IN MEMORIAM – Capitaine Charles N’TCHORÉRÉ (exécuté le 7 juin 1940)

Charles N’Tchoréré, né le  à Libreville et mort le  à Airaines (France), est un officier français originaire du Gabon ayant servi dans l’armée française lors des deux guerres mondiales. Pendant la bataille de France, son unité est encerclée dans Airaines par la Wehrmacht et contrainte à la reddition après plusieurs heures de combat. Alors que les soldats allemands séparent les prisonniers blancs des noirs, considérés par les nazis comme des « Untermenschen » (« sous-hommes »), le capitaine s’insurge avec ses hommes et il meurt exécuté sur place d’une balle dans la tête. Après sa mort, il devient un symbole de l’engagement et du sacrifice des troupes africaines au service de la France.

Fils de notables gabonais de l’ethnie Myènè, Charles N’Tchoréré interrompt ses études dans des missions protestantes et catholiques (1904-1912) au Gabon (colonie française) et au Kamerun (colonie allemande), pour entrer dans la vie active. Alors que son père Charles est agent de commerce, il occupe un poste commercial au Kamerun.

Le général de Larminat, haut-commissaire de l’Afrique française libre et le colonel André Parant, gouverneur du Gabon, reçoivent la famille du capitaine N’Tchoréré pour lui rendre hommage après son décès, entre  et  à Yaoundé (Cameroun).

Son fils, le caporal Jean-Baptiste N’Tchoréré du 2e régiment d’infanterie coloniale, né le  à Libreville, est mortellement blessé sur le front de la Somme à Remiencourt. Il succombe à ses blessures, le . Il est inhumé au cimetière communal de Remiencourt.

À la déclaration de guerre en 1914, il quitte le Kamerun et rentre au Gabon. Il s’engage au service de la France et s’enrôle dans les tirailleurs sénégalais en 1916. Il y fait la preuve de sa valeur et est nommé sergent.

La Première Guerre mondiale terminée, il reste dans l’armée. Promu adjudant en 1919 au 4e régiment de tirailleurs sénégalais, il est affecté au 18e bataillon de tirailleurs sénégalais et stationné au Maroc de 1919 jusqu’en 1922.

Promu adjudant-chef, il est affecté au 73e bataillon de transition.

À l’issue d’une formation militaire à l’école des officiers d’outre-mer de Fréjus en 1922, d’où il sort major de promotion, il devient le  un des rares Africains à recevoir les épaulettes d’officier (sous-lieutenant) « à titre indigène ».

Il est alors affecté au sein du 14e régiment de tirailleurs coloniaux à Tarbes. N’Tchoréré sert ensuite au Levant français à la 7e compagnie du 17e régiment de tirailleurs coloniaux et il est blessé (à la mâchoire) au combat, le , durant la révolte druze menée par le Sultan el-Atrache en Syrie.

Il est brièvement affecté au ministère de la guerre à Paris.

Revenu en Afrique fin 1925, il rejoint le camp de Kati au Soudan français au sein du 2e régiment de tirailleurs sénégalais. Il est alors le commandant de la Compagnie hors rang et de l’École des enfants de troupe.

Le ministre de la guerre Édouard Daladier rédige à son sujet un témoignage de satisfaction,  : « A fait preuve de qualités de travail et d’intelligence, ainsi que du désir de perfectionner son instruction générale en publiant sur le Gabon, dont il est originaire, un travail très intéressant paru dans la Revue des troupes coloniales en 1925 ».

En 1926, le sous-lieutenant rejoint le 16e régiment de tirailleurs sénégalais à Montauban (Tarn-et-Garonne).

Il est nommé lieutenant « à titre indigène » en , puis nommé lieutenant « à titre français » en 1927.

Le lieutenant N’Tchoréré est muté en  au 23e régiment d’infanterie coloniale à Paris.

En 1931, il est muté pour servir en Afrique-Occidentale française.

N’Tchoréré est promu capitaine en 1933 et il est affecté au 1er régiment de tirailleurs sénégalais, à Saint-Louis (Sénégal) où il commande également l’École des enfants de troupe.

En 1936, alors en poste au 8e régiment de tirailleurs sénégalais, il est à nouveau affecté en Afrique-Occidentale française.

À la déclaration de guerre en , affecté au camp de Souge, près de Bordeaux, il demande à partir pour le front de la Somme avec un bataillon de volontaires gabonais, où il prend le commandement de la 5e compagnie du 2e bataillon aux ordres du commandant Seymour, du 53e régiment d’infanterie coloniale mixte sénégalais (53e  RICMS), aux ordres du colonel Polidori.

Charles N’Tchoréré est estimé des autres officiers et cadres européens placés sous son commandement. Sa compagnie est postée au centre d’un dispositif ayant pour mission de défendre la petite ville d’Airaines, située à 30 kilomètres à l’ouest d’Amiens, contre l’attaque des forces allemandes venues de la Belgique.

La 5e compagnie a constitué un point d’appui dans un groupe isolé de maisons, au nord du bourg. Le premier assaut allemand qui se produit le 5 juin est repoussé, ainsi qu’un second assaut le lendemain. Le 6 juin, la ville est contournée et encerclée par les Allemands, et subit un intense bombardement combiné de l’aviation et de l’artillerie ennemies, qui détruit presque entièrement la bourgade, mais sans briser la résistance des hommes de Charles N’Tchoréré.

Devant cette résistance inattendue, une délégation allemande se présente pour parlementer et tenter d’obtenir la reddition du bataillon qui défend Airaines, mais essuie un refus du commandant Seymour. Cet intermède est suivi de tentatives d’infiltration de l’infanterie légère allemande, qui est repoussée dans les bois par une contre-attaque de la compagnie du capitaine N’Tchoréré.

De nouveaux bombardements plus intenses s’abattent encore sur Airaines dans la nuit du 6 au 7 juin. Une nouvelle vague d’assaut allemande, appuyée par des chars, est pourtant à nouveau repoussée par la 5e compagnie. Celle-ci, toujours vaillante, oppose une résistance farouche, ayant mis huit panzers hors de combat.

À la suite d’une infiltration, les Allemands reviennent à l’assaut et parviennent à faire sauter le dépôt de munitions du bataillon. Privée de celles-ci, la position du bataillon devient intenable, aussi le commandant Seymour décide-t-il de tenter une sortie vers le sud, en brisant le dispositif d’encerclement. Le capitaine N’Tchoréré réclame l’honneur de rester sur place, afin de couvrir la retraite du bataillon, ce que le commandant Seymour accepte.

Pendant que les restes du bataillon forcent au sud le barrage ennemi, la 5e compagnie, restée seule en arrière-garde, subit l’assaut allemand au nord. C’est au moyen de lance-flammes que les soldats allemands réduisent, une à une, les dernières poches de résistance.

À 22 min, la 5e compagnie ne compte plus que 15 hommes valides : 10 Africains et 5 Européens, dont les munitions sont épuisées. Ils ne peuvent plus que se rendre et hissent le drapeau blanc : le capitaine N’Tchoréré sort en tête des survivants.

Les hommes du 25e régiment d’infanterie allemand séparent alors les Africains des Européens. Le capitaine N’Tchoréré refuse d’être considéré comme un « Untermensch » (« sous-homme ») et fait valoir sa qualité d’officier français. En dépit des vives protestations de ses camarades, et en violation de la Convention de Genève du 27 juillet 1929, les Allemands exécutent sommairement le capitaine N’Tchoréré d’une balle tirée derrière la tête. Les assassins ne provenaient pas d’une division SS, mais de la 7e division blindée allemande, sous les ordres d’Erwin Rommel. Son corps aurait ensuite été broyé sous les chenilles d’un char.

Jean-Baptiste TOMACHEVSKY
Jean-Baptiste TOMACHEVSKY
Mon grand-oncle paternel s'est engagé dans la Légion étrangère, parti combattre pendant la guerre d'Algérie. Il est mort pour la France en 1962. C'est lui qui m'a donné l'amour de la Patrie et l'envie de la servir. Appelé sous les drapeaux en février 95, j'ai servi dans 6 régiments et dans 5 armes différentes (le Train, le Génie travaux, l'artillerie sol-air, les Troupes de marine et l'infanterie). J'ai participé à 4 opérations extérieures et à une MCD (ex-Yougoslavie, Kosovo, Côte d'Ivoire, Guyane). Terminant ma carrière au grade de caporal-chef de 1ère classe, j'ai basculé dans la fonction publique hospitalière en 2013 en devenant Responsable des ressources humaines au centre hospitalier de Dieuze. J'ai décidé ensuite de servir la Patrie différemment en devenant Vice-président du Souvenir Français (Comité de Lorquin-57) où je suis amené à participer à une cinquantaine de cérémonies mémorielles par an. Je participe également à des actions mémorielles auprès de notre jeunesse. Je suis également porte-drapeau au sein de l'Union nationale des combattants (UNC) de Lorquin (57) et membre du conseil départemental de l'ONaCVG de la Moselle, collège 2 et 3. J'ai également créé sur un réseau social professionnel un compte qui regroupe près de 16 000 personnes dédié au Devoir de mémoire. Je transmets et partage les destinées de ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la France. J'ai rejoint THEATRUM BELLI en novembre 2024 pour animer la rubrique "Mémoires combattantes".
ARTICLES CONNEXES

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Découvrez nos nouveaux produits dérivés dans la boutique TB.

 

M&O 287 de juin 2025

Dernières notes

COMMENTAIRES RÉCENTS

ARCHIVES TB