Par un vote de l’Assemblée nationale, le Parlement a adopté définitivement lundi 20 février la loi instaurant le 11 novembre comme une journée « en hommage à tous les morts pour la France ». Je note, mais est-ce surprenant, que seul le groupe des députés du Front de gauche a voté contre ce texte. Et ce mouvement présente un candidat, Jean-Luc Mélenchon, à l’élection présidentielle notamment à la fonction de chef des armées. Il est vrai aussi que, nouveauté, ce même mouvement a introduit la Marseillaise dans ses meetings. N’y a-t-il pas contradiction ou n’est-ce que de la façade patriotique ?
Il est important aussi de dire que la nouvelle loi (Il fallait une loi pour cela !) fait aussi obligation aux communes d’inscrire sur leurs monuments aux morts les noms de tous ceux qui se vont vu reconnaître la mention « mort pour la France », quel que soit le conflit dans lequel ils ont combattu. Bravo à nos parlementaires et honte à ces membres du front de gauche.
Je mets en ligne en ligne cet article que j’ai publié en janvier 2012 dans la revue de l’association nationale des officiers de carrière en retraite (non, je ne suis pas encore en retraite mais la revue et l’association méritent d’être connues, http://www.anocr.com/ !) sur la place future des anciens combattants dans notre société, en phase donc avec cette nouvelle loi.
L’ancien combattant a eu pendant longtemps une image « ringarde », de « vieux » qui racontait ses campagnes, diffusant l’impression de donneur de leçon à une jeunesse qui n’avait plus les valeurs d’engagement qu’il avait eues lui-même. C’est aussi cette image des années post 68 du « militariste » caricature du patriote xénophobe tel que cela était diffusé dans une partie de l’électorat français. Aujourd’hui, la notion d’ancien combattant a-t-elle encore une signification pour nos concitoyens, sinon pour nous-mêmes, a-t-elle évolué ?
Hier les combattants menaient des combats autrement plus importants qu’aujourd’hui. La mort et les conséquences des blessures étaient presque des certitudes. L’engagement était non seulement celui du soldat, conscrit ou de carrière, mais aussi de la nation car il s’agissait de guerres que ce soit les conflits mondiaux ou bien les guerres coloniales. L’Etat avait pris en charge après la 1ère guerre mondiale ces combattants blessés, mutilés. Cela impliquait à la fois un devoir de reconnaissance et un devoir de réparation de la France envers ceux qui l’avaient servie au nombre de plusieurs millions qu’ils soient français ou étrangers. Le premier Office leur étant consacré a été créé en 1916. En 1926, l’Office du combattant intègre les anciens combattants non pensionnés, c’est-à-dire ni blessés, ni mutilés, ni invalides. En 1935, l’Office national des mutilés, combattants, victimes de la guerre et pupilles de la Nation prend en compte l’ensemble des problématiques des anciens combattants et des victimes de guerre.
Aujourd’hui, l’office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) est l’unique interlocuteur des anciens combattants. Il regroupe sous ce terme aussi bien ceux qui ont combattu en tant que soldats, qu’au titre de la résistance, ont été déportés, ont subi le travail obligatoire pendant la seconde guerre mondiale. Cela donne une image différente de ce que serait un ancien combattant dans l’imaginaire populaire. Finalement toute personne ayant combattu ou ayant subi un préjudice suite à un conflit considéré juridiquement comme tel est considéré comme appartenant au monde des anciens combattants.
Quelle peut être la place de l’ancien combattant demain ? En premier lieu, le terme est-il adapté à notre époque dès lors que les jeunes « anciens combattants » seront présents, certes beaucoup moins nombreux que leurs prédécesseurs, dans la société civile et ce pendant de nombreuses années. Ils regrouperont essentiellement des personnes ayant combattu. Les militaires d’active en constitueront à terme une grande partie. Ne faut-il donc pas plutôt qualifier l’ancien combattant de vétéran, certes terme bien anglo-saxon mais que chacun connaît… notamment par les séries américaines mais qui qualifie bien celui qui a combattu ?
En second lieu, la reconnaissance par l’Etat, par la communauté nationale, leur reconnaissance entre eux par le biais des associations constituent aussi une nécessité pour que leur engagement ne soit ni méconnu, ni ignoré. Elles font partie du devoir de mémoire national. Elles doivent dépasser les seuls droits à compensation ou à réparation. Elles comprennent l’organisation du partage de cette mémoire à travers les générations et dans la nation, y compris par une plus grande présence de l’armée d’active dans le monde de l’éducation. La mise à l’honneur des vétérans du 21ème siècle doit enfin s’exprimer sur les sites historiques, par les commémorations dont celle du 11 novembre doit être la plus emblématique.
Notre vision de l’ancien combattant doit donc évoluer avec notre temps en s’orientant sur la préparation de l’avenir et pas uniquement sur la mise en exergue du passé, afin de contribuer à la construction de cette mémoire collective et vivante, porteuse de valeurs qui fondent une nation.