« Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants », clamait l’écrivain Jean d’Ormesson dans son discours de réception à l’Académie française, le 6 juin 1974. Hasard du calendrier, ces mots ont résonné pile trente ans après l’arrestation par la Gestapo du résistant Bernard Saguez de Breuvery, commandant de police à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), mort en détention le 17 novembre 1944.
« Le 6 juin 1944, le Commandant de police Bernard Saguez de Breuvery, commandant régional des Groupes Mobiles de Réserve de Clermont-Ferrand fut convoqué et mis en état d’arrestation par la Schutzpolizei (littéralement police de protection, ndlr) puis remis pour interrogatoire à la Gestapo locale ». Il avait des responsabilités au sein de la police française pendant l’occupation allemande. Outre les Juifs, les résistants étaient des cibles pour les hommes du régime nazi et leurs soutiens en France.
Le commandant clermontois avait pour ordre de participer à la traque des membres de la Résistance, mais il ne s’y est guère résolu. « M. Saguez de Breuvery s’était effectivement attaché à ce que les policiers sous ses ordres n’entreprennent pas d’actions d’envergures contre les résistants du maquis ».
Son refus de coopérer s’est manifesté par un service minimum mais les « quelques opérations secondaires entreprises » sous sa direction « n’ont jamais donné les résultats exigés par l’intendance de police et les autorités allemandes. La plupart de ces actions se sont soldées par des échecs, les résistants ayant été prévenus de l’arrivée des forces de police ».
L’incroyable inefficacité du Commandant Saguez de Breuvery a fini par éveiller les soupçons de l’intendance et du gouvernement de Vichy. Le policier « laissait l’impression d’un homme évoluant dans un climat qui n’était pas le sien et dans un milieu dont il n’approuvait pas l’attitude », une apparente liberté très mal vue par la tutelle dictatoriale allemande et son relais français.
Interrogé par « l’intendant de police Armand Mayade », Bernard Saguez de Breuvery aurait ouvertement assumé son aversion pour le régime allemand, provoquant ainsi son « inéluctable arrestation ».
« Détenu au 92° RI à Clermont-Ferrand jusqu’au 19/07/44, il fut transféré sur Compiègne, puis déporté jusqu’au camp de concentration de Neuengamme en Allemagne sous le matricule 40478″.
Détenu dans des conditions d’hygiène déplorable, le Commandant de Clermont-Ferrand développe une septicémie générale. Cette infection bactériologique lui coûtera la vie le 17 novembre 1944. Il avait 48 ans. Il est mort pour la France. Sa noble famille avait une devise : « Clémence et vaillance ».