A la mémoire de Francis Klotz né le 12 juin 1920 et mort pour la France le 27 septembre 1945 (le jour du mariage de son frère François).
En 1945, il a 25 ans et est lieutenant, mobilisé en Indochine. Ses états de service au cours des dernières années et sa part prise dans les combats contre l’Axe l’ont amené comme son frère, François à faire partie du Service Action.
C’est à ce titre qu’il est parachuté sur les bords du Mékong au Laos, non loin de Thakhek un peu au sud du 16e parallèle, avec Edith Fournier, opératrice radio, le 20 septembre 1945.
Le 27 septembre, le capitaine Kemp, le major Reeves et le lieutenant Klotz traversent le Mékong en pirogue avec quelques otages pour les rapatrier en territoire tenu aux mains des Viets. Très nerveux Reeves a fait retarder le voyage d’otages rapatriés, et, dès l’accostage, il s’est ostensiblement écarté du Français et de l’Anglais. A ce moment, un groupe de soldats Viêtminh débouche en courant et en criant : “Dehors les Blancs !”
Kemp tente de parlementer en disant qu’il est responsable de l’ordre au sud du 16ème parallèle, mais le chef du détachement viêtminh lui fait comprendre qu’il ne peut rien contre une vingtaine de soldats bien armés et décidés.
— C’est bon, nous partons, dit l’Anglais.
A ce moment les Viêtminh prétendent garder l’officier français.
Et c’est Erwan Bergot qui raconte la fin dans “Les Héros oubliés” (Grasset).
“C’est un prisonnier de guerre ! Nous sommes en guerre avec la France !” dit le responsable Viet. Kemp veut protester, mais le claquement sec de l’armement d’une culasse l’en empêche. Il se place alors devant le lieutenant Klotz qui protège de son corps, mais un Viet se glisse derrière, pistolet à la main pour lui couper la retraite.
Il veut appeler Reeves, mais l’Américain lance : “Je ne bouge pas, je suis neutre !”.
Un coup de feu part, puis un second. Atteint dans le dos, Francis Klotz titube. Kemp se retourne, le soutient et le porte dans la pirogue où il meurt, la tête sur les genoux de l’officier britannique, sans avoir pu dire un seul mot, les yeux fixés sur l’américain.
A Nakhon Phanom, Kemp a veillé le corps du Français toute la nuit et le lendemain, pour les obsèques, toute la population est là en vêtements de deuil, au premier rang les femmes et les enfants que le lieutenant avait arrachés aux Viêtminh.
Reeves arrive à son tour. Il a revêtu sa grande tenue. Kemp marche à sa rencontre, l’œil sec, la mâchoire contractée :
“Fichez le camp !” lui jette-t-il. Vous avez déshonoré l’uniforme que vous portez”.
Par décret du 6 juillet 1949, Francis Klotz a été nommé au grade de Chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur à titre posthume avec attribution de la croix de guerre avec palme.