Face à la dépendance française aux fabricants asiatiques et américains de composants électroniques, une jeune entreprise tricolore tente de développer une filière nationale dans le secteur des drones militaires. Baptisée Drone Français, cette société, à la fois systémier et équipementier pour les forces armées, se présente comme le premier acteur national à avoir conçu des cartes de vol et des contrôleurs de moteurs entièrement développés en France.
Des composants électroniques produits localement
Drone Français se définit comme un bureau d’étude spécialisé dans la conception de sous-systèmes et systèmes robotiques. L’entreprise commercialise plusieurs composants essentiels au fonctionnement des drones : la carte de vol Abell, qui gère la navigation et la stabilisation, les contrôleurs de moteurs ESC Centurion disponibles en plusieurs versions (35A et 65A), ainsi que divers régulateurs de puissance.
Selon l’entreprise, elle est la première en France à avoir conçu une carte de vol et des contrôleurs entièrement français pour les drones d’observation et les drones FPV. Ces composants sont proposés à la vente sur leur site internet, avec des tarifs allant de 50,40 euros HT pour un régulateur à 99,90 euros HT pour un contrôleur de moteurs.
Deux modèles de drones pour nos armées
Au-delà des composants, Drone Français conçoit également des systèmes complets. L’entreprise propose notamment le drone FPV Uriel (avec une charge utile de 2 kg), vendu à 500 € et conçu comme un drone « kamikaze » dont les deux coques symétriques permettent une réimpression rapide sur les théâtres d’opérations en cas de casse. En termes de production, il peut être assemblé en seulement 20 mn.
Le catalogue comprend également le drone Sidé, un appareil d’observation conçu pour les missions de reconnaissance et d’analyse, équipé d’une caméra thermique et d’une caméra 2K gyrostabilisée avec une autonomie de 30 mn et d’une portée de 20 km. Le drone pèse moins d’un kg et son assemblement en production est un peu plus long : 1 heure.
Le ministère des Armées teste actuellement les appareils de Drone Français, et l’entreprise anticipe pour l’année prochaine une commande de 1 000 drones « kamikazes » et 600 drones de reconnaissance. Ces chiffres, annoncés par l’entreprise, restent cependant à confirmer par le ministère des Armées.
Ce potentiel intérêt des forces armées s’inscrit dans un contexte plus large. Le Pacte drones aériens de défense, signé le 17 juin 2024, mobilise plus de 60 entreprises autour du développement de drones de contact de moins de 150 kg. Le ministère des Armées, via la DGA, a lancé ces dernières années plusieurs programmes pour structurer une filière nationale.

Une souveraineté technologique encore limitée
L’entreprise reconnaît que les industries asiatiques et américaines dominent encore largement des technologies clés telles que les microprocesseurs ou les moteurs brushless. À ce jour, Drone Français dispose de briques technologiques françaises ou européennes, tandis que d’autres sont de conception française et étrangère, avec l’objectif d’acquérir progressivement les compétences nécessaires pour les transformer en solutions entièrement françaises ou européennes.
Les chaînes d’approvisionnement se sont révélées fragiles lors des crises récentes – Covid, tensions géopolitiques, guerre en Ukraine. Lorsqu’un État dépend de fournisseurs étrangers pour ses équipements militaires, il s’expose à des risques d’espionnage ou de sabotage, notamment si les systèmes embarquent des logiciels propriétaires ou des composants vulnérables.
Drone Français propose également des développements sur mesure : modélisation 3D de vecteurs aériens, roulants ou flottants, conception de pièces en divers matériaux, et réalisation de cartes électroniques entièrement intégrées.
L’entreprise développe aussi des logiciels de vol et des interfaces homme-machine, notamment des systèmes de navigation sans GPS, présentés comme adaptés aux zones de brouillage GPS. Cette capacité répond aux enjeux de la guerre électronique où les systèmes de navigation par satellite peuvent être neutralisés.

Une filière industrielle en développement
L’Alliance pour le développement des filières drones regroupe déjà plus de 30 entreprises, et le potentiel de cette filière dépasse aujourd’hui les 1 000 emplois directs et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Drone Français s’inscrit pleinement dans cet écosystème en tant que fournisseur de composants. Les PME innovantes conçoivent les briques technologiques essentielles, tandis que les pouvoirs publics coordonnent et financent l’innovation à travers des appels à projets ou des commandes publiques (quand elles existent). Cette structuration progressive vise à réduire la dépendance française aux importations de technologies critiques.





