Mme la présidente Françoise Dumas. Je vous remercie, Madame la ministre, d’ouvrir notre cycle budgétaire. Cette audition est publique : il importe que nos concitoyens soient informés directement des enjeux de notre défense et des arbitrages financiers qui permettent à nos armées d’assurer efficacement leur mission, « préparer et assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation ».
Mes premiers mots sont de félicitations, car l’engagement est tenu. L’élément principal du projet de loi de finances 2021 pour les crédits de la mission « défense » est le respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM), ce qui consolide la remontée en puissance de nos armées. Pour la troisième année consécutive, le budget de la défense est en hausse. Il s’établit à 39,2 milliards d’euros, en augmentation de 1,7 milliard par rapport au PLF 2020. La comparaison entre la loi de finances initiale de 2017 et ce projet de loi de finances (PLF) montre une hausse globale des crédits de 6,8 milliards, soit 21 % – ce n’est pas rien !
Nous nous en réjouissons d’autant plus que les armées ont été fortement mobilisées dans la lutte contre l’épidémie du covid-19, avec l’opération Résilience. Elles le sont également lorsque des catastrophes se produisent. Ce fut le cas il y a quinze jours dans le Gard, et ce week-end encore dans l’arrière-pays niçois où elles ont ravitaillé des villages isolés après de dramatiques intempéries et évacué les personnes en péril. Nous les en remercions, et nous sommes aux côtés des populations touchées et de nos collègues élues des Alpes-Maritimes, Mmes Trastour-Isnart et Valetta-Ardisson.
Cette conjonction de facteurs a mis en lumière l’impérieuse nécessité de poursuivre la remontée en puissance d’un modèle national d’armée cohérent, complet et équilibré, et souligné la légitimité de l’amélioration de la vie de nos soldats, l’une de vos priorités. C’est chose faite aujourd’hui ; je note en particulier l’effort consenti en faveur du service de santé des armées (SSA), en première ligne des mois durant, et dont les crédits augmenteront de 27 %.
Vous aurez l’occasion de préciser, Madame la ministre, les commandes et les livraisons d’équipements prévues en 2021, mais deux éléments doivent être soulignés. D’abord, la double crise, de l’offre et de la demande, que traverse notre base industrielle et technologique de défense (BITD), la première induite par le ralentissement de la production en raison du confinement, la seconde par la contraction de la demande sur les marchés civils des entreprises duales, en particulier dans le secteur aéronautique frappé par la réduction de la demande extérieure. Ensuite, le rôle fondamental de l’État dans le développement et la pérennisation de la BITD, dont la viabilité à moyen et long terme dépend de l’investissement programmé dans la modernisation de l’armement. Cet investissement est un canal de relance économique plus efficace et plus rapide que d’autres parce que la BITD stimule l’innovation technologique qui irrigue le reste de l’économie et parce que son effet multiplicateur budgétaire est particulièrement élevé. L’industrie de défense, industrie souveraine, développe le tissu industriel de tous nos territoires ; je me réjouis en conséquence que 22 des 39,7 milliards prévus soient consacrés à la modernisation des infrastructures et des équipements.
Ce budget a aussi pour priorité résolue d’être « à hauteur d’homme », comme le demande la LPM et comme vous le vouliez à titre personnel. En 2021, l’armée sera le premier recruteur de France, avec 27 000 embauches prévues et 300 créations de postes dans les domaines prioritaires du renseignement, de la cyberdéfense et du soutien aux exportations. De plus, 237 millions seront consacrés à l’amélioration des conditions d’hébergement des militaires, domaine sur lequel notre commission a appelé plusieurs fois votre attention, et un dispositif renforcé d’indemnisation de la mobilité géographique est prévu.
Enfin, au moment de la création de l’armée de l’air et de l’espace, je me réjouis de l’attention portée à l’espace, dont la maîtrise constitue un élément décisif pour toute action militaire, avec un budget attendu de 624 millions, dont une centaine pour les lanceurs.
Mme Florence Parly, ministre des Armées. C’est un plaisir pour moi de vous retrouver pour cette traditionnelle audition de présentation du budget et pour vous féliciter, Madame la présidente, pour la confiance que vous ont renouvelée vos collègues en vous réélisant à la tête de la commission, ainsi que les membres du bureau. J’ai une pensée particulière pour le président Olivier Faure et pour Josy Poueyto, convalescents.
Mes pensées vont aussi aux victimes des terribles intempéries qui se sont abattues sur les Alpes-Maritimes, et aux personnes disparues ; j’adresse tout mon soutien à leurs familles et à leurs proches dans cette épreuve. Face à la catastrophe provoquée par la tempête Alex, les armées, vous l’avez dit, ont été mobilisées pour venir en aide à la population de Saint-Martin-Vésubie et des villages environnants. Quatre hélicoptères de transport Puma et Caïman ont évacué et mis à l’abri 420 personnes depuis samedi ; ces moyens aériens ont également permis d’acheminer des équipes de sauvetage de la sécurité civile et des stocks de nourriture et d’eau dans les lieux en situation critique, totalement coupés du monde. Plusieurs unités de l’armée de terre, de la Légion étrangère et des chasseurs alpins déblayent les routes, dégagent les axes, remettent en état tout ce qui pourra l’être et aident les secours à rétablir le plus rapidement possible la circulation et à rouvrir les axes de la vallée de la Roya. Comme vous l’avez fait, je salue leur engagement et celui de l’ensemble des secours, notamment des militaires des unités de la sécurité civile à pied d’œuvre depuis la nuit de vendredi à samedi.
En présentant le budget 2020, il y a un an, j’avais rappelé que le Premier ministre Michel Rocard, pour lequel j’ai le plus grand respect, considérait la loi de programmation militaire comme « un pur exercice de poésie ». Le budget 2021 dément à nouveau cette affirmation : cette année encore, le budget de la mission « défense » respecte à la lettre les engagements et la trajectoire financière de la loi de programmation militaire (LPM) pour la troisième année de sa mise en œuvre. C’est d’autant plus satisfaisant que certains d’entre nous gardent le souvenir de nombreuses lois de finances initiales contredisant la LPM dès la deuxième année de sa mise en œuvre. En réalité, le budget des armées est en progression pour la quatrième année consécutive et, en 2021, il sera en hausse de 1,7 milliard par rapport à 2020, ce qui le portera à 39,2 milliards.
Ce budget, qui est la mise en œuvre tangible des engagements pris par le président de la République dès 2017, poursuit et consolide la remontée en puissance de nos armées amorcée il y a quatre ans, avec un mot d’ordre simple : réparer et préparer. Il faut d’une part réparer des armées qui, intensément sollicitées ces dernières années, s’étaient usées. Nous avions fait ensemble le constat, en 2017, de matériels vieillissants et de capacités affaiblies par un budget de la défense qui a longtemps été une variable d’ajustement du budget de l’État. Il faut d’autre part préparer l’avenir, les conclusions de la revue stratégique de 2017, relevant de nouvelles menaces et une multitude d’incertitudes concernant le futur des relations et des équilibres entre les puissances, nous ayant conduits à nous doter d’un plan de bataille visant à redonner à la France un modèle d’armée complet.
Ce plan de bataille, c’est la LPM, qui a sans cesse augmenté les moyens du ministère des armées ces dernières années. Lorsque j’ai pris mes fonctions en 2017, les crédits budgétaires de la mission « défense » étaient de 32,2 milliards. Depuis, chaque année sans exception, ce budget a été augmenté : de 1,8 milliard en 2018 puis de 1,7 milliard chaque année. Avec un budget établi à 39,2 milliards en 2021, les armées disposent de 7 milliards supplémentaires, et de 18 milliards cumulés, pour s’équiper de matériels modernes, s’entraîner et mieux remplir leurs missions.
Le budget 2021 de la défense représente aussi, dans le contexte particulier que nous connaissons, une contribution essentielle à la relance économique : ces 39,2 milliards bénéficient directement à des entreprises françaises réparties sur tout le territoire. J’ajoute que pendant la durée complète de la LPM 2019-2023, 110 milliards seront injectés dans l’économie pour les équipements, les infrastructures et le maintien en condition opérationnelle (MCO). C’est l’équivalent en cinq ans d’un plan de relance pour les seules questions de défense, plan de relance qui ne connaît ni report – au contraire, nous avons anticipé certaines commandes dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique – ni interruption. Le 29 septembre dernier, le ministère des armées a passé commande à NHIndustries de dix hélicoptères NH90 destinés à équiper le 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales. Thales et Safran en seront les équipementiers principaux ; Airbus Helicopters est l’actionnaire principal de cette co-entreprise européenne. Cette commande, qui contribuera à faire vivre les sous-traitants des trois entreprises, conférera aux forces spéciales les capacités nécessaires tout en harmonisant la flotte d’hélicoptères de l’armée de terre, ce qui est particulièrement utile au MCO.
Le budget 2021 de la défense est aussi un plan de relance à l’emploi. Comme vous l’avez rappelé, le ministère des armées sera en 2021 le premier recruteur de France avec près de 27 000 recrutements et la poursuite de l’effort engagé dans le domaine du renseignement, de la cyberdéfense et du numérique.
Les 39,2 milliards de ce budget seront affectés conformément aux quatre axes de la LPM. Pour ce qui concerne l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnels militaires et civils de la défense, j’insisterai sur les éléments clés illustrant le budget « à hauteur d’homme » que nous voulions. D’abord, nous affecterons 38 millions au lancement de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Ce projet, inscrit dans la LPM, vise à réformer un système de solde bien trop complexe pour mieux prendre en compte les enjeux sociaux propres aux armées et simplifier le calcul de la solde et la rendre plus immédiatement compréhensible. Ce sera la première étape d’un ensemble beaucoup plus vaste qui se déploiera jusqu’en 2023.
Ensuite, nous consacrerons 237 millions à l’amélioration des conditions d’hébergement des militaires, dans le cadre du programme « hébergement » pour lequel est prévu un milliard pour la durée de la LPM.
D’autre part, le renouvellement des petits équipements, qui faisait l’objet d’une attention particulière de votre commission dès nos premiers échanges, il y a trois ans, se poursuit : 12 000 nouveaux fusils HK-416 sont prévus pour remplacer les Famas ; cela portera le nombre de fusil HK à plus de 50 000 à la fin de 2021. La même année, 126 000 nouveaux treillis ignifugés F3 seront perçus en dotation par les unités. Aujourd’hui, tous les soldats en OPEX et 75 % des militaires en métropole en sont équipés ; à la fin de l’année, tous seront dotés de ce nouveau treillis résistant et adapté aux missions.
Enfin, à la lumière de la crise sanitaire, l’accroissement des crédits consacrés au SSA est important. A très court terme, des moyens financiers supplémentaires seront mobilisés pour faire face à la pandémie, et j’ai précisé samedi dernier les orientations que je souhaite pour consolider ce service dans sa mission première, le soutien de nos forces armées.
Le deuxième axe de la LPM est le renouvellement des capacités opérationnelles des armées. À ce sujet, je puis vous dire que les livraisons et les commandes se poursuivront également pour moderniser les matériels et les équipements lourds. C’est aux programmes d’armement majeurs pour nos armées qu’iront près des deux tiers de l’augmentation de 1,7 milliard du budget 2021.
Comme l’exige la LPM, le budget 2021 contribuera aussi à la consolidation de notre autonomie stratégique. Ce disant, et alors que l’armée de l’air est devenue l’armée de l’air et de l’espace, je pense au développement de nos capacités spatiales, auxquelles nous consacrerons 624 millions, et à un autre chantier essentiel à notre souveraineté : la poursuite du renouvellement des deux composantes, aéroportée et océanique, de la dissuasion française, à raison de 5 milliards en 2021.
Le dernier axe de la LPM est l’innovation pour préparer le futur. À cet égard, 2021 sera l’année de la commande du démonstrateur de système de combat aérien du futur que nous construisons avec les Allemands et les Espagnols. Il devrait en conséquence prendre son envol en 2026 pour être opérationnel à l’horizon 2040. Mais la préparation du futur passe aussi par l’innovation, et nous consacrerons près de 900 millions en 2021 à la conception des technologies de demain, en bon chemin vers le milliard annuel qui sera atteint en 2022. L’année 2021 sera également celle de la mise en œuvre du fonds Definnov, doté de 200 millions pour soutenir le développement de technologies duales et transversales par le financement en fonds propres d’entreprises innovantes.
Le budget 2021 de la mission « défense » est une démonstration de constance, de confiance et de relance. Il poursuit notre mission, qui est de donner aux armées les moyens de protéger la France et les Français, aujourd’hui et demain, et de soutenir notre BITD.
M. Jean-Michel Jacques. Je prends la parole au nom du groupe La République en Marche, et j’associe à ma question Christophe Lejeune, rapporteur pour avis pour les crédits de l’équipement des forces et de la dissuasion. Nous avons tous deux constaté, sur le terrain, une certaine satisfaction de l’exécution de la LPM ; elle s’exprime essentiellement chez les industriels, et aussi chez les militaires qui voient le matériel arriver dans leurs unités. Mais nous avons aussi été témoins de l’inquiétude suscitée par la crise du covid-19 qui fragilise les chaînes de production de tout le tissu des PME travaillant pour nos armées. Elles bénéficient du soutien du ministère et des principaux acteurs industriels mais certaines sont dans une situation préoccupante, qui s’explique par la difficulté d’accès aux prêts bancaires et aussi par le fait que nos PME voient fondre leur marché à l’export faute de pouvoir se rendre à l’étranger. Comment pouvez-vous les aider ?
M. Charles de La Verpillière. Le groupe Les Républicains s’associe bien sûr aux félicitations et aux remerciements adressés à nos militaires engagés pour venir en aide aux victimes civiles des intempéries dans les Alpes-Maritimes et qui, plus largement encore, ont participé à la réponse apportée à la crise sanitaire dans le cadre de l’opération Résilience. Nous découvrons le projet de budget 2021, que nous allons étudier précisément. Nous entendons l’annonce d’une augmentation de 1,7 milliard et nous vous donnons volontiers acte que, si c’est bien le cas, cette augmentation est conforme à la trajectoire de la LPM. Mais vous reconnaîtrez sans doute que le meilleur budget du monde ne vaut que par son exécution. Or, vous n’avez dit mot de celle du budget 2020, et c’est à la lumière de l’exécution du budget 2020 que nous serons vraiment en mesure d’apprécier le sérieux du budget 2021. Pourriez-vous donc, Madame la ministre, nous donner quelques indications sur les reports de charges éventuels et nous dire quel est l’état du gel de crédits ? D’autre part, à quel point les recrutements ont-ils été perturbés par la crise sanitaire ? Les objectifs en cette matière seront-ils atteints ?
M. Jean-Pierre Cubertafon. Je m’exprime au nom du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés. Le fonds d’investissement Definvest a été conçu pour sauvegarder les sociétés d’intérêt stratégique pour la défense nationale par des dotations en capital et vous avez indiqué que, pour accompagner le plan de relance, ce fonds doublera ; pourriez-vous expliciter son fonctionnement et nous donner quelques exemples tangibles de son impact ? Mon collègue André Chassaigne et moi-même venons de remettre un rapport relatif à la politique d’achat de nos armées en matière de petits équipements. Il met en exergue le résultat positif de la LPM « à hauteur d’homme » engagée par vos soins dans ce secteur longtemps négligé mais aussi quelques axes d’amélioration possible, notamment dans les relations entre nos armées et les PME françaises. Les fonds Definvest et Definnov pourraient-ils y contribuer ?
M. Thomas Gassilloud. Le groupe Agir ensemble n’en doute pas : nous sommes tous d’accord pour juger que la LPM 2019-2025 est un outil extraordinaire de remontée en puissance de nos armées. Je vous remercie donc, Madame la ministre, pour la ténacité dont vous faites preuve : si, en temps ordinaire, le strict respect d’une LPM tient du miracle, que dire en ces temps de crise sanitaire dont l’impact est celui que l’on sait sur les comptes publics ? Le spectre d’un engagement majeur constitue désormais une hypothèse crédible, mais nos armées ont été organisées et dimensionnées pour faire face à une moyenne d’engagement plus qu’à des pics. Tout en respectant les axes de la LPM, certaines orientations ne pourraient-elles être prises pour permettre à nos forces de faire face à toutes les hypothèses, même les plus dures ? Bien que le chef d’état-major ait dit vouloir faire monter en puissance la réserve opérationnelle, 4 millions supplémentaires seulement y sont alloués, alors que ces crédits ont baissé de 5 millions l’année dernière ; dans ces conditions, la hausse prévue sera-t-elle suffisante pour permettre à la réserve opérationnelle de remplir ses objectifs ? Le stock d’armement de petit calibre est actuellement de dix-huit mois ; en cas d’engagement majeur, il pourrait fondre rapidement ; il me semble nécessaire de le consolider. Je constate que 200 millions de crédits de paiement sont affectés à cet usage, mais ils seraient en grande partie consommés par les munitions. N’est-il pas nécessaire de reconstituer ce stock ?
M. Bastien Lachaud. Le groupe La France insoumise déplore que, cette année encore, vous soyez auditionnée, Madame la ministre, sans que nous ayons pu prendre connaissance, même sommairement, du projet de budget de la défense à travers les bleus budgétaires. La récurrence du procédé en dit malheureusement long sur la piètre estime dans laquelle l’exécutif tient le Parlement. C’est d’autant plus regrettable que les journalistes sont manifestement mieux informés que la représentation nationale. Il nous reste donc à réagir aux interviews que vous avez données. Vous avez annoncé une hausse du budget et le respect scrupuleux de la LPM ; nous jugerons sur pièce, mais on peut déjà identifier des faiblesses dans votre stratégie, des surcoûts non prévus présentant un risque pour la trajectoire de la LPM : la réparation du sous-marin Perle, la commande de Rafale, les études pour le porte-avions de nouvelle génération et malheureusement, comme à l’habitude, la hausse des surcoûts liés aux OPEX.
Autre certitude : le budget des armées n’est pas un élément du plan de relance alors même que la crise sanitaire a fragilisé des fournisseurs de l’État du domaine de la défense. Dans le rapport relatif au rôle de l’industrie de défense dans la politique de relance qu’ils ont rendu, nos collègues Jean-Louis Thiériot et Benjamin Griveaux ont pointé ce risque, en vain semble-t-il. J’insiste pourtant sur la situation délicate des sous-traitants qui n’ont parfois qu’un seul client. Ainsi de Tarbes Industry, fournisseur français exclusif de Nexter pour divers types d’obus, notamment ceux des chars Leclerc. Bien que son carnet de commandes soit pourvu pour trois ans, l’entreprise est en grave danger ; un défaut de trésorerie menace une production stratégique pour laquelle Nexter n’aura plus qu’à se fournir en Finlande. Bien d’autres entreprises se trouvent dans des situations semblables, qui exigent une action conjointe vigoureuse de Bercy et de votre ministère. Vous avez pourtant concédé que le ministère des armées ne prévoyait pas de participer à la relance. Qu’entendez-vous faire pour sauver Tarbes Industry et les autres entreprises en péril alors qu’elles sont fondamentales pour notre souveraineté et nos armées ?
M. Jean Lassalle. Le groupe Libertés et Territoires ne doute pas que vous vous soyez battue avec pugnacité, Madame la ministre, pour obtenir 1,7 milliard supplémentaire pour les armées. Les périls croissent, et nous sommes en réalité les seuls Européens à porter un effort de défense digne de ce nom, les seuls aussi, malheureusement, qui intervenons plus souvent qu’à notre tour ; mais il le faut, et tel est peut-être le destin de notre grand pays. L’augmentation du budget de la défense suffira-t-elle pour permettre à l’armée de faire face aux défis qui doivent être relevés ? Je pense à la lutte contre la cybercriminalité, que l’armée doit prendre en main pour que nous ayons les résultats que nous devons impérativement avoir. Je pense aussi à la recherche spatiale, et enfin à la nécessité de renforcer les liens entre l’armée, la jeunesse et les citoyens en général, car le rôle de l’armée peut aller au-delà de la relation qu’elle a avec les entreprises.
Mme Anissa Khedher. Samedi dernier, vous avez assisté, Madame la ministre, au baptême de la promotion 2019 des élèves praticiens des écoles militaires de santé Lyon-Bron. Par votre présence, par vos mots forts sur l’engagement des femmes et des hommes qui sont l’avenir du SSA, vous avez témoigné de la reconnaissance de la Nation à ceux qui se sont mobilisés ces derniers mois dans l’opération Résilience. Je vous en remercie ; votre venue et vos propos ont été appréciés. Vous avez indiqué que le budget du SSA serait augmenté, 40 millions étant alloués aux écoles militaires de santé Lyon-Bron. Quelles raisons ont motivé cette dotation supplémentaire et quels objectifs avez-vous fixés ?
M. Didier Le Gac. J’ai visité ce matin à Cherbourg le chantier de construction du deuxième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) du programme Barracuda et j’ai été chargé de vous dire, Madame la ministre, qu’il avance bien… J’ai constaté que la construction des troisième et quatrième SNA a également bien démarré. Avant cela, j’étais déjà allé à Brest, Landivisiau et Toulon. Partout, les effets de la LPM se font sentir de manière tangible pour la marine. Á Cherbourg, j’ai constaté la livraison d’un bâtiment neuf pour héberger les doubles équipages des patrouilleurs ; à Toulon, les infrastructures nécessaires à l’accueil et à l’entretien des Barracudas sont en cours de réalisation ; à Brest, c’est le ponton des frégates multi-missions… En bref, vous avez devant vous un rapporteur heureux qui a rencontré, sur tous les quais, des marins plutôt heureux. Ma question concerne les patrouilleurs, indispensables à la souveraineté nationale, à la protection de notre zone économique exclusive et au contrôle de la politique migratoire ; pourriez-vous faire le point à ce sujet ?
M. Jean-Jacques Ferrara. Je me réjouis du projet d’acquisition par la Grèce de dix-huit Rafale, dont douze d’occasion. Le produit de cette cession alimentera-t-il le budget du ministère des armées ? Quel sera l’impact de cette vente sur la trajectoire prévue par la LPM ? En 2025, l’armée de l’air devrait pouvoir compter sur 129 Rafale ; quel pourrait être le calendrier de recomplètement de cette flotte, surtout si des commandes croate et suisse se matérialisent avant la fin de l’année, comme la presse l’évoque – et qu’en est-il ? Quels efforts sont prévus pour les radars et autres équipements missionnels propres à moderniser notre flotte d’avions de combat ? Ma dernière question sort du champ technique : c’est celle d’un député qui vient de prendre connaissance de l’encyclique Fratelli tutti du pape François. Pensez-vous comme lui, Madame la ministre, que nous sommes entrés dans une troisième guerre mondiale « par morceaux » ? Quelles en sont alors les conséquences pour la France, déjà lourdement engagée au Sahel et au Levant ?
Mme la ministre. Les entreprises qui travaillent de façon prépondérante pour nos armées sont plutôt moins exposées aux difficultés consécutives à la crise sanitaire que les autres. Dès le printemps, nous avons installé à la Direction générale de l’armement (DGA) une équipe qui travaille en étroite relation avec le ministère de l’économie et des finances pour assurer le suivi minutieux des entreprises qui constituent notre BITD. Nous avons contacté directement 1 300 entreprises, principalement de petites entreprises puisque nous suivons en permanence les grosses sociétés. Une centaine d’entre elles bénéficie déjà de mesures de remédiation : prêts garantis par l’État ; anticipation de commandes à chaque fois que cela a été possible ; soutien à l’export ; parfois, anticipation de plans de paiement. Si vous connaissez des sociétés dont les difficultés nous auraient échappé, adressez-les nous : la raison d’être de l’équipe chargée de surveiller le « carnet de santé » de ces entreprises est de tout faire pour qu’elles bénéficient des multiples outils définis depuis plusieurs mois pour les préserver. Pour l’aéronautique, le secteur le plus exposé à la chute de la demande dans le secteur civil, nous avons anticipé certaines commandes, et la commande d’avions Rafale par la Grèce, sur laquelle je reviendrai, est une excellente nouvelle puisque 500 PME participent au programme Rafale et 7 000 salariés sont concernés par cette commande.
Je serai heureuse de répondre à la question de M. de La Verpillière sur l’exécution du budget 2020 quand ce sera possible, mais ce serait prématuré aujourd’hui et les mois d’automne vaudront en quelque sorte double puisqu’ils doivent nous permettre d’apurer le retard pris pendant la période de confinement. Les pronostics que l’on peut faire en ce 5 octobre sont probablement sujets à une marge d’erreur. Je puis vous dire que les services du ministère s’attachent à éviter que l’exécution 2020 se traduise par des retards qui pourraient avoir des répercussions en 2021. Il ressort de mes conversations régulières avec les directeurs de l’administration centrale et les chefs d’état-major que nous devrions être en mesure de tenir nos engagements en 2020. Je ne peux exclure quelques reports éventuels, mais nous en reparlerons lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative.
Nous veillons à ce que les délais de paiement extrêmement rapides du temps de confinement – certaines factures ont été réglées en moins d’une semaine – demeurent ce qu’ils étaient. La réserve de précaution, pour le ministère des armées, représente un milliard de crédits gelés et vous pouvez compter sur moi pour en demander le dégel au cours des discussions que nous aurons en fin de gestion. S’agissant du report de charges, ma réponse, à ce jour, ne peut qu’être imparfaite. Avec un report de 3,9 milliards en 2019, nous avons respecté les jalons posés par la LPM et nous veillerons à ce que ce report diminue.
Nous avions des doutes sur la réalisation du schéma d’emploi pour 2020 en raison de la fermeture des centres de recrutement pendant plusieurs semaines, mais les contacts par messagerie avec les candidats dès la réouverture de ces centres, mi-mai, nous ont permis de finaliser immédiatement la signature de contrats pour l’armée de terre, où les recrutements se font au fil de l’année. L’armée de l’air et de l’espace comme la marine, qui recrutent principalement après l’été, devraient l’une et l’autre remplir leurs objectifs. Le recrutement du personnel civil n’a pas été touché, ou très peu. Le schéma d’emploi devrait donc être tout à fait convenable à la fin de l’année, d’autant que certains personnels qui avaient choisi de quitter l’institution militaire sont revenus sur leur décision.
Le fonds Definvest, créé à la fin de l’année 2017, cible des entreprises stratégiques qui peuvent être de très petite taille mais dont les connaissances ou les savoir-faire sont essentiels à la performance de nos systèmes de défense et donc à notre souveraineté. Ce fonds permet de renforcer leur bilan, de stabiliser leur capital ou de contribuer à la consolidation d’une filière sur le long terme. Il vise à la prise de participations au capital par le ministère des armées et à créer un effet de levier en attirant d’autres investisseurs. Á ce jour, Definvest a investi dans huit entreprises pour quelque 13 millions ; la décision que j’ai prise de doubler la dotation de ce fonds nous permet d’accélérer l’examen de nouvelles prises de participation et l’équivalent de 10 millions sont en cours d’instruction. Nous tenons à votre disposition la liste des entreprises qui en ont bénéficié. Cet outil contribue également à préserver notre BITD. Comme il a été conçu pour préserver la chaîne de souveraineté, ne pourraient en bénéficier, parmi les fabricants de petits équipements, que ceux qui contribuent à la fourniture de pièces clef.
En 2020, nous avons atteint la cible des 40 000 réservistes fixée par la LPM. Les moyens budgétaires ont correspondu à cette ambition : en 2015, 70 millions étaient budgétisés pour cette réserve ; en 2021, 159 millions le sont, soit plus du double. Les réservistes sont donc beaucoup plus nombreux, et la réserve constitue désormais une force de frappe très intéressante. Chaque jour, en 2020, un peu plus de 3 000 réservistes servaient les armées, dont près de 680 pour des missions de protection du territoire.
Les achats de munitions de petit calibre sont faits en flux par le service interarmées des munitions ; les mêmes servent à l’entraînement et à l’emploi opérationnel et nous n’avons pas de difficultés d’approvisionnement particulières.
La remarque traditionnelle de M. le député Lachaud me fait constater que j’ai le privilège d’être toujours la première auditionnée dans le calendrier des auditions relatives au projet de loi de finances. Au risque de me répéter, je ne suis pas responsable de l’édition des documents budgétaires ; je comprends votre frustration, Monsieur le député, j’aurais espéré que vous eussiez disposé de ces documents au moment où nous sommes réunis et je ne doute pas que ce sera le cas très rapidement.
Vous êtes inquiet pour Tarbes Industry. En 2019, nous avons mis 30 millions sur la table pour assurer la fabrication d’ébauche de corps d’obus, pérennisant ainsi vingt-deux emplois pour trois ans. Tarbes Industry fait partie des entreprises donc nous suivons attentivement la situation et, à ce stade, je n’ai pas d’inquiétude sur sa pérennité. C’est un actif stratégique, pour lequel l’État a jusqu’à présent pris toutes ses responsabilités. Je le redis : si vous avez connaissance de difficultés, faites-le nous savoir, mais il ne devrait pas y en avoir pour cette entreprise. Une observation : je n’ai jamais « concédé que le ministère des armées ne participerait pas à la relance ». Tout au contraire, j’ai expliqué à la presse, et dans mon propos liminaire à votre commission, en quoi le budget 2021 contribue comme la LPM à la relance dans notre industrie de défense. Vous semblez dubitatif ; il n’y a aucune raison de l’être. Pour la quatrième année consécutive, nous tenons nos engagements et les moyens complémentaires apportés année après année à nos armées contribuent fortement à l’effort de relance puisque les investissements réalisés dans le domaine de la défense profitent directement à nos territoires, à nos emplois et à des industries françaises.
Oui, la France est le pays qui porte l’effort de défense au sein de l’Union européenne, mais nous démenons pour que nos partenaires européens nous accompagnent dans des coopérations opérationnelles – je pense en particulier au Sahel, où les Européens nous rejoignent de plus en plus nombreux – ou dans des coopérations capacitaires tels le système de combat aérien du futur ou le char de combat du futur. Nous cherchons à ce que l’effort soit plus largement partagé.
La lutte contre la cybercriminalité est l’un des axes prioritaires de la LPM. Le nombre des cyberattaques va croissant, toutes les institutions sont visées et le ministère des armées n’y échappe pas. Nous avons donc décidé d’y consacrer 1,6 milliard au cours de la période et de recruter massivement pour porter le nombre de nos cyber-combattants à 4 000 en 2025, un effectif augmenté de plus de 1 100 personnes. Notre posture « cyber » permanente garantit la surveillance des réseaux, et des capacités de lutte informatique défensive opérationnelles, mais nous prévoyons aussi de nouvelles capacités de lutte informatique offensive en appui de la manœuvre des armées. Nous consacrerons 800 millions au renforcement capacitaire pour la recherche spatiale, conformément à la stratégie spatiale de défense validée par le Président de la République à l’été 2019 qui consacre 5,3 milliards aux développements capacitaires dans ce domaine. Cette enveloppe concerne évidemment la recherche, avec la préparation de la nouvelle génération de satellites d’observation Iris, de satellites d’écoute électro-magnétiques CERES et de satellites de radiocommunication Syracuse IV.
Je laisserai Geneviève Darrieussecq traiter avec vous demain du renforcement du lien armée-nation.
Nous avons constaté pendant la crise sanitaire la très grande réactivité du SSA qui, au service des forces, s’est aussi mis en état de répondre aux besoins de santé publique de la population. Ce service qui compte 14 700 personnels civils et militaires a connu de profondes transformations. Le plan « SSA 2020 », élaboré il y a plusieurs années mettait en actes la réduction du volume du service pour accompagner celle de nos armées, et la rationalisation de sa composante hospitalière pour en réduire significativement le coût. Nous sommes parvenus au terme de cette transformation, dont nous avons eu l’occasion de tirer certains enseignements, à l’aune de la pandémie mais avant cela déjà.
En effet, dès 2017 il m’avait semblé que ce plan, s’il était poursuivi, porterait atteinte à la capacité intrinsèque du service. J’ai donc décidé de mettre un terme aux déflations d’effectifs dès cette année-là, et nous n’avons pas mené à leur terme celles qui étaient initialement prévues. J’ai aussi pris des mesures de revalorisation salariale au bénéfice des praticiens et du personnel paramédical ; entre 2017 et 2020, plus de 30 millions auront été affectés à des mesures indispensables pour éviter la fuite de ces personnels.
Samedi dernier, j’ai présenté une feuille de route devant permettre au SSA d’aligner ses moyens et son organisation de façon cohérente avec le modèle d’armée dont la LPM est l’expression. Nous devons parvenir à synchroniser notre ambition pour nos armées et notre ambition pour le SSA, puisqu’elles sont indissociables, le service étant en quelque sorte l’assurance-vie de nos armées et la clé de voûte d’un modèle d’armée complet. J’ai donc réaffirmé la finalité et l’identité profondément militaires du SSA, et indiqué que je souhaitais la redéfinition de nos relations avec le système de santé publique. Le SSA en est évidemment complémentaire, comme la crise l’a montré, mais il ne peut se substituer à lui, sauf à mettre en péril la prise en charge de nos militaires. J’ai confirmé le choix fait en faveur de deux grandes plateformes hospitalières, l’une au nord du pays avec les hôpitaux Percy et Bégin, l’autre au sud avec les hôpitaux Sainte-Anne à Toulon et Laveran à Marseille ; nous continuerons donc d’investir à cette fin. Nous renforcerons l’hôpital Clermont-Tonnerre de Brest, et à Lyon, Metz et Bordeaux où des ensembles civils ou militaires sont en cours de développement, nous poursuivrons les transformations en lien avec les territoires et en restant attentifs à ce que ces projets satisfassent les besoins des armées. Je souhaite aussi un rapprochement plus net entre la médecine des forces et l’hôpital, au bénéfice du patient militaire. La numérisation devrait nous y aider et l’administration centrale du service sera donc réorganisée pour s’ouvrir plus largement aux états-majors et à la DGA.
L’élément saillant est que cette feuille de route sera portée par des ressources nouvelles. J’ai affecté, dans l’enveloppe LPM, cent équivalent temps plein supplémentaires au SSA, ce qui permettra d’augmenter de 15 % le nombre d’élèves praticiens. J’ai aussi attribué 160 millions aux investissements dans le ravitaillement sanitaire pour améliorer la réponse au risque biologique, développer les outils numériques du SSA et financer des développements capacitaires ; 28 de ces 160 millions seront alloués dès 2021. J’ai donc réaffirmé la militarité du SSA, qui reste naturellement mobilisé au service de tous les Français, comme cela a été le cas pendant la crise sanitaire, il l’a amplement démontré.
Je remercie Didier Le Gac d’avoir bien voulu noter les efforts faits en faveur de la Marine nationale ; je suis satisfaite que ces efforts soient ressentis par les marins. Nous connaissions pour les patrouilleurs une rupture capacitaire chronique, particulièrement Outre-mer, alors que ces matériels sont indispensables à l’État pour lui permettre de mener à bien ses missions en mer. Le comblement de ces lacunes est l’une des priorités de la LPM. Pour les patrouilleurs Antilles-Guyane, nous sommes désormais à la cible puisque, après La Confiance et La Résolue en Guyane, La Combattante est désormais en service actif aux Antilles. Pour les six patrouilleurs outre-mer, j’ai fait le choix de bâtiments beaucoup plus volumineux, de ce fait bien plus adaptés aux grands espaces d’évolution que ne l’étaient les précédents, et j’ai décidé d’anticiper de deux ans leur livraison ; ils seront donc livrés à partir de fin 2022 au rythme de deux par an et j’irai à la fin de la semaine à Saint-Malo pour la découpe de la première tôle de cette série. Vous vous souviendrez que j’ai décidé il y a près de deux ans de prolonger jusqu’en 2022 l’ancien patrouilleur déployé en Nouvelle-Calédonie ; on évitera ainsi une discontinuité, en conditionnant le retrait de ce bâtiment à la livraison du nouveau patrouilleur. Enfin, la LPM fixe une cible de dix unités pour les patrouilleurs océaniques, destinés à la métropole. L’état de ces bâtiments n’étant pas flambant ni leur disponibilité totale, nous avons décidé une accélération pour que les deux premiers soient livrés avant 2025. Là encore, des choix structurants ont été faits : les capacités opérationnelles de ces nouveaux navires seront bien supérieures à celles dont nous disposons actuellement. Les dix nouveaux patrouilleurs seront dans la gamme des 2 000 tonnes, pourront emporter un hélicoptère, disposeront d’un sonar et d’un armement de calibre 40 millimètres ; aujourd’hui, nous disposons de six patrouilleurs de l’ordre de 1 200 tonnes, les trois d’entre eux qui sont déployés à Cherbourg étant beaucoup plus petits et non armés.
En résumé, onze patrouilleurs de nouvelle génération auront été livrés sur la période 2015-2025, rythme remarquable que l’on n’a pas connu depuis le début des années 1980. C’est aussi un effort « à hauteur de territoire », à la fois parce que ces patrouilleurs protègent directement les collectivités auxquelles ils sont rattachés et parce qu’ils sont construits par des chantiers de bien plus petite taille que ce dont nous avons l’habitude pour les bâtiments de premier rang, ce qui irrigue d’une autre façon notre industrie navale.
J’en viens au secteur aérien. C’est une excellente nouvelle que la récente commande d’avions de combat Rafale par la Grèce. Je souhaite répondre aux inquiétudes qui peuvent s’exprimer sur les conséquences éventuelles de cet ordre pour notre armée de l’air et de l’espace, et vous rassurer. Nous avions convenu ensemble de 129 avions Rafale en 2025 et j’ai bien l’intention de tenir cet engagement. Pour cela, je commanderai d’ici la fin de l’année, en parallèle des commandes qui seront adressées pour la Grèce, douze avions destinés à compenser le prélèvement identique fait sur les appareils de notre armée pour satisfaire l’ordre grec qui comprend, outre six Rafale neufs, douze avions d’occasion. La commande de ces douze aéronefs destinés à notre armée de l’air complétera la mise en production des vingt-huit avions déjà prévus pour être livrés entre 2022 et 2024.
Conformément aux mécanismes régissant les finances publiques, le produit de la vente des avions d’occasion va au budget général de l’État. Il me faudra donc négocier sa rétrocession avec Bercy. Ce n’est pas acquis, mais je m’engage à mener cette bataille.
Enfin, je me vois mal faire l’exégèse des propos du pape François. Mais nous sommes en train d’actualiser la revue stratégique réalisée en 2017, et cet exercice confirme l’accélération de certaines crises, notamment parce que la pandémie a un effet désinhibant pour plusieurs puissances. Je vous laisse donc conclure : je ne sais s’il s’agit d’une Troisième Guerre mondiale « par morceaux », mais la montée des tensions est significative.
Mme Patricia Mirallès. Les budgets alloués à nos armées sont essentiels à notre nation. Ils permettent l’entretien et le développement d’une force capable de protéger notre territoire et de se déployer sur les territoires alliés menacés. Ils contribuent à former des générations de combattants dans les valeurs qui honorent notre pays. Ils ont des effets indirects considérables en soutenant des industries à l’origine de plus de 200 000 emplois qui s’ajoutent à ceux de nos armées. Ils font vivre les familles de nos soldats même après leur départ et compensent en partie la douleur de l’absence des êtres aimés. Ils alimentent des services de santé des armées d’une qualité remarquable, qui ont contribué à très haut niveau à la lutte contre la pandémie. En bref, les effets qu’ont les sommes engagées dans le budget de nos armées dépassent de très loin le simple cadre militaire. L’État a dégagé des fonds considérables, d’un montant inédit, pour protéger la santé de nos concitoyens, nos emplois et nos entreprises ; les effets du budget des armées s’inscrivent dans cette logique et il est donc fondamental qu’il ne pâtisse pas des engagements budgétaires pris ailleurs. Soyons à la hauteur, soyons à hauteur d’homme. Vous pouvez, Madame la ministre, compter sur notre entier soutien pour valider le budget ambitieux et nécessaire que vous nous proposez.
M. Jean-Charles Larsonneur. Les autorisations d’engagement pour les missions « défense » sont stables en 2021 mais le budget de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) progresse de 300 % ; comment s’explique cette évolution ? Vous avez, l’an dernier, créé une ligne budgétaire « maîtrise de l’espace » au programme 146 pour formaliser notre nouvelle stratégie spatiale ; c’était essentiel à la lisibilité des documents budgétaires. Envisagez-vous la même démarche pour le domaine « cyber » et pour le MCO ?
M. Jacques Marilossian. « La seule solution d’une certaine grandeur française, c’est de faire l’Europe » disait Fernand Braudel. De fait, la France contribue fortement au développement d’une défense européenne et l’impulsion du président de la République en ce domaine est indiscutable, comme le reflète le lancement de l’Initiative européenne d’intervention (IEI). Notre pays contribue aussi largement au projet de coopération structurée permanente (CSP) ainsi qu’au programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense, et il participera bientôt au Fonds européen de défense. Le Parlement devrait pouvoir mesurer plus aisément l’investissement de notre pays dans la défense européenne ; il devrait donc apparaître plus explicitement dans les documents budgétaires. De même qu’a été lancée une approche « verte » du budget pour déterminer les dépenses qui contribuent à la préservation de l’environnement, ne pourrions-nous envisager, dans les prochains documents budgétaires, une approche « Europe » désignant nos efforts en faveur de la défense européenne ?
Mme Carole Bureau-Bonnard. Alors qu’en cette période de ralentissement économique les jeunes gens pâtissent trop souvent de manques de débouchés professionnels, les armées doivent continuer de jouer le rôle d’intégrateur social des moins qualifiés. Elles doivent aussi profiter des 27 000 recrutements prévus en 2021 pour faire progresser la féminisation des effectifs. Les recrutements seront-ils fléchés à cette fin ? Vous vous fixez l’objectif d’augmenter d’un quart le nombre d’apprentis dans vos effectifs ; quels secteurs de la défense sont concernés, et quels sont les compétences et les profils recherchés ?
M. Pierre Venteau. Merci, Madame la ministre, pour cette présentation comme toujours claire et précise. L’Agence de l’innovation de défense a été d’un secours très précieux ces derniers mois, accompagnant la recherche du dépistage de la covid-19. Cette jeune institution qui a une nouvelle fois prouvé son utilité pourrait servir l’an prochain trois volets majeurs de la LPM dans laquelle notre défense doit encore beaucoup investir : la cyberdéfense et le renseignement, nerfs de la guerre contre le terrorisme, et l’espace, indispensable dans la géopolitique de demain. Pouvez-vous détailler les financements de l’innovation dans la cyberdéfense ?
M. Fabien Gouttefarde. Merci, Madame la ministre, de faire mentir le grand homme politique qu’était Michel Rocard… Ma question porte sur le financement du système de combat aérien du futur. La France et l’Allemagne se sont résolument engagées dans ce programme majeur pour notre souveraineté mais les montants envisagés ne sont pas tels qu’ils le rendent irréversible. De nombreuses raisons militent pour le passage à un contrat-cadre couvrant toutes les opérations nécessaires à la réalisation du démonstrateur, au moins jusqu’en 2024. On romprait ainsi avec la stratégie des « petites tranches » et ce serait heureux, sachant qu’une alternance politique peut se produire fin 2021 en Allemagne.
M. Yannick Favennec Becot. Les risques, les menaces et les vulnérabilités se multiplient dans le nouveau champ de confrontation qu’est l’espace, qui « s’arsenalise » depuis plusieurs années. L’évolution de notre doctrine, de nos capacités et de notre organisation est inéluctable pour faire de la surveillance de l’espace un axe indispensable de la politique spatiale militaire définie par le président de la République – assurer la défense de l’espace par l’espace. Notre capacité de surveillance de l’espace a beau être sans équivalent en Europe, elle demeure insuffisante. Quel sera l’effort financier en ce domaine ?
Mme Laurence Trastour-Isnart. Je vous remercie, Madame la présidente, de vos mots pour les marins, et aussi d’avoir mobilisé nos forces armées dans le soutien à la population des Alpes-Maritimes gravement frappée par les intempéries ; mes remerciements vont à l’armée de terre, à la Légion étrangère et à nos chasseurs alpins qui participent aux sauvetages. La LPM prévoit le renouvellement des capacités opérationnelles pour moderniser nos armées. Par l’innovant programme SCORPION, la France se distingue dans le secteur de la défense terrestre, mais ce secteur n’est-il pas sous-doté en crédits à l’innovation ? Rehausser la part de ces crédits qui lui est dévolue permettrait à nos entreprises de préparer les systèmes de combat de demain, et aussi les simulations et l’automatisation.
Mme Natalia Pouzyreff. Quel est l’état d’avancement des quarante-six projets coopératifs européens prévus dans la CSP, où la France est la nation la plus engagée ? La collaboration emporte-t-elle un satisfecit ? Sachant que les dépenses de fonctionnement découlant des projets entrepris dans ce cadre incombent aux États participants, les engagements de dépenses se font-ils conformément au calendrier prévu ? En raison de la pandémie, certains pays envisagent de ralentir leurs efforts budgétaires en matière de défense, et parmi eux l’Allemagne, avec laquelle nous avons plusieurs coopérations d’envergure. Y voyez-vous un risque pour leur participation financière aux projets communs, ou encore pour leur engagement dans l’IEI ou à nos côtés dans les opérations extérieures ?
M. Jean-Philippe Ardouin. En 2021, 237 millions serviront à améliorer l’hébergement en enceintes militaires ; en tout, un milliard sera consacré à ce plan d’hébergement pendant la durée de la LPM 2019-2025. Comment ces crédits seront-ils répartis entre les armées ? Quel est l’état d’avancement du plan au regard de l’objectif fixé ?
M. Claude de Ganay. Je salue les efforts accomplis par votre ministère pour respecter la trajectoire de la LPM dans ce contexte si particulier. Depuis le début de la pandémie, nos armées ont été à la hauteur des enjeux sanitaires. Rapporteur pour avis sur les programmes 178 et 212, je notais l’an dernier que le SSA connaissait des signes de tension perceptibles et un sous-effectif chronique après une forte baisse de ses crédits depuis dix ans. Après que le Ségur de la santé a entériné la revalorisation de la rémunération du personnel de la fonction publique hospitalière, la directrice centrale du SSA s’est inquiétée devant moi du décalage de rémunération avec ses personnels ainsi créé. Des « primes covid » ont été allouées aux personnels soignants militaires au même titre qu’à leurs homologues de la fonction publique hospitalière et la rémunération n’est pas l’unique ressort de la fidélisation, mais la transposition des dispositions adoptées par le Ségur de la santé au personnel du SSA est un enjeu réel ; elle signifiera que l’affirmation de la reconnaissance qui leur est due n’est pas uniquement un effet d’annonce. Les crédits supplémentaires destinés au SSA présentés dans le dossier de presse sont-ils uniquement destinés à la création de postes ou une part en sera-t-elle dévolue à des revalorisations salariales ? Si oui, quelle est-elle ?
M. Loïc Kervran. Je vous remercie des précisions que vous avez données sur le soutien apporté aux PME à l’activité duale, qui sont souvent en très grande difficulté. Plus généralement, je vous remercie de l’action que vous menez pour nos régions en vous battant pour le budget des armées et en favorisant les exportations. Le succès que constitue l’achat d’avions Rafale par la Grèce permet à des départements tels que le mien, le Cher, de maintenir l’emploi. Et puis, en tant que président du groupe d’amitié avec le Liban, je vous remercie vivement pour l’opération Amitié ; à une époque où, parfois, les cœurs et les esprits rétrécissent, le ministère des armées montre que l’on peut aider à la fois les territoires français et les pays étrangers quand il en est besoin.
Mme la présidente Françoise Dumas. Merci, cher collègue, pour ces paroles fraternelles. Nous avons tous une pensée pour nos amis libanais.
Mme Florence Morlighem. Le plan famille 2018-2022, une des priorités de la LPM, a été pensé par et pour les militaires, selon votre credo : « il n’y a pas de soldats forts sans familles heureuses ». Meilleure prise en compte des absences opérationnelles, meilleur accompagnement de la mobilité, ancrage de la garnison au cœur de la vie familiale et sociale… quel est le bilan d’étape ?
Mme Nathalie Serre. Le 14 juin dernier, un incendie s’est déclaré dans le SNA Perle en rénovation à Toulon. Bien que les dégâts semblent très lourds, aucune inscription ne paraît figurer à ce sujet dans le budget 2021, non plus que pour le porte-avions nouvelle génération dont le programme devait être entériné en juillet dernier lors d’un conseil de défense. Qu’en est-il ?
Mme Marianne Dubois. La provision OPEX-MISSINT reste fixée à 1,1 milliard en 2021. Ce budget aura-t-il suffi en 2020 ? Étant donné la montée en puissance de l’opération Barkhane, le reste du budget global ne risque-t-il pas d’être amputé en 2021 ?
Mme Françoise Ballet-Bru. Nous avons été alertés plusieurs fois sur la difficulté qu’éprouvent de jeunes entreprises prometteuses du secteur de la défense à obtenir des financements bancaires. Les refus sont de plus en plus fréquents, les banques justifiant leur frilosité par les risques qu’elles considèrent encourir dans ce secteur d’activité. Le ministère a tenté de pallier ce problème de diverses manières mais cela semble insuffisant, si bien que des TPE-PME de défense en viennent à chercher des financements à l’étranger. Nous sommes donc heureux du doublement de la dotation du fonds Definvest et de la création du fonds Definnov, mais cela suffira-t-il ? L’État s’attachera-t-il à trouver des solutions pérennes avec les banques françaises, dont les critères d’évaluation des risques sont variables ?
Mme Sereine Mauborgne. La LPM prévoit de consacrer 35 milliards à l’entretien programmé des matériels (EPM) pendant la période 2019-2025. Ce montant considérable est indispensable pour faire fonctionner nos matériels vieillissants les plus engagés sur les théâtres d’opérations en attendant l’arrivée des matériels de dernière génération, dont les livraisons ont été accélérées. Dans le même temps, nos armées achèvent la réorganisation du MCO, et une nouvelle politique contractuelle est instaurée avec les acteurs de la maintenance industrielle privée. Pouvez-vous confirmer, Madame la ministre, le maintien à haut niveau des crédits d’EPM pour 2021 et nous dire les résultats que vous escomptez de ces réformes ? Question subsidiaire : la rénovation de l’entrepôt central de Moulins, en améliorant ses performances logistiques, n’emporterait-elle pas des économies substantielles ?
M. Joachim Son-Forget. Je salue l’augmentation du budget du SSA. Mais il faut de nombreuses années pour former un médecin ou un soignant et très peu pour les perdre, notamment certains spécialistes engagés en OPEX – il y a des exceptions à cela bien sûr, dont le défunt capitaine Marc Laycuras – qui quittent parfois le service trop tôt. Comment maintenir un niveau d’engagement exceptionnel au long cours ? Dans un autre domaine, j’ai interrogé, sans vraiment obtenir de réponse, le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement et Mme Darrieussecq sur la filière des minutions de petit calibre. Nous craignons qu’en cas de conflit la France ne soit pas indépendante en ce domaine. Les réponses qui m’ont été faites indiquent que nous avons sans doute une souveraineté européenne sur les approvisionnements mais que ces stocks stratégiques ne sont pas dépendants de l’industrie française, volontairement démantelée quand on a démantelé le savoir-faire armurier, notamment à Saint-Étienne. Les munitions de petits calibres participent de cette filière et, ayant vu ce qui s’est passé pour les masques de protection contre le nouveau coronavirus, je suis très inquiet de ce qu’il adviendrait en cas de conflit ouvert. Une évolution est-elle pensée sérieusement pour faire renaître cette filière hautement sensible ?
Mme la ministre. Pour la DGSE, mes chiffres ne correspondent pas aux vôtres : les crédits de paiement passeront de 350 à 390 millions et les autorisations d’engagement seront portées à 1,5 milliard. Sont couverts des investissements pour la résilience des systèmes d’information et de communication de cette direction ; la montée en puissance de la cyberdéfense ; la consolidation des grands programmes interministériels pour améliorer notre capacité à traiter des données en masse et l’intégration de leurs systèmes de gestion ; la modernisation de l’immobilier.
S’agissant de la nomenclature budgétaire, la création d’une ligne « cyber » est assez délicate, les crédits étant répartis entre les programmes 178, 146 et 144.
Vous trouverez dans le programme 178 une ventilation du MCO par armée.
Pour présenter l’impact budgétaire de l’Europe de la défense, il faudrait présenter une sorte de jaune budgétaire qui n’est pas d’actualité mais que nous pouvons peut-être imaginer.
Les 27 000 recrutements prévus par les armées en 2021 sont un atout considérable pour les jeunes, particulièrement affectés par les effets de la crise sanitaire. Mais, non, nous ne destinerons pas des emplois aux femmes. Ce que nous souhaitons, c’est que le plus grand nombre possible de femmes aient envie de rejoindre les armées, où elles ont toute leur place. Il n’y aura pas de discrimination positive, je l’ai toujours dit et ma position ne changera pas, mais je suis très heureuse que le taux de féminisation du recrutement augmente : de 12,4 % en 2017, il est passé à presque 17 % en 2019. En matière de mixité, nous avançons toujours trop doucement à mon goût, mais de façon résolue, et nous continuerons d’y veiller.
L’apprentissage est une de nos priorités. Nous avons augmenté d’un quart le nombre de contrats d’apprentissage en 2020, après une première hausse de 15 % entre 2018 et 2019 ; nous aurons plus de 2 000 apprentis quand ils étaient 400 en 2015 et on a donc changé d’échelle. L’accueil des apprentis concerne tous les niveaux du CAP à bac +5, avec une majorité dans les métiers des systèmes d’information et de la maintenance. Nous pourrons vous fournir des données statistiques plus précises si vous le souhaitez.
Je l’ai indiqué tout à l’heure, 1,6 milliard est prévu pour le « cyber » pendant la période 2019-2025. Pour le soutien à l’innovation, les études amont et les appels à projets sur ces thématiques particulières représentent quelque 30 millions chaque année pour le « cyber », et nous consacrons 3 millions tous les ans au dispositif rapide pour soutenir l’émergence de produits de sécurité dans ce domaine. Je me suis rendue plusieurs fois à la Cyberdéfense Factory, premier incubateur de pépites nationales dans le domaine de la cyberdéfense, créé à Rennes pour provoquer des partenariats avec des start-up et des PME. Ces start-up bénéficient d’un soutien très puissant qui ne peut être quantifié mais qui est essentiel : elles peuvent accéder à des données en nombre massif pour mettre au point des algorithmes, condition pour qu’elles puissent ensuite trouver des marchés.
Comment sécuriser le financement du système de combat aérien du futur dans le cadre d’une coopération européenne, d’autant que les procédures du Bundestag sont assez différentes de celles qui prévalent en France ? Parce que nous voulons disposer d’un démonstrateur capable de voler en 2026, nous travaillons avec nos partenaires pour stabiliser un contrat portant sur les années 2021 à 2026 qui engagerait les industries et les États. Un point de passage intermédiaire sera certainement nécessaire en 2023 pour constater le bon avancement des travaux et confirmer les trois dernières années du contrat.
Nous avons été très actifs au cours des derniers mois au sujet de l’Initiative européenne d’intervention. Le concept en a été formulé en septembre 2017. Nous avons accueilli en juin 2018 les neuf premiers États capables d’agir et volontaires pour le faire – l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, et la France bien sûr. En novembre 2018, nous avons été rejoints par la Finlande, et en septembre 2019 par l’Italie, la Norvège et la Suède, si bien que nous sommes désormais treize États rassemblés dans ce cadre. Cette initiative permet des échanges réguliers aux niveaux stratégique, opérationnel et ministériel pour établir des coopérations tangibles dans des cadres variés – programme d’exercices conjoints, organisation de séminaires, coordination dans le cas de gestion des crises. Ainsi, dans le cadre de la crise sanitaire, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont installé aux Caraïbes une cellule de coordination pour la gestion de leurs moyens ; elle peut parfaitement être réactivée à tout moment si la situation épidémique le justifie. En 2021, c’est la Suède qui présidera nos travaux.
Je propose de revenir ultérieurement sur la CSP : un bilan d’étape est en cours à la Commission européenne qu’il sera utile de commenter lorsque nous en disposerons.
Dans le domaine des programmes d’équipements terrestres et des industries terrestres, le budget de l’innovation ne se limite pas aux quelque 40 millions prévus pour les études amont puisque le programme SCORPION implique, sur des crédits qui ne sont pas inscrits au programme 144, de nombreux développements en R&D. D’autre part, la première phase du char de combat du futur a été lancée cette année ; 30 millions sont investis pour en concevoir l’architecture, et dès l’année prochaine des contrats de R&D seront notifiés à hauteur de 200 millions si l’on réunit les financements français et allemands. Ces études permettront de faire travailler de nombreux bureaux d’études et l’ensemble de l’industrie terrestre.
La surveillance de l’espace par l’espace passe par la rénovation du radar GRAVES, qui permet d’observer l’espace depuis la terre, et par l’acquisition de nanosatellites patrouilleurs à partir de 2023. Nous pourrons aussi louer des services pour surveiller l’espace depuis l’espace ou depuis le sol. Le financement de ces moyens se trouve dans les 700 millions consacrés à la stratégie spatiale et figure dans les documents budgétaires. J’ajoute que nous travaillons avec la société Cilas à la fabrication d’un laser de puissance – un équipement qui n’est pas conçu pour l’observation mais pour l’action.
Les conditions d’hébergement des militaires exigeaient un effort significatif. Aussi avons-nous réservé dans la LPM un milliard pour rattraper ce qui aurait certainement dû être fait plus tôt mais qui n’a pu l’être, compte tenu des priorités accordées au cœur des missions de nos armées. Après 176 millions en 2020 et 95 millions en 2019, 237 millions d’autorisations d’engagement iront à ce programme en 2021, montant 2,5 fois plus élevé que lors de la première année de la LPM. En tout, 2 250 places dont 850 créations et 1 400 réhabilitations seront livrées en 2021, dont 400 places à Toulon et 200 à Gap. Sur la période couverte par la LPM, 25 700 places seront livrées, dont 7 600 places nouvelles et 18 100 places réhabilitées.
Notre forte dépendance aux énergies fossiles n’est pas soutenable dans la durée parce qu’elle n’est pas soutenable pour la planète. Européens, nous avons souscrit à la neutralité carbone à l’horizon 2050 ; d’évidence, nos armées doivent y contribuer et je veux éviter que l’action de nos armées soit un jour entravée par manque de préparation à la transition énergétique. Aussi ai-je présenté il y a quelques jours à Varennes-sur-Seine une stratégie énergétique de défense pour laquelle nous investirons 500 millions entre 2020 et 2026. Nous avons des objectifs concrets d’hybridation des véhicules : déjà, un véhicule de l’avant blindé qui devrait être rapidement opérationnel est développé par Arquus et un démonstrateur de Griffon hybride devra être développé en 2022. La frugalité énergétique est au cœur des nouveaux programmes d’équipement majeurs. Nous travaillons également sur l’hydrogène, énergie d’avenir, et nous avons un projet de drone à l’hydrogène. Enfin, le chaland multi-missions à propulsion hybride utilise sa batterie électrique 75 % du temps, ce qui est très satisfaisant ; nous poursuivrons dans la voie de l’hybridation pour les patrouilleurs outre-mer. En résumé, les armées sont fortement consommatrices d’hydrocarbures, mais elles se soignent…
J’en viens aux mesures prises au bénéfice des personnels du SSA. Je vous ai parlé des revalorisations salariales décidées. Les personnels de ce service ont naturellement bénéficié des « primes covid ». Certaines mesures figurant dans les accords du Ségur de la santé doivent être transposées au personnel hospitalier de nos huit établissements. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale en assurera pour partie le financement, qui n’est pas entièrement arrêté et qui devra donc être complété.
Je remercie M. le député Loïc Kervran pour ses propos ; ils seront naturellement transmis à ceux qui ont participé à l’opération Amitié et dont le mérite est en effet très grand. Nous sommes très fiers de ce qu’ont fait nos militaires à Beyrouth et je suis très touchée que les Beyrouthins et les Libanais dans leur ensemble aient perçu la sincérité de l’engagement des militaires français au cours des semaines pendant lesquels ils ont porté secours.
Pour que le plan d’accompagnement des familles s’adapte en permanence à leurs besoins, j’ai provoqué en 2019 une grande consultation au plus près du terrain. Aujourd’hui, ce plan compte cinquante-quatre mesures dans des domaines concrets : condition du personnel, action sociale, logement familial, hébergement. Des réalisations emblématiques ont eu lieu au cours des trois dernières années, qui ont un impact direct sur la vie des familles. Je pense aux 5 000 assistantes maternelles conventionnées subventionnées par le ministère ; à la cible atteinte de 20 % de places supplémentaires en crèches, soit 2 250 places – et nous irons plus loin avec le budget 2021 – ; au déploiement du WiFi gratuit dans 2 200 bâtiments en métropole, qui permet 142 000 connexions gratuites ; à la renégociation de notre contrat avec la SNCF, qui permet de distribuer 130 000 cartes « famille » utilisables même en l’absence du militaire qui ouvre le droit. Je pense aussi à la capacité d’anticipation des mobilités géographiques : comme nous nous y étions engagés, nous avons pu dans 85 % des cas faire connaître les ordres de mutation au moins cinq mois avant la date de mobilité effective. Je pense également aux plateformes multi-déménageurs, particulièrement utiles cette année pour les mutations qui ont eu lieu en pleine crise sanitaire. Je pense enfin aux 600 logements familiaux neufs commandés entre 2018 et 2020 et dont les livraisons sont effectives ; j’ai mentionné Toulon et Gap mais l’on pourrait aussi parler de l’Île-de-France. Nous allons poursuivre dans cette voie pour le WiFi gratuit – qui sera déployé en Outre-mer et à l’étranger en 2021 – et pour l’augmentation du nombre de places en crèche, de lits d’hébergement pour les jeunes cadres célibataires en Île-de-France et des espaces multi-services ATLAS dont cinquante nouveaux seront installés en 2021, ce qui devrait nous permettre d’atteindre les 200 projetés en 2022. Je souhaite enfin que nous actualisions le plan famille pour traiter de l’accompagnement professionnel des conjoints, sujet qui n’est pas encore convenablement pris en compte.
Les expertises n’étant pas achevées, je ne suis pas encore en mesure de vous indiquer précisément l’ampleur des dégâts provoqués par l’incendie du 12 juin dernier dans le SNA Perle et les conclusions que nous devrons en tirer. Ce sous-marin était en entretien ; nous avions donc budgété des moyens importants pour lui donner une nouvelle vie. Nous devrions savoir d’ici la fin de l’année s’il faut les augmenter. Sur un autre plan, nous prévoyons d’engager 261 millions en 2021 pour poursuivre les études concernant le porte-avions de nouvelle génération ; les décisions qui devaient être prises à l’été le seront d’ici la fin de cette année, et nous pourrons donc engager les crédits comme prévu.
La frilosité que manifeste le secteur bancaire dans l’accompagnement de nos entreprises de défense est d’autant plus dommageable que l’État, par les commandes qu’il passe et les garanties bancaires qu’il accorde, les soutient très fortement. Bruno Le Maire et moi-même entretenons avec les établissements bancaires un dialogue exigeant qui doit être poursuivi pour corriger l’a priori évoqué.
Comme en 2019 et en 2020, ÉCHO et EPM sont une priorité des armées. Nous avons donc fortement relevé le financement qui leur est consacré : en 2021, le niveau d’autorisations d’engagement sera de 11,1 milliards, en progression de 1,4 milliard. Cela traduit aussi la montée en puissance de la transformation de notre MCO aéronautique. Nous poursuivons la stratégie de contrats de maintenance verticalisée de bout en bout et flotte par flotte : nous avons devant nous la verticalisation des moteurs M88 du Rafale, et nous allons poursuivre avec les Mirage 2000, les avions ravitailleurs d’ancienne génération, les MRTT Phénix, les Falcon, les Alfa Jet et les Fennec de l’armée de l’air, après avoir déjà verticalisé les Fennec école. La performance globale en sera améliorée, mais pour qu’elle le soit dans de grandes proportions, il faut aussi traiter d’organisation. Cela implique le rapprochement physique de tous ceux qui contribuent au MCO, personnel des armées et personnel chez les industriels : plateformes et ateliers communs sont aussi des sources d’optimisation. Nous devons également simplifier nos procédures. Cet ensemble de dispositions doit permettre l’élévation du taux de disponibilité de nos forces. Nous commençons de voir les premiers effets des deux ans d’efforts conduits par la direction de la maintenance aéronautique mais nous sommes encore en phase de montée en puissance.
Des mesures ont aussi été prises pour moderniser le MCO terrestre, en clarifiant ce qui relève de la maintenance industrielle et ce qui relève de la maintenance opérationnelle et en créant des partenariats plus structurés avec l’industrie. Le dépôt central de Moulins, parce qu’il n’est plus aux normes, fonctionne sous un régime dérogatoire jusqu’en 2024. Faut-il rénover les bâtiments ou utiliser le terrain qui les jouxte pour construire un bâtiment neuf ? La seconde option, plus efficace et moins onéreuse, sera probablement retenue. Ce projet trouverait sa place dans le cadre du plan de relance.
Nous avons relevé la provision relative aux OPEX et MISSINT au fil des ans. De 450 millions en 2017, elle est passée à 1,1 milliard depuis 2020 – 1,2 milliard en réalité si l’on tient compte des 100 millions destinés à la masse salariale pour les missions intérieures. Ce montant, qui sera inchangé en 2021, est cohérent pour une provision, laquelle ne prétend pas être le reflet exact d’une dépense exécutée mais couvrir une part très significative de la dépense finale. Nous avons réduit progressivement l’écart qui restait à financer en fin de gestion en 2018 et en 2019. Il est vrai qu’en 2020 le renforcement de l’opération Barkhane a amplifié les charges, mais nous avons des raisons de penser qu’il y aura aussi des dépenses en moins. Nous traiterons du résultat en fin d’exercice, lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
La fidélisation des médecins praticiens est un sujet prioritaire. Ils commencent leur carrière liés au SSA, cet engagement découlant de ce que leurs études ont été financées par le ministère. La prime de « lien au service » créée en 2020 avec l’objectif de conserver des compétences qui nous sont très précieuses est ouverte au SSA. Au cas particulier, elle nous a permis de conserver auprès de nous, au premier semestre, vingt-cinq praticiens dont quatre urgentistes, six médecins anesthésistes et quatre infectiologues.
Je pense avoir répondu à toutes vos questions, dont la variété prouve tout l’intérêt que vous portez à l’activité de nos armées ; c’est un très grand réconfort pour moi, et surtout pour elles. J’aborde la fin de gestion 2020 très déterminée à ce que nous utilisions les crédits mis à notre disposition, et l’exercice 2021 avec beaucoup de confiance, précisément parce que la nation nous fait confiance en nous confiant chaque année des budgets en forte progression. C’est pourquoi, aussi, nous avons souhaité réformer en profondeur notre ministère, afin d’être plus agiles, plus efficaces et d’optimiser ces moyens très importants au bénéfice de nos armées. (Applaudissements)
Mme la présidente Françoise Dumas. Ces applaudissements, Madame la ministre, saluent votre travail, votre détermination, la précision de vos réponses et la constance de votre engagement en faveur de nos armées.
Chers collègues, eu égard à l’évolution des risques sanitaires, j’ai décidé qu’à partir de jeudi prochain nos auditions se dérouleraient en format mixte. Suivant les recommandations des questeurs, nous ne pourrons nous réunir dans cette salle qu’à hauteur de la moitié de notre effectif. Nous respecterons ainsi les règles qui nous permettront de continuer à travailler sereinement. Les commissaires qui ne pourront assister physiquement aux réunions pourront le faire par visioconférence.