TRAITÉ DU 23 OCTOBRE 1295 ENTRE PHILIPPE LE BEL, ROI DE FRANCE ET JOHN BALLIOL, ROI D’ÉCOSSE
Philippe, par la grâce de Dieu Roi de France, à tous ceux qui verront ces lettres, salut.
Parmi tous les moyens qui existent pour conforter la gloire des rois et des royaumes et pour leur procurer les bienfaits de la paix et de la tranquillité ainsi que la prospérité de leur État, celui qui, après mure considération, parait être le plus efficace est de conclure entre rois et royaumes des traités d’alliance garantissant leur amitié fidèle et leur union solide.
Aussi, pour remédier aux injures et aux violences injustifiées des méchants, comme pour repousser les attaques qui sont lancées contre eux au mépris de la justice, les rois et les princes ne peuvent-ils mieux faire que de s’unir par une amitié sincère, grâce à laquelle ils s’entraident dans la prospérité comme dans l’adversité, afin de réprimer les entreprises de ceux qui haïssent la paix et de procurer la douceur de la concorde (… ).
C’est pourquoi l’illustre prince Jean, roi d’Écosse, notre spécial ami, soucieux avec prudence de l’utilité et des besoins de son royaume, nous a envoyé les vénérables pères Guillaume, évêque de Saint Andrews, et Mathieu, évêque de Dunkeld, ainsi que les chevaliers Jean de Soule et Ingelram d’Umfranville, comme ses ambassadeurs et procureurs, avec pleins pouvoirs pour le représenter, comme il apparaît plus au long dans les lettres de mission qui leur ont été délivrées sous le sceau dudit Roi et dont la teneur est jointe aux présentes, afin de conclure avec nous un traité formel de confédération et d’amitié.
Donc nous, approuvant pleinement ce souhait louable dudit roi, et partageant son désir de voir notre amitié et confédération étroitement nouée pour l’avenir sous les meilleurs auspices, avons convenu et accordé (avec le plein accord de notre cher frère et fidèle Charles, comte de Valois et d’Anjou), que le prince Édouard, fils aîné dudit roi d’Écosse et son héritier, épousera Jeanne, fille aînée de notre dit frère Charles. (… ).
De même ledit roi d’Écosse, en prince juste et pacifique, mû par sa sincère amitié pour nous, notre royaume et notre peuple, considérant les graves injures, énormes excès, attaques injustifiées et agressions iniques que le roi d’Angleterre, en violation de son serment de fidélité, commet chaque jour contre nous et nos sujets (… ), promet expressément que, dans la présente guerre que nous menons contre ledit roi d’Angleterre et ses complices, tant le roi d’Allemagne que les autres, il mettra à notre disposition, et à celle de nos successeurs si cette guerre se prolonge jusqu’à leur règne, toutes les forces de son royaume, tant de terre que de mer, afin de nous aider ouvertement et publiquement en Angleterre (… ).
En outre, afin de mieux réprimer les injures dudit roi d’Angleterre et de le contraindre à cesser ses attaques contre nous, ledit roi d’Écosse s’engage à nous envoyer de l’aide, dans toute la mesure de ses moyens et à ses propres frais (… ).
Lesdits procureurs du roi d’Écosse, au nom de leur souverain, promettent que ce présent traité sera ratifié et accepté par les prélats, comtes, barons et autres nobles et villes du royaume d’Écosse, qui s’engageront à nous aider dans notre guerre contre le roi d’Angleterre, comme il est dit ci-dessus, et que lesdits prélats, comtes, barons, nobles et villes notables d’Écosse nous enverront leur accord par lettres munies de leurs sceaux le plus tôt possible.
En contrepartie, si le roi d’Angleterre s’avisait d’envahir le royaume d’Écosse, personnellement ou par d’autres sur son ordre, après la fin de la présente guerre qu’il mène contre nous, nous apporterions notre aide au roi d’Écosse, soit en tenant le roi d’Angleterre occupé par ailleurs, soir en envoyant des secours directement en Écosse à nos frais.
Si enfin le roi d’Angleterre venait à quitter personnellement son royaume (pour envahir le notre), le roi d’Écosse s’engage à entrer à son tour en Angleterre, le plus loin possible, et à y mener la guerre par tous les moyens, batailles, sièges, dévastations, le tout à ses propres frais.
Il a été convenu, par accord exprès entre nous et lesdits procureurs du roi d’Écosse, que si une guerre advient entre ledit roi d’Écosse et le roi d’Angleterre (comme suite au présent traité), nous ne conclurons avec le roi d’Angleterre aucune paix ou trêve sans l’accord du roi d’Écosse notre allié, et que lui-même, de son côté, ne conclura aucune paix ou trêve avec le roi d’Angleterre sans notre accord et sans que nous y soyons compris (… ).
Fait à Paris, le 23 du mois d’octobre, l’an du Seigneur 1295.