dimanche 1 septembre 2024

Guerre de 1870 : Un certain Ferdinand Graf von… Zeppelin

Août 1870. — Une reconnaissance de cavalerie allemande a pénétré en France. Elle est composée de deux officiers et d’une quinzaine de uhlans. Fatiguée, elle met pied à terre à l’entrée du village de Schirlenhof, dessangle les chevaux et entre dans l’auberge, pour un rapide « casse-croûte », couverte par une sentinelle, carabine au poing.

Un peloton du 12e Chasseurs à cheval français, aux ordres du lieutenant de Chabot, surgit au galop et fond sur les uhlans. La sentinelle tire. Le maréchal des logis Pagnez, qui chargeait en pointe, sa monture étant la plus rapide, est tué (premier tué français de la guerre de 1870). Les uhlans, sortis en hâte de l’auberge et voulant se défendre, sont sabrés, taillés en pièces. Le lieutenant Winsloe est tué (premier tué allemand de la guerre). Tous les uhlans sont hors de combats, prisonniers, leurs chevaux pris.

L’affaire paraît terminée, lorsqu’une ombre s’élance d’une fenêtre du rez-de-chaussée et saute en voltige, sur la jument du maréchal des logis Pagnez, qui, abandonnée, broute à quelques pas ? C’est un officier de uhlans tout jeune, tête nue, ses cheveux blonds au vent. Il pique des deux et disparaît. Coups de carabines ! Manqué !

Une heure plus tard, au passage de la Lauter, un garde-forestier français voit arriver le cavalier à bout de souffle, sa monture couverte d’écume. Il reconnaît l’uniforme bleu et rouge des uhlans. Il pourrait l’abattre d’un coup de feu, à quinze pas. Mais c’est un vétéran de Magenta, au poil gris. Il lui répugne d’assassiner ainsi sans défense un adversaire dont la jeunesse et l’audacieuse beauté l’impressionnent. Il abaisse son fusil, ne tire pas.

Deux coups d’éperon, le cavalier a disparu. Pour la seconde fois, sa témérité l’a sauvé. Et cependant, si ce garde-forestier avait pu savoir ! Ce sous-lieutenant aux cheveux blonds, qui dévale maintenant les pentes à travers les arbres, était un gibier de grand choix : Il se nomme Ferdinand, comte de Zeppelin.

Trente ans plus tard, alourdi par l’âge, on reverra son masque aux yeux d’acier, à la moustache rude. Il surgira du fond de l’horizon et se découpera sur le ciel crépusculaire du XIXe siècle. Le sous-lieutenant de uhlans de 1870, devenu général, s’est passionné pour la conquête de l’air. Il a travaillé pendant un quart de siècle. En 1898, il a pris un brevet pour une formule de ballon dirigeable rigide, c’est-à-dire constitué d’une enveloppe sur armature rigide contenant plusieurs ballons souples indépendants. Cette solution audacieuse deviendra la vraie solution de l’avenir.

Moins de deux après, le 3 juillet 1900, le premier zeppelin a cessé d’appartenir au domaine du rêve. Sorti de son hangar, à Friedrichshafen, il a exécuté son premier vol au-dessus du lac de Constance, aux acclamations du public enthousiasmé.

René CHAMBRE

Histoire de l’aviation, Flammarion, 1963.

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