866). À l’issue de la bataille le général de Failly, commandant du corps expéditionnaire français, télégraphia à Napoléon III cette phrase restée célèbre : « Sire, les Chassepots ont fait merveille ! ».
3 novembre 1894 : naissance du pilote et as canadien William George Barker
Né dans la ferme familiale à Dauphin dans le Manitoba, « Will » Barker grandit en tant que garçon de ferme. Il n’était pas particulièrement intéressé par l’école et passait le plus clair de son temps à monter à cheval et à chasser. Son intérêt pour le tir se renforça alors qu’il était adolescent et de ce fait il dépensait la majeure partie de son argent de poche en munitions. Il devint un tireur de talent, s’entraînant sur des distances multiples aux alentours de Dauphin ou Winnipeg. Sa famille déménagea à Winnipeg peu de temps avant que la Première Guerre mondiale ne commence.
En décembre 1914, peu après le commencement de la guerre et la mobilisation décrétée au Canada, Barker s’engage dans le premier régiment de Mounted Rifles (cavaliers armés de fusils) . Il semblait naturel qu’il s’engage dans la cavalerie, utilisant à cet effet son expérience passée. Son régiment partit pour l’Angleterre au cours du printemps 1915 et puis en France le 22 septembre de la même année. Finalement, les chevaux furent délaissés et le régiment se convertit en infanterie, combattant dans les tranchées.
À ce moment, le Royal Flying Corps était à la recherche de pilotes et jetait son dévolu sur des hommes tels que Barker car ceux-ci possédaient un sens acquis de l’équilibre, hérité de leurs expériences de cavaliers. Barker fut transféré au Royal Flying Corps en mars 1916 en tant qu’observateur/mitrailleur, avec le grade de caporal. Il rejoignit la 9e escadrille, qui se trouvait être un corps de coopération dans la région de la Somme. Le 2 avril, il reçut le grade de second lieutenant et se vit accorder cinq jours de permission à Londres afin de se procurer un uniforme d’officier. À son retour, il fut transféré à la 4e escadrille et plus tard à la 15e escadrille. Il commença officiellement comme observateur le 27 août et le 15 septembre servit pour la première fois aux côtés de ses compatriotes dont ceux de son ancien régiment. Il reçut la Military Cross pour ses actions lors de la phase finale de la bataille de la Somme en novembre 1916. En janvier 1917, après avoir fêté Noël à Londres, il commença comme pilote, s’entraînant sur la base de Netheravon. Il servit une deuxième fois comme pilote au sein du corps de coopération, avant de devenir pilote de chasse sur un Sopwith Camel. Il y eut une tentative d’en faire un instructeur mais, Barker violant délibérément les règles de combat aérien, s’arrangea pour être de nouveau transféré en France. Il reçut alors le commandement d’un groupe au sein de la 28e escadrille.
Le 26 octobre, la 28e escadrille fut transférée en Italie et la majorité de l’unité, tant le personnel que les avions, voyagea par train jusqu’à Milan. L’un de ses raids les plus fameux, mais aussi l’un des plus controversés, romancé par Ernest Hemingway dans son œuvre Les neiges du Kilimandjaro, se produisit le en Italie. Prenant les allemands par surprise, Barker et son équipier, Harold Hudson, endommagèrent gravement un aérodrome, concentrant leur feu sur un hangar et détruisant plusieurs avions. Il est dit que l’un de ses coéquipiers préférés était l’as Gerald Birks.
À ce moment, l’appareil de Barker devint l’avion le plus prolifique de l’histoire de la RAF, abattant 46 avions et ballons de septembre 1917 à septembre 1918, sur un total de 404 heures de vol. Il fut retiré du service en octobre 1918, Barker gardant la montre comme souvenir, même s’il lui fut demandé de la remettre le jour suivant !
Après avoir volé plus de neuf cents heures en missions de combat sur une période de deux ans et demi, le commandant de Barker le transféra au Royaume-Uni en septembre 1918. Aux quartiers généraux de la RAF à Londres, il se vit accorder un mandat itinérant de dix jours. Barker choisit un Sopwith Snipe et rejoint de son propre chef la 201e escadrille, qui était commandée alors par Cyril Leman, un de ses compagnons lorsqu’il était observateur.
Il reçut la croix de Victoria pour son mérite au cours de la journée du . Alors qu’il emmenait son appareil vers le dépôt, il franchit les lignes ennemies à une hauteur de 6 500 mètres au-dessus de la forêt de Mormal. Il attaqua un avion biplace ennemi, le brisant en deux, l’équipage de ce dernier s’échappant en parachute. De son propre aveu, il fit preuve d’imprudence et fut pris en chasse par un groupe de Fokker D.VIIs. Dans un combat aérien descendant et intense contre une quinzaine d’appareils, Barker fut blessé par trois fois aux jambes, eut son épaule gauche brisée, mais parvint à garder le contrôle de son avion et descendit trois avions ennemis supplémentaires. Cette lutte aérienne se déplaça quelque peu pour se poursuivre au-dessus des lignes canadiennes, ce qui fit que les derniers instants du combat furent suivis par quelque 100 000 combattants. Gravement blessé et saignant abondamment, Barker parvint à atterrir en catastrophe et fut sauvé par des hommes de la section des ballons d’observation de la RAF qui l’emmenèrent dans un hôpital de campagne.
Il resta entre la vie et la mort jusqu’à la mi-janvier 1919 dans un hôpital de Rouen, puis fut transféré en Angleterre. Il dut attendre jusqu’au 1er mars afin d’être suffisamment valide pour faire les quelques pas vers le Buckingham Palace pour la remise de sa décoration.
Son tableau de chasse officiel durant la guerre est d’un avion capturé, 9 ballons détruits (dont 7 partagés), 35 avions abattus (dont 2 partagés), et 5 avions hors de combat.
Barker revint au Canada en mai 1919 en tant que soldat canadien le plus décoré de la guerre, avec la Victoria Cross, la Distinguished Service Order avec une barrette, la Military Cross avec deux barrettes, l’étoile de 1914-1915, la médaille de guerre britannique 1914-1920, la médaille de la victoire avec feuille de chêne, la croix de guerre française avec étoile de bronze et deux médailles d’argent italiennes (médailles du courage) pour sa valeur. Il fut également cité trois fois à l’ordre de l’armée. Il reste à ce jour le soldat canadien le plus décoré de l’histoire de ce pays.
Par la suite, il monta une affaire, Bishop-Barker Aeroplanes Limited, avec un autre as canadien récipiendaire de la croix de Victoria, Billy Bishop, qui dura trois ans. Le lieutenant-colonel Barker rejoignit la force aérienne canadienne naissante en 1922, et reçut le commandement de la RCAF en 1924. Il fut diplômé de l’école d’encadrement de la RAF à Andover en 1926. L’une de ses contributions à la RCAF fut l’introduction du parachute. Après avoir quitté la RCAF, il devint le premier président du club de hockey des Maple Leafs de Toronto, et prit des intérêts dans la culture du tabac dans la région du sud-ouest de l’Ontario.
Malheureusement, il souffrait toujours des conséquences de ses blessures de 1918 notamment aux niveaux des jambes et de son coude gauche et tomba dans l’alcoolisme dans les dernières années de sa vie. Il mourut en 1930 près d’Ottawa quand il perdit le contrôle de son appareil, un biplan Fairchild KR-21 qui s’écrasa sur les eaux gelée de la rivière des Outaouais, au cours d’un vol de démonstration de la RCAF à l’aérodrome de l’Aviation royale du Canada à Rockcliffe. Barker, âgé de 35 ans, était alors le président et directeur-général de la compagnie Fairchild Aircraft à Montréal.
3 novembre 1898 : le commandant Marchand quitte Fachoda (Soudan).
Pour éviter un affrontement avec les Britanniques, le gouvernement français donne l’ordre au commandant Marchand d’évacuer le poste de Fachoda qu’il occupe pourtant depuis des semaines avant l’arrivée du général Kitchener.
3 novembre 1914 : bataille de Tanga (actuelle Tanzanie).
Appuyée par le HMS Fox, une troupe britannique de 8 000 réservistes indiens (partis de Bombay le 16 octobre) débarque près de la ville de Tanga pensant en chasser facilement le petit détachement allemand (200 soldats) chargé de protéger l’Afrique Orientale Allemande. Le débarquement anglais s’effectue sans reconnaissance préalable et est sanglant. Le LCL von Lettow-Vorbeck, énergique commandant de la garnison allemande, inflige une sévère défaite aux assaillants avec 1 000 Ascaris réunis dans l’urgence.
Un important stock d’armes et munitions est abandonné sur la plage qui va servir à Lettow-Vorbeck à tenir en échec les Britanniques durant toute la guerre. Mieux encore, il mobilise contre lui jusqu’à la capitulation, près de 300 000 soldats de sa Majesté qui souffrent de ses actions de guérilla. Resté invaincu sur l’actuel territoire de la Tanzanie, il est accueilli en héros en Allemagne à la fin de la guerre et décoré de la médaille « Pour le Mérite ».
Aimé de ses hommes (des Ascaris survivants se rendront à ses funérailles en 1964) et considéré comme un homme d’honneur par ses ennemis (ses anciens adversaires se cotiseront pour lui payer une retraite que l’Allemagne lui refuse), il est resté comme l’image de l’officier colonial ouvert et généreux.
3 novembre 1916 : les Français reprennent le fort de Vaux (Verdun)
« Dans la journée d’hier, sous la violence de notre bombardement prolongé depuis plusieurs jours et sans attendre l’attaque de notre infanterie dont la pression se faisait de plus en plus étroite, l’ennemi a évacué le fort de Vaux. Au cours de l’après-midi, de très fortes explosions ont été observées dans le fort. A la nuit, notre infanterie, qui s’était rapprochée à très courte distance, a occupé cet important ouvrage sans aucune perte. La ceinture des forts extérieurs de Verdun est maintenant rétablie dans son intégrité et solidement tenue par nos troupes ».
Bulletins officiels français : Paris, 3 novembre 1916, 3 heures.
3 novembre 1918 : mutinerie des marins allemands dans le port de Kiel (Allemagne).
Les mutineries de Kiel éclatent au début de et préludent à l’effondrement de l’Empire allemand et à la fin de la Première Guerre mondiale. Elles s’ouvrent sur le refus des marins de quelques navires de la Marine impériale allemande stationnée dans la rade de Wilhelmshaven, d’appareiller pour combattre la Royal Navy. Compte tenu de la mutinerie de plusieurs équipages, le commandement ordonne le retour de la IIIe escadre à Kiel, où les ouvriers prennent aussitôt fait et cause pour les marins. Il s’ensuit une insurrection régionale : partis de Kiel, les troubles révolutionnaires gagnent bientôt les grands centres urbains et marquent le début de la révolution allemande de 1918-1919, avec pour conséquence immédiate la chute de la monarchie en Allemagne et la proclamation de la République.
***
À l’origine de cette rébellion, il y a l’ordre donné secrètement par l’amiral Scheer le . Cet ordre résultait de l’application du plan du contre-amiral von Trotha, chef d’État-major de la Flotte. Il s’agissait de négocier la fin du conflit sur « un dernier combat naval décisif de la Flotte allemande contre la Royal Navy, quand bien même ce serait un duel à mort », bien que le nouveau gouvernement du Reich, dirigé par le prince Max von Baden fût en train de négocier un armistice avec les puissances ennemies de l’Entente, à la demande pressante de l’OHL. Selon von Trotha, « Une flotte paralysée par une paix subie n’a pas d’avenir ». Ce n’est qu’après-coup que l’amiral Scheer justifia son ordre en prétendant qu’il s’agissait d’appuyer l’armée des Flandres depuis les côtes.
En prévision de l’engagement naval, la Hochseeflotte partit mettre au mouillage dans la rade de Schillig, au nord de Wilhelmshaven. La nécessité du secret fit qu’on ne donna les ordres qu’au dernier moment. Alors dans la nuit du 29 au , certains équipages de la IIIe escadre (ceux du SMS König, du SMS Markgraf et du SMS Großer Kurfürst) refusèrent de lever l’ancre et même la confrontation dégénéra en mutinerie ouverte et sabotage à bord de deux navires de la Ire escadre, le SMS Thüringen et le SMS Helgoland : les marins ne voulaient à aucun prix devenir, à l’aube de la défaite, les victimes inutiles d’un combat désespéré uniquement justifié par le code de l’honneur suranné de leurs officiers. Mais lorsque, le , les torpilleurs et sous-marins braquèrent leurs lance-torpilles sur le Thüringen et le Helgoland, les marins et leurs meneurs finirent par se rendre et se laissèrent arrêter sans résistance.
Les amiraux renoncèrent à appliquer l’ordre d’attaque, car ils avaient perdu confiance dans la détermination des équipages. On ordonna d’abord à la IIIe escadre de regagner sa base de Kiel ; mais son commandant, le vice-amiral Kraft, décida une dernière fois de faire manœuvrer ses navires dans le golfe d’Heligoland. Devant l’ordre impeccable de l’exercice, il crut avoir repris ses hommes en main. Pendant la remontée du canal de Kiel, il fit mettre aux arrêts 47 matelots du SMS Markgraf, considérés comme des meneurs.
Les prisonniers furent débarqués à l’écluse maritime d’Holtenau puis transférés à la maison d’arrêt de la Karlstraße (aujourd’hui Feldstraße), et enfin incarcérés au Fort Herwarth, au nord de Kiel. Bénéficiant désormais d’une permission largement accordée, le reste des marins et leurs leaders firent tout leur possible pour empêcher de nouveaux ordres et obtenir la libération de leurs camarades. Environ 250 d’entre eux se réunirent dans la soirée du 1er dans la maison des syndicats. Les officiers refusant de recevoir les délégations de marins dépêchées vers eux, les marins se rapprochèrent des syndicats : l’USPD et le SPD. Là-dessus, le , la police encercla la maison des syndicats, ce qui ne fit qu’amplifier les attroupements de manifestants sur la place d’armes. Le marin-mécanicien Karl Artelt, de la base de torpilleurs de Kiel-Wik (et plus précisément affecté à l’atelier de réparation) et l’ouvrier de l’arsenal Lothar Popp (tous deux membres de l’USPD), appelèrent le à un rassemblement de masse sur la place d’armes de Kiel. Tous deux s’étaient munis de tracts invitant marins et ouvriers à se joindre à la manifestation et ne pas laisser tomber leurs camarades prisonniers.
Le lendemain après-midi, la manifestation rassemblait plusieurs milliers de personnes. Outre les marins, on y trouvait les familles ouvrières de Kiel. Tous exigeaient la fin de la guerre, et le retour à des conditions d’approvisionnement normales (Frieden und Brot). Puis ils se joignirent au mot d’ordre d’Artelt, demandant la libération des mutinés. À la caserne de Waldwiese, où les soldats étaient en garnison, on libéra les détenus et l’on pilla les magasins d’armes. À l’approche de la maison d’arrêt, le lieutenant Steinhäuser, chef de la Garde, ordonna à sa patrouille de barrer la route aux manifestants, et de tirer dans la foule une fois les sommations faites. Sept manifestants furent abattus, 29 grièvement blessés. On ouvrit aussi le feu ailleurs que dans la manifestation. Steinhäuser, atteint par des coups de feu et frappé à coups de tuyau, fut grièvement blessé (contrairement à une histoire répandue, il fut ensuite soigné au lazaret et libéré). Finalement, manifestants et soldats se dispersèrent. Cet affrontement armé spontané est généralement considéré comme le véritable point de départ de la révolution allemande.
Le matin du , des groupes isolés de marins révoltés parcouraient les rues de la ville. Les marins et soldats en garnison dans la principale caserne, celle de Kiel-Wik, devaient répondre à l’appel. Mais après la harangue du commandant, il se forma une protestation spontanée. Karl Artelt appela à l’élection d’un conseil de soldats. Le vice-amiral Souchon, gouverneur militaire de Kiel, dut se résoudre à négocier.
Au soir du , Kiel était pratiquement aux mains des rebelles. La garnison cessa de lutter et les scènes de fraternisation se multiplièrent. Presque tous les navires se mirent à arborer le drapeau rouge en signe de ralliement à la révolution. Simultanément, les conseils de soldats s’organisaient un peu partout. Le premier conseil ouvrier ne survint que plus tard, formé de représentants des partis sociaux-démocrates, de syndicats de fonctionnaires et de syndics. Le président de ce conseil ouvrier fut Gustav Garbe. Sur proposition de Popp, les conseils de soldats formèrent un Haut-Conseil regroupant les délégués de toutes les unités. Le au matin, il proclamait la revendication en 14 points de Kiel :
- Libération simultanée des mutins arrêtés et des détenus politiques.
- Liberté totale d’expression et liberté de la presse.
- Suspension de la censure postale.
- Traitement convenable des équipages par la hiérarchie.
- Réincorporation sans punition des camarades à bord des navires et dans le casernes.
- L’appareillage de la Flotte ne doit se faire sous aucun prétexte.
- Toute mesure de défense impliquant que le sang coule est interdite.
- Retrait de toutes les unités étrangères à la garnison.
- Toutes les mesures visant à protéger la propriété privée seront désormais décidées par le Conseil des soldats
- Il n’y a plus de hiérarchie en dehors du service.
- Liberté personnelle sans restriction de tout homme de la fin du service à la prochaine reprise du service.
- Nous accueillons tous les officiers qui se diront d’accord avec les mesures adoptées jusqu’ici par le conseil des soldats. Tous les autres, à moins qu’ils ne soient responsables de l’approvisionnement, doivent démissionner.
- Tous les membres du Conseil de soldats doivent être exemptés du service.
- Toutes les mesures à venir ne pourront entrer en vigueur qu’après approbation du conseil des soldats.
Dirk Dähnhardt estime que « …les quatorze points étaient avant tout une attaque contre l’appareil militaire, ils étaient largement étrangers à toute revendication politique ». Il argumente cela d’une part sur la composition hétérogène des commissions, d’autre part sur le fait qu’il ne fut d’abord question que de dresser une liste de mesures d’urgence. Au cours du mois de novembre, bien d’autres conseils ouvriers devaient, à travers tout l’empire, se rallier à ces 14 Points. C’est pourtant dans la vision politique de court terme reflétée par ces revendications même, que Dähnhardt décèle la fin prochaine des conseils, qui se dispersèrent en l’espace de six mois.
Pour appuyer leurs revendications, les insurgés menacèrent de bombarder avec les navires de guerre dont ils étaient désormais maîtres, le quartier résidentiel des officiers bâti à Düsternbrook le long du rivage. Lorsque, vers la fin des pourparlers entre Artelt et l’amiral Souchon, des troupes chargées de réprimer l’insurrection firent mouvement vers Kiel, ces troupes se heurtèrent aux marins ; alors, certains soldats se replièrent, tandis que d’autres fraternisaient avec le mouvement populaire.
Le ministre plénipotentiaire du gouvernement, le député Gustav Noske (SPD), accouru depuis Berlin avec le secrétaire d’État Conrad Haußmann, du Parti populaire progressiste, fut accueilli le dans l’enthousiasme par les ouvriers et les soldats ; le lendemain, il fut élu président du Conseil des Soldats.
Le , l’arsenal de Kiel fut le théâtre d’une grave altercation : alors que marins et ouvriers tentaient d’arracher le drapeau impérial du SMS König, des officiers leur barrèrent la route. Le Kapitän zur See Carl Wilhelm Weniger, commandant du navire, reçut trois blessures. Le capitaine de corvette Bruno Heinemann et l’enseigne Wolfgang Zenker furent abattus. En 1938, le régime nazi baptisa deux destroyers en hommage à ces deux officiers (le Bruno Heinemann et le Wolfgang Zenker).
Le , le conseil ouvrier appela à la révolution, proclamant : « Le pouvoir est entre nos mains (Die politische Macht ist in unserer Hand) ». Par la suite, Popp reprit la présidence du Haut-conseil de soldats tandis que le député Noske remplaçait l’amiral von Souchon au poste de gouverneur militaire. Noske, diplomate courageux et retors, devait ainsi préserver, semaine après semaine, les structures en place. Il finit par étouffer dans l’œuf ce qui aurait pu être une réforme républicaine démocratique exemplaire, ce dont les événements de Kiel avaient donné la preuve éclatante, comme le dit Wolfram Wette, chercheur du Militärgeschichtliches Forschungsamt.
La révolution en Allemagne naquit avec l’insurrection des matelots du port militaire de Kiel, car les conseils de soldats avaient propagé leurs revendications : un mouvement spontané gagna d’autres villes portuaires, puis même les grands centres ouvriers de la Ruhr et de Bavière. Les délégués des partis ouvriers allemands et des syndicats prirent en main l’action politique par l’organisation de conseils ouvriers.
L’état insurrectionnel à Kiel prit fin d’autant plus vite que la plupart des marins décidèrent de quitter la ville, faisant marche (la ligne de chemin de fer n’étant plus desservie) vers Neumünster, d’où ils poussèrent à la révolution tout l’Empire allemand, en créant, comme ils l’avaient fait à Kiel, des conseils ouvriers.
Le , pratiquement tout le nord-ouest de l’Allemagne était aux mains de conseils ouvriers ; le 7, Kurt Eisner proclamait la république en Bavière ; le 8, la révolution gagnait la Saxe, la Hesse, la Franconie et le Wurtemberg, poussant les princes à l’abdication ; le 9, le chancelier du Reich Max von Baden annonça, sous la pression des événements, l’abdication de l’empereur Guillaume II, réclamée par les dirigeants du SPD. Lui-même abandonna la direction du pays au président du SPD, Friedrich Ebert ; tandis que Philipp Scheidemann proclamait la « première république de Weimar » depuis le balcon du Reichstag, au château de Berlin Karl Liebknecht proclamait, lui, la « république libre socialiste ».
Après la chute du régime impérial, le gouvernement social-démocrate fit venir à Berlin des marins de Kiel et de Cuxhaven pour défendre les institutions républicaines : ils formèrent la division de marine populaire (Volksmarinedivision) qui, après une nouvelle mutinerie, est dissoute en .